La politique à bout de souffle (5/6).
A deux reprises, Nadine N’guessan, 43 ans, s’est fait aborder, sans raison, par des inconnus qui voulaient savoir de quoi elle vivait : « La première fois, c’était à un arrêt de bus. Un monsieur m’a demandé si je travaillais. Avant de lâcher qu’on prenait trop d’argent pour financer le RSA. » La fois suivante, c’était dans l’autobus. « J’étais alors en CDD, et une femme m’a dit qu’elle espérait que ça allait continuer. Une autre a alors lancé : “De toute façon, si elle arrête de travailler, elle aura le RSA. Pour vous les étrangers, c’est plus facile” », raconte cette Ivoirienne, qui vit aujourd’hui à Vannes. Sans travail depuis la fin d’une mission en CDD, en 2013, elle est encore sidérée par ces remarques.
Dans les locaux de l’association Solidarités nouvelles face au chômage (SNC), à Vannes, où une dizaine de bénévoles accompagnent Nadine N’guessan et d’autres demandeurs d’emploi en difficulté, son témoignage étonne a peine. « Depuis deux ou trois ans, on entend des propos de plus en plus durs », rapporte Bernadette Herviaux, 66 ans, retraitée de la fonction publique. Elle le constate au sein même de sa famille ou avec des amis :« Pendant les repas, on me demande pourquoi je consacre autant de temps à aider les chômeurs. »
« UNE RUPTURE S’EST PRODUITE »
Cette moindre empathie à l’égard des laissés-pour-compte, on ne l’observe pas qu’à Vannes. « Lorsque le marché du travail se dégradait, l’opinion était traditionnellement plus compatissante envers les demandeurs d’emploi. Mais une rupture s’est produite depuis 2008 », assure Régis Bigot, chercheur au Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc), qui a publié en septembre une étude intitulée « Le soutien à l’Etat-providence vacille ».