Troubles de l’apprentissage : l’Ascomed réagit
Les médias se sont fait l’écho d’un projet d’implication des médecins généralistes et des pédiatres dans la, prévention de l’échec scolaire (lire Le Généraliste n° 2588) sur la base notamment d’une expérimentation menée en Ile-de-France avec le soutien de l’URPS Médecins et de l’AFPA.
Les médecins de l’Éducation nationale, dont la mission prioritaire est la prise en compte de la santé, à la fois comme cause et conséquence de la réussite scolaire, y trouvent une source d’espoir d’une véritable volonté du « prendre soin » des enfants et des adolescents pour leur meilleur développement et la qualité de leurs apprentissages, mais aussi source d’inquiétude quant à l’efficacité et l’efficience de la stratégie telle que présentée dans les articles de presse.
Espoir d’une véritable volonté du « prendre soin » des enfants et des adolescents ?
Tous les enfants qui présentent des difficultés d’apprentissage (16 à 24 %) ne relèvent pas de soins au sens curatif du terme. Néanmoins, leurs besoins particuliers doivent être pris en compte dans les stratégies éducatives et pédagogiques que l’enseignant doit mettre en ?uvre. Parmi les enfants porteurs de troubles des apprentissages, seuls 6 à 9 % présentent des déficiences avérées ou des troubles de développement spécifiques. Ce sont des enfants là qui peuvent nécessiter une prise en charge thérapeutique (réadaptation ou rééducation) en cohérence avec leur accompagnement scolaire.
C’est dire si le « dépistage » en tant que diagnostic différentiel entre ces deux types de population d’élèves est lourd d’enjeux. C’est la première étape qui doit non seulement déboucher sur l’identification de la cause de la difficulté scolaire mais aussi enclencher un véritable processus de remédiation.
Sans revenir sur la complexité des facteurs qui conditionnent les apprentissages, nous affirmons que la qualité du dépistage de leurs troubles repose:
1- sur l’exhaustivité du recueil de données nécessaires, tirée de l’histoire de vie de l’enfant et de l’histoire de vie de l’élève.
2- sur un examen clinique méthodique, disposant du temps voulu et d’outils scientifiquement validés.
Dans ses activités de dépistage, le médecin de l’Éducation nationale a accès aux données relatives à la situation de l’enfant à l’école. Il les croise avec celles fournies par la famille., par la PMI, par le carnet de santé..., voire, parfois, avec celles communiquées par le médecin traitant.
Bénéficiant d’une formation qualifiante à l’École des Hautes Études en Santé Publique à l’issue de son recrutement par concours, il a acquis, entre autres, la maîtrise de l’utilisation des outils de dépistage validés au regard des troubles des apprentissages et celle de l’exploitation des résultats.
Nous affirmons aussi que le dépistage n’a de légitimité et de sens que s’il s’inscrit dans un parcours de soins coordonné qui garantit à l’enfant et à sa famille l’accès aux consultations et prises en charges nécessaires ainsi que la cohérence entre les acteurs impliqués et ce quel que soit le territoire de vie.
De la même façon, nous affirmons que le dépistage n’a d’efficacité pour la réussite scolaire des élèves que s’il permet à l’enseignant d’identifier, avec l’aide du médecin scolaire, les potentiels de l’enfant sur lesquels appuyer la conduite pédagogique ainsi que les stratégies de compensation des déficiences.
Les médecins de l’Éducation nationale sont des membres à part entière de l’équipe éducative. Ils sont dans l’école pour expliquer les vulnérabilités, vaincre les peurs, argumenter les possibles, repérer les ressources, créer les partenariats utiles et, au total, construire avec l’équipe de l’école les réponses aux besoins identifiés (à cet égard, les récentes orientations en école maternelle viennent renforcer encore leur collaboration avec les enseignants).
Ces composantes de la qualité et de la finalité du dépistage pour un meilleur « prendre soin » des enfants et des adolescents, loin d’opposer médecine de soin et médecine scolaire, devraient au contraire se décliner dans une complémentarité clairement affirmée et définie.
Inquiétude à propos de l’expérimentation, telle que présentée dans les médias
Inquiétude quant à l’analyse des causes d’une problématique en lien avec les apprentissages scolaires... qui se passerait de la vision de l’École.
Inquiétude quant à la suite du dépistage, c’est-à-dire la remédiation aux difficultés d’apprentissage sous-tendues par le trouble dépisté (et le suivi de cette remédiation)... qui se passerait de sa construction avec l’École.
Et, au bout du compte... inquiétude quant au rapport qualité/prix d’une telle stratégie dans le contexte économique et de démographie sanitaire du moment. 150 euros la consultation de dépistage chez le généraliste, cela correspond à un dixième du salaire mensuel d’un médecin de l’Éducation nationale débutant... À l’heure où la Cour des Comptes et l’Assemblée Générale viennent de souligner la plus-value qu’ils apportent, quel médecin de l’Éducation nationale aurait osé estimer à ce tarif l’acte qu’il réalise x fois quasi quotidiennement ?
Pour information, la médecine scolaire effectue chaque anée environ 470 300 bilans médicaux pour les élèves dans leur sixième année. 28 % de ces enfants présentent un trouble de la vision, 15 % un trouble de l’audition. Un bilan standard de dépistage des troubles des apprentissages est réalisé pour les trois quarts d’entre eux, soit plus de 350 000. Pour le quart de cette population, soit 87 500 enfants, un bilan approfondi se révèle nécessaire.
Vous avez dit espoir ?
Quant à une véritable politique de santé publique de l’enfance et de l’adolescence ?
Ascomed, presidence@ascomed.fr