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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

samedi 28 août 2010


MEDECINE & PSYCHANALYSE
12e colloque
Nouvelles formes de vie et de mort :
une médecine entre rêve et réalité


Sous la direction de Danièle Brun
Professeur émérite à l'université Paris 7 - Denis Diderot
Présidente de la "Société Médecine et Psychanalyse" SMP

Vendredi 14, samedi 15,
dimanche 16 janvier 2011


En hommage et à la mémoire de Conrad Stein

ARGUMENT
Les perspectives de vie et de mort sont renouvelées par les avancées de la médecine et par les compétences accrues des services hospitaliers.

Comment les possibilités désormais ouvertes et offertes aux patients transforment-elles ou infléchissent-elles leur regard sur la vie et la mort ? Qu’en est-il de leurs désirs : Vivre ou mourir, à quel prix ? Dans quelles conditions ? Pour soi-même et pour les autres ?

Existe-t-il des facteurs psychiques qui orientent nos manières de vivre et de mourir ? Ou qui influencent lesmodalités d’accompagnement des proches ? En bref, comment nos désirs sont-ils sollicités par les nouvelles conditions de soins ?

Autant de questions à débattre au cours de ce prochain colloque où l’accent se portera sur la condition du patient et de son entourage, sur les services d’urgence, sur le rôle de la génétique, de la gynécologie obstétrique et de la néonatologie comme anticipation de l’avenir. On pensera également aux nouvelles exigences de formation des soignants, en particulier lors des décisions de maintien ou d’arrêt des soins.

Un récent rapport de l’IGAS (Institut général des Affaires sociales) intitulé « La mort à l’hôpital » a fait le point sur ces questions et sur leurs impasses actuelles, notamment sur celles qui concernent la mort dans l’enfance et dans l’adolescence ainsi que sur les modalités d’annonce du décès.

Quant à la problématique du deuil, il ne semble pas pertinent de la limiter à l’occurrence de la mort mais de l’envisager selon la différence que chacun fait entre la vie d’avant et la vie d’après.

Trois journées de colloque qui favoriseront le croisement des témoignages issus de la pratique et de la réflexion des intervenants dans le champ de la médecine, de la psychanalyse, de l’éthique, de l’anthropologie, de la sociologie et de la théologie.

Programme, intervenants, ateliers-débats, inscription consultables ici




Fonction publique hospitalière : les effectifs évoluent au ralenti

Les effectifs des trois fonctions publiques se sont stabilisés en 2008, pour la première fois depuis 1980, selon le rapport annuel sur l’état de la fonction publique élaboré par la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP).

Au 31 décembre 2008, les trois fonctions publiques (État, territoriale, hospitalière) employaient 5,277 millions de personnes, hors emplois aidés, un chiffre en stagnation par rapport à l’année précédente. Au cours de la décennie 1998-2008, la progression moyenne a été de 1,3 % par an, avec un premier infléchissement de la hausse en 2006 (+ 1,2 %), plus marqué en 2007 (+ 0,8 %).

La fonction publique hospitalière, qui employait 1,045 million de personnes à la fin de 2008, n’est pas celle qui a le plus contribué au mouvement général : ses effectifs restent en hausse (+ 1%) mais celle-ci décélère (en 2007, l’expansion atteignait + 1,6 %).

C’est la fonction publique d’État qui crée la rupture : le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux y a permis d’accélérer la réduction des effectifs (- 3,1 % en 2008, après - 2,4 % en 2007), pour revenir à 2,484 millions d’agents.

La fonction publique territoriale a quant à elle continué à embaucher massivement en 2008, portant ses effectifs à 1,825 million de personnes, à un rythme (+ 3,9 %) toujours supérieur à la moyenne des dix dernières années (+ 3,4 %), mais en net ralentissement par rapport à celui de 2007 (+ 5,2%).

