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lundi 17 février 2020

Quand un psychiatre revisite la Bible

Publié le 17/02/2020


On se souvient du livre que Françoise Dolto publia en 1977, en collaboration avec Gérard Sévérin, un ancien prêtre devenu (je n’ose pas dire « converti ») psychanalyste[1]. Ce livre, L’Évangile au risque de la psychanalyse, jetait un pont entre des préoccupations de type religieux et d’ordre psychologique.

Dans un esprit comparable, le psychiatre britannique George Stein propose aujourd’hui un ouvrage (évoqué par le chroniqueur du British Journal of Psychiatry) consacré à « la psychiatrie cachée dans l’Ancien Testament » : The Hidden Psychiatry of the Old Testament, chez Hamilton Books. L’auteur suggère de considérer ce texte (l’un des plus célèbres de l’humanité) comme « un réservoir précieux de connaissances psychiatriques. » Pour conforter cette thèse, il s’appuie à la fois sur des parties de la Bible décrivant « les sentiments et les dilemmes de personnages-clés » (Job, Jérémie, Ezéchiel, Saül…) et sur « un large éventail de sources psychiatriques. » On peut évoquer par exemple « les épisodes ‘‘maniaques’’ du roi Saül, les sentiments ‘‘paranoïaques’’ de Job, les hallucinations ‘‘schizophréniques’’ d’Ezéchiel. L’auteur propose ainsi de rapprocher certaines descriptions bibliques (comme « la manie chez Saül, la dépression et la culpabilité chez Job, la panique et le dégoût de soi chez Jérémie, et les comportements psychotiques et hallucinations d’Ezéchiel ») avec les références actuelles du DSM !...

Job, Jérémie, Ezéchiel, des « patients » que l’on n’a pas vus…

Évidemment très délicat, cet exercice suscitera donc des controverses à la fois parmi les psychiatres (expliquant qu’on ne peut se risquer à poser un diagnostic sur un présumé « patient » qu’on n’a pas vu soi-même) et chez les religieux (offusqués par cette tentative de rationalisation du « sacré »). Toutefois, d’autres réflexions sont plus consensuelles : place de la sagesse et de la violence, place des troubles psychosomatiques, place de l’alcoolisme…

Certes, George Stein reconnaît que « les intentions des écrivains bibliques et celles des psychiatres modernes divergent. » Mais en confirmant l’universalité comme l’intemporalité des grandes problématiques humaines (la vie, la mort, les origines, la destinée, la filiation, la parentalité, l’espérance, la souffrance, l’individu, la société, etc…), son analyse (comme celle de Françoise Dolto et de Gérard Sévérin) plaide surtout pour « une compréhension empathique entre des disciplines » en apparence distinctes : médecine, morale, philosophie, étude des religions…

Pouvant rapprocher croyants et non croyants, cette démarche contribue donc à renforcer l’apaisement social.


Dr Alain Cohen
RÉFÉRENCE
Hannabuss S: Book review. Brit Journal Psychiatry, 2020; 216: 121.


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