Quotimed.com, le 25/08/2010



Publié le 24/08/2010

ÉTUDE INSERM

Plus de suicides après des arrêts maladie pour raisons psychiatriques
Par Anne Jeanblanc

Les personnes qui ont connu plusieurs arrêts maladie pour des raisons psychiatriques risquent, cinq fois plus que les autres, de se suicider. Ce chiffre est publié en ligne aujourd'hui par l'American Journal of Epidemiology. Il émane de l'équipe Inserm U1018 coordonnée par Maria Melchior, qui a suivi, pendant seize années, une cohorte de plus de 20.000 personnes appelée Gazel (constituée d'employés des entreprises Gaz de France et Électricité de France) afin d'examiner les liens entre arrêts maladie pour raisons psychiatriques et mortalité. En préambule, ces spécialistes affirment que, dans les pays industrialisés, les problèmes psychiatriques affectent entre 30 et 50 % des personnes au cours de leur vie et constituent l'une des causes majeures de maladies associées.

La cohorte Gazel a démarré en 1989. Elle compte 15.000 hommes et 5.600 femmes, âgés de 35 à 50 ans. Chaque année, les chercheurs recueillent, par l'intermédiaire d'un questionnaire adressé à chaque participant, les données concernant leur santé ainsi que différents éléments, comme le style de vie, l'environnement familial et social, ou encore les expositions professionnelles. Les chercheurs ont choisi de s'intéresser au devenir des personnes ayant été arrêtées, pour raisons psychiatriques, plus de 7 jours consécutifs entre le 1er janvier 1990 et le 31 décembre 1992. Ces arrêts pouvaient être justifiés par différentes pathologies, principalement la dépression (59 %), d'autres types de névrose, les troubles anxieux et psychosomatiques (36 %) et les problèmes dus à l'alcool (5 %).

Pour la première fois dans une étude aussi large, trois causes fréquentes de mortalité ont pu être suivies par les chercheurs : les décès par cancer (notamment lié au tabac), par maladies cardiovasculaires et par causes externes (dont les suicides). En 3 ans, 6,5 % des membres de la cohorte ont été absents du travail au moins une fois plus de 7 jours pour raisons psychiatriques. Chez eux, la proportion des décès est plus importante que chez les personnes qui n'ont pas eu d'arrêt maladie d'origine psychiatrique. Mais après ajustement en fonction des facteurs de risque de mort prématurée (âge, sexe, statut marital, profession...), l'association ne reste statistiquement significative que pour les morts par suicide. Là, le risque est carrément quintuplé.
LES LIVRES DE LA PSYCHANALYSE

Champ psychosomatique n°57 : la Passion

L’esprit du temps – Août 2010
 

André Green a annoncé il y a 30 ans déjà les grandes difficultés que la psychiatrie et la psychanalyse auraient à surmonter, du fait qu'elles se sont établies comme sciences par le refoulement de la passion et de la folie. Il faisait de la prise en compte de la passion dans la clinique un enjeu de survie de la psychiatrie et de la psychanalyse. Ce volume permet de poursuivre ce débat.

“ Selon Hegel, rien de grand ne s’est jamais fait sans passion. La passion d’une part serait intrinsèque au processus de création et d’autre part, elle aurait une fonction unifiante parmi les sujets d’une même société. Beethoven, Picasso et tant d’autres auraient-ils créé de telles œuvres sans passion ? La vie, l’art et même le progrès d’une manière générale ne se penseraient pas sans passion, ce qui la rangerait du côté de l’Eros. Et pourtant la question n’est pas si simple.

Au sens classique, la passion désigne les états et les phénomènes dans lesquels la volonté est passive, notamment par rapport aux impulsions du corps. Au sens moderne, la passion serait une inclination violente et exclusive vers un objet, créant un déséquilibre psychologique... La passion a donc également à voir avec le corps et la folie….” (…)

Frédérique Debout et Annie Roux « Argument »

>  suite sur CAIRN.INFO



Un accueil « hors les murs » pour les adolescents en souffrance. Et rien d'envisageable sans confiance
mercredi 25.08.2010

Parce que l'adolescent n'est pas un adulte comme les autres, le Dr Vincent Garcin, chef de pôle en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, met en place « l'accueil hors les murs ». ...

Un crayon à la main, complètement habité par son sujet, il explique : « Le jeune est là-bas, dans une impasse et nous ici... Comment le convaincre de nous rejoindre ? » Car pour Vincent Garcin, pas question de « s'imposer ». Ce qu'il faut ? Amener le jeune en situation de détresse et qui n'est pas demandeurs de soins, à élaborer lui-même sa propre demande et à la finaliser sous forme d'accord qui tiendra lieu d'engagement. En réalité, L'objectif est « l'accrochage thérapeutique », le moyen mis en place : l'intervention d'une équipe mobile et pluridisciplinaire. Pour le Dr Garcin, un constat : le seuil du passage de la psychiatrie infanto- juvénile vers la psychiatrie générale est fixé à 16 ans, au cœur même de l'adolescence.

De ce fait, la spécificité de la psychopathologie de l'adolescent ne trouve pas sa place, et la question de l'accès aux soins reste posée. C'est ce qui servira de fil conducteur à la mise en place - depuis 2003 - du Dispositif Spécifique de Soins aux Adolescents dans le service de psychiatrie publique de santé mentale Lille métropole.

Avis, accord

Mais si l'accord de l'adolescent est un préalable indispensable à tout projet de soin, on n'est
pas du tout dans le « c'est toi qui décides ». Le Dr Vincent Garcin est clair : « Pour mener à bien une démarche thérapeutique avec les ados, il faut absolument qu'ils y adhèrent pleinement, mais le médecin c'est moi... Et les besoins en matière de soins, c'est à moi de les déterminer ». Autrement dit, ce n'est pas l'avis de l'ado qui est demandé mais son accord : « ... Et nous ne lâchons rien tant que nous ne l'avons pas obtenu... » Le but du Dr Garcin : aller au-devant des ados pour intervenir avant que le seuil critique ne soit franchi. Le fonctionnement de l'équipe mobile est bien rodé : composée d'un « binôme » non médicalisé (infirmiers, psychologues, assistante sociale), l'équipe mobile s'engage à intervenir dans les 24 heures suivant la demande, et de préférence dans un lieu investi par la personne en souffrance ou en errance (exemple : le cabinet du médecin traitant, l'établissement scolaire...). Et pour illustrer l'essentiel de l'approche de l'équipe mobile (se mettre en état d'attente), le Dr Garcin témoigne : « ... Un jour, arrivant avec l'équipe mobile au domicile d'un jeune sur la demande de ses parents et du médecin de famille, nous constatons qu'il refuse de descendre de sa chambre dans laquelle il est enfermé depuis deux jours... La famille nous invite à entrer... Mais nous refusons, et décidons de rester sur le pas de la porte en faisant savoir au jeune - par l'intermédiaire du médecin de famille- que nous resterons dehors tant que le jeune ne nous autorisera pas lui-même à entrer... ». Le miracle opère. Le jeune comprend que l'équipe mobile n'entend pas s'imposer à lui, et que rien ne se fera sans son accord.

Le projet thérapeutique peut alors s'élaborer car la confiance est instaurée.

• M.P. (CLP)





Société 24/08/2010

Déni de grossesse et infanticide : une ambivalence ?
Par JACQUES DAYAN Psychiatre, docteur en psychologie

De récentes affaires d’infanticide ont attiré l’attention sur le déni de grossesse, alors même qu’il en semble absent. Si le déni représente en effet un risque incontestable d’infanticide, le lien entre les deux événements est plus ténu qu’on le pense généralement : moins de 1% des dénis de grossesse mènerait au passage à l’acte homicide. Quoi qu’il en soit, le déni et l’infanticide, ces deux manifestations extrêmes de femmes qui n’ont pas désiré être mères, s’en sont senties incapables ou ont refusé de l’être, interrogent la société sur le désir d’enfant, les mécanismes psychiques qui y président et les conditions qui les rendent possible.

Le déni de grossesse n’a été reconnu qu’en 1898, en Angleterre par Gould, sous le terme de «grossesse inconsciente». Toutefois, il n’a suscité ensuite pratiquement aucun intérêt ni aucune recherche. Ainsi le Français Ambroise Tardieu, grand médecin légiste qui avait le premier fait reconnaître en Europe la fréquence des violences physiques et sexuelles commises envers les enfants au sein des familles, n’y croyait pas. Il avait pourtant remarqué dès 1874 que parmi les mères infanticides «quelques-unes […] disent ne pas s’[…] être aperçues» de leur grossesse. Contrairement à son collègue britannique qui avait su reconnaître la spécificité du déni, il ne pouvait penser celui-ci autrement que comme un mensonge. Tardieu, légiste, disséquait les corps, non les âmes. C’est avec le développement de la psychanalyse que le terme de déni, approximativement traduit de l’anglais, s’est imposé. Il désigne les mécanismes qui consistent à refouler ou exclure hors de la conscience les représentations déplaisantes ou intolérables.

Le déni de grossesse affecterait tous les milieux sociaux, ne dépendrait ni du niveau culturel ni de l’âge. Dans les dénis «totaux» ou «complets» (dont la prévalence est estimée à une femme sur 1 200 - ou 2 500 selon les études), la femme ne prend conscience de sa maternité que durant les derniers jours de sa grossesse, voire lors des douleurs du travail et parfois seulement une fois l’enfant né. Son corps lui-même s’est généralement, et mystérieusement, peu modifié. La femme enceinte totalement engagée dans le déni emporte souvent dans sa conviction ses proches et parfois le personnel médical. Mis devant le fait accompli de la grossesse ou de la naissance, le conjoint subit un véritable choc. Les réactions de la mère sont variables, mais sidération, fugues et crises anxieuses sont fréquentes.

Refoulement ou clivage ne relèvent ni de la mauvaise foi ni du mensonge qui sont des états de pleine conscience. Entre déni total et dissimulation, des formes diverses d’altérations particulières de la conscience ont été décrites. Dans l’immense majorité des cas, la fonction du déni aura été de protéger l’enfant. L’inconscience de la grossesse aura permis généralement de la conduire jusqu’à son terme alors même que les circonstances étaient défavorables (jeunes filles vivant encore au domicile parental, difficultés de couple, etc.). L’enfant est alors presque toujours en bonne santé et les relations entre mère et enfant, bien que peu étudiées, semblent bonnes après un délai nécessaire à la mise en place des processus d’attachement.

Il est rare que le déni de grossesse mène au crime. Lorsque c’est le cas, après un accouchement habituellement rapide, l’enfant est souvent éliminé dans une sorte de mouvement primordial de confusion, immédiat et brutal, qui prolonge le déni. Cette situation marque l’impasse psychique totale dans laquelle se sont trouvées certaines femmes incapables de penser (comme possible) un enfant. En l’absence de statistiques fiables, une estimation grossière par recoupements situe à un maximum de cinq affaires par an les cas d’infanticides associés au déni de grossesse, soit moins de 10% des cas.

Qui sont les mères qui commettent le geste infanticide ? L’isolement social ou familial, voire l’hostilité de l’environnement, la précarité, un faible niveau culturel, une pensée «magique», ou l’un de ces facteurs, caractérisent encore la majorité des mères infanticides, indépendamment de tout déni. L’enfant ne peut être assumé. La naissance apparaît comme une catastrophe sidérant la pensée et l’action, conduisant à une sorte de préoccupation négative récurrente. Etrangement, ni l’avortement, ni l’abandon légal ne sont des solutions envisagées, même rétrospectivement. Après une grossesse cachée, la mère met fin à la vie de l’enfant soit activement, soit en l’abandonnant, ce qui lui laisse parfois la possibilité d’être retrouvé vivant. La culpabilité est souvent présente, quelquefois intense. En général, les affaires ne concernent qu’un seul enfant, la répétition des infanticides reste exceptionnelle. Des troubles psychiatriques sont présents dans seulement 20 à 30% des cas. Les délires aigus du post-partum ou psychoses puerpérales sont une cause substantielle d’homicide, mais plus tardifs.

En dehors des situations de délire avéré, notre compréhension de l’infanticide a peu avancé depuis la fin du XIXe siècle et les positions théoriques s’articulent aujourd’hui encore autour des trois mêmes orientations : 1) la mère est coupable, c’est un crime ordinaire sauf en cas de pathologie psychiatrique incontestable ; 2) il existe un fonctionnement psychique particulier des mères autour de la naissance qui contribue à réduire leur responsabilité (c’est encore le point de vue du législateur dans de nombreux pays, c’était celui retenu en France avant 1994, et c’est aussi le mien) ; 3) il existe un trouble psychiatrique subtil (raptus psychotique, dissociation, etc.) que l’on doit chercher à mettre en évidence.

Winnicott, pédiatre et psychanalyste anglais, remarque les bouleversements psychiques autour de la naissance vécus par les mères «ordinaires normalement dévouées», c’est-à-dire la plupart des mères. Il compare cet état organisé à «un état de repli, ou à une fugue, ou même encore à un trouble plus profond, tel qu’un épisode schizoïde, au cours duquel un aspect de la personnalité prend temporairement le dessus». Cet état psychique, qui serait pathologique en toute autre circonstance, serait selon lui «la condition de l’adaptation sensible et délicate de la mère aux tout premiers besoins du bébé». Il semble concevable que certains crimes maternels résultent de l’absence de cette folie «nécessaire» plus que de son exacerbation. Des impasses dans la filiation, des viols ou de la négligence durant l’enfance sont aussi souvent retrouvés, dont le rôle reste incertain mais laissant la mère désemparée, en dehors même de toute maladie mentale.

C’est depuis le début des années 1970 qu’on enregistre le taux le plus bas d’infanticides, généralement expliqué par la légalisation de l’avortement. La possibilité d’accoucher «sous X» contribue aussi à réduire le taux d’infanticides. Il demeure toutefois aujourd’hui dans les pays économiquement développés un taux incompressible d’infanticides dont les causes sont incomplètement élucidées.

Or, comment juger des crimes qu’on ne comprend pas et qui interrogent la nature du désir maternel et des liens intergénérationnels ? Déni et infanticide témoignent de la complexité du désir d’enfant, du rôle de l’inconscient et de la division du sujet, toujours difficiles à penser et accepter.

La prévention de telles extrémités ne connaît pas de solutions simples. Il s’agit notamment d’une réponse sociétale qui reconnaisse qu’une femme ordinaire puisse refuser ou être incapable d’assurer une maternité sans subir nécessairement l’opprobre de la maladie mentale ou du préjugé. Le développement de la formation en psychiatrie périnatale apparaît un autre point important, permettant au personnel médical et paramédical d’être mieux formé aux indices de la souffrance maternelle. En effet, il n’est pas rare que des mères infanticides ou dans le déni aient manifesté clairement, bien que souvent discrètement, leur souffrance et que celle-ci ait été banalisée, voire ignorée. Il faut aussi souligner l’importance d’une écoute qui fasse la part de l’implicite, notamment dans la formation des psychiatres travaillant dans les services d’obstétrique et de néonatalogie.




Des médecins s’élèvent contre les expulsions de Roms

Alors que le gouvernement durcit sa politique à l’égard des Roms de Roumanie et de Bulgarie, la polémique enfle à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Hexagone. MDM s’alarme de leur situation sanitaire tandis que, symboliquement, une anesthésiste humanitaire refuse la Légion d’honneur.


ÇA N’EST PAS de gaîté de cœur que le Dr Anne-Marie Gouvet, médecin anesthésiste à la polyclinique de Navarre, à Pau, a fait savoir, dans un courrier adressé au président Nicolas Sarkozy, qu’elle refusait la Légion d’honneur. Elle ne s’est tout simplement pas vue accepter une telle distinction, « basée sur mes missions humanitaires », dans le contexte de la « politique globale d’exclusion »menée par le gouvernement, dénonce-t-elle au « Quotidien ». Après les incidents impliquant des gens du voyage (citoyens français) à Saint-Aignan dans le Loir-et-Cher, à la mi-juillet, le gouvernement a indiqué qu’il voulait entreprendre le démantèlement de 300 camps ou squats illégaux et le renvoi de 850 Roms dans leur pays d’ici à la fin du mois d’août. « Ma décision n’est pas toujours bien comprise d’autant que certains pensent que j’avais sollicité moi-même cette distinction », reprend l’anesthésiste. C’est son fils qui, fier des convictions maternelles – Anne-Marie Gouvet participe régulièrement, depuis 30 ans, à des missions humanitaires auprès de Médecins du monde notamment –, avait demandé qu’elle soit élevée au rang de Chevalier de la légion d’honneur. « J’étais étonnée mais j’ai trouvé sa démarche touchante », indique-t-elle. Après les expulsions d’Afghans, les menaces sur les camps de Roms « ont fait déborder la coupe ». « Les images que j’ai vues cet été à la télé me rappelaient ce que j’ai vu dans les camps de réfugiés du Kosovo ou de Kaboul. Dans 6 mois, je retourne en Mongolie : je ne me voyais pas repartir avec cette distinction », même si elle sait que la refuser est exceptionnel. Qu’importe, « ma vie, c’est ça, les missions humanitaires, je ne prends pas de vacances ». Loin d’être déçu, son fils a appuyé sa décision.

Cette histoire personnelle n’est que le reflet de la polémique nationale et internationale provoquée par la politique sécuritaire du gouvernement. Le pape Benoît XVI a même appelé à la « fraternité universelle » et à l’accueil « légitime des diversités humaines ».

Indicateurs inquiétants

Les expulsions de Roms sont « inefficaces » et « néfastes pour la santé », estime de son côté l’association Médecins du monde (MDM) qui rappelle que les Roms sont des citoyens européens venant à 90 % de Roumanie et de Bulgarie. Selon le Dr Jean-François Corty, coordinateur des missions France de MDM, la France compte environ 15 000 Roms, regroupés principalement autour des centres urbains (Marseille, Paris, Bordeaux, Lyon, Strasbourg, Toulouse, Nantes...). « Les expulsions sont régulières depuis 2000 mais elles sont en augmentation depuis 3-4 ans », note le Dr Corty qui déplore une précarité grandissante et évoque des indicateurs de santé « particulièrement inquiétants », comparables à ceux des pays en voie de développement avec une espérance de vie entre 50 et 60 ans. « Les mesures d’intimidation qui se sont multipliées cet été provoquent l’accélération de la fragmentation des camps. Il devient de plus en plus difficile de retrouver les gens », ce qui complique d’autant plus le suivi médical et materno-infantile. Selon lui, 9 enfants sur 10 n’auraient pas de couverture vaccinale correcte. La mortalité néonatale (0-1 mois) est 9 fois plus importante, la mortalité infantile (0-12 mois) l’est 5 fois plus. « Nous n’avons que très peu de données sanitaires sur les Roms : nous ne disposons que de nos chiffres », ajoute le responsable de MDM. Malgré la mobilisation des associations et de certaines mairies, le Dr Corty s’alarme de ce climat de peur qui rompt le réseau de solidarité. Pour s’adapter, MDM compte renforcer les équipes mobiles de consultation autour des centres urbains.

› STÉPHANIE HASENDAHL

Quotimed.com, le 24/08/2010




Accidents du travail en baisse, maladies professionnelles en hausse

L’Assurance-maladie - Risques professionnels publie le premier bilan des programmes de prévention (2009-2012) élaborés dans le cadre du plan national d’actions coordonnées (PNAC) de 2008 et qui visent à réduire en quatre ans la sinistralité liée notamment aux risques constitués par les cancers professionnels, les troubles musculo-squelettiques et les troubles psychosociaux. Les données 2009 montrent une « situation contrastée », souligne l’Assurance-maladie. La baisse importante (650 000, soit - 7,5 % par rapport à 2008) des accidents du travail « permet d’atteindre pour la seconde année consécutive l’indice de fréquence le plus bas jamais constaté avec 36 accidents pour 1 000 salariés (contre 38 pour 1 000 en 2008) », se réjouit-elle. Dans les secteurs à forte sinistralité que sont le BTP, la grande distribution et l’intérim, les résultats sont également « encourageants » avec une baisse de 5,25 % du taux de fréquence des accidents du travail graves entraînant une incapacité permanente. En revanche, les accidents de trajet (domicile-travail) plutôt stables depuis 2003, sont en augmentation (de 6,8 %) tandis que les maladies professionnelles poursuivent leur évolution à la hausse pour atteindre le nombre de 45 472 victimes indemnisées, soit une élévation de 5,1 %. Les troubles musculo-squelettiques représentent près de 80 % de ces maladies professionnelles : 37 482 personnes indemnisées en 2009 (+ 7,2 %). Si le nombre de maladies professionnelles dues à l’amiante décroît sensiblement par rapport aux années précédentes, « une décroissance due à la diminution du nombre de cas de plaques pleurales », les cancers dus à l’amiante continuent, eux, à augmenter, représentant 56 % des cancers professionnels en 2009.

En 2009, l’Assurance-maladie - Risques professionnels a pris en charge 1 200 000 sinistres dont 800 000 avec arrêt de travail.

› Dr L. A.

Quotimed.com, le 24/08/2010




SOCIÉTÉ 23/08/2010

Des chercheurs heureux recapturent la sérotonine des endettés

http://www.liberation.fr/societe/0101653427-des-chercheurs-heureux-recapturent-la-serotonine-des-endettes

Par WILLY PELLETIER ocordinateur général de la fondation Copernic, JULIEN FRETELOZGUR GUNCLAIRE LE STRAT politologue, université Paris-Ouest-Nanterre

Les chercheurs râlent tout le temps. Pourquoi se plaignent-ils ? Questions de budget ? Recrutements réduits ? Recherche privatisée ? Chercheurs devant les tribunaux ? C’est qu’ils ne savent pas s’orienter. Ils devraient bouger. Quand on accepte la nouvelle donne, les financements «ouverts» à l’économie vivante des entreprises et aussi d’enquêter pour répondre à leurs besoins (après tout, l’entreprise paye !), on va bien. Il faut s’ouvrir à la compétition qui stimule - surtout les CDD, de plus en plus nombreux dans les labos.

Je suis économiste, dans cette discipline neuve, très hype aux États-Unis : la neurofinance. Je suis un scientifique libre et heureux. Heureux et créatif. Bien payé, en plus. J’appartiens à un laboratoire qui a su s’adapter. Nous sommes partenaire de fondations d’entreprise (des banques, des assurances surtout) qui, courageusement, prennent des risques en nous allouant des crédits. J’ai occupé la chaire «Monexis» à l’Institut supérieur des affaires financières internationales. J’assurais un cours sur la génétique du surendettement des ménages, et sur les conduites destructrices au travail. Je n’ai subi aucune pression.

J’ai pu avancer quelques lois neuves : l’une explique que les conduites suicidaires de certains salariés ne relèvent pas d’une «mode» du suicide (un temps évoquée à France Télécom), mais qu’elles procèdent d’un déficit en sérotonine (plutôt que du new management). La neuro-économie financière éclaire aussi les conduites à risques des consommateurs qui, par dérèglement neuronal souvent, s’endettent. Compulsivement parfois. Jusqu’à entraîner avec eux, et malgré elles, les institutions bancaires, obligées de leur accorder des crédits toxiques.

Certaines industries pharmaceutiques ont décidé de se joindre à nous grâce à des dons innovants. Le congrès de Baltimore, sous la lumineuse coupole verre et acier de la Phamarcology Fundation, annonce un partenariat fructueux. Guérir de l’endettement chronique par la découverte de nouveaux inhibiteurs sélectifs qui recapturent la sérotonine (ISRS). C’est une piste à la hauteur des enjeux de l’économie mondialisée, si labile.

Je suis politologue. Je réalise des enquêtes d’opinion pour éclairer les décideurs. Je questionne à partir des interrogations qu’ils se posent. L’institution privée qui m’emploie n’a aucun problème de financement. Mon salaire a été multiplié par trois depuis que j’ai quitté l’université. Là n’est pas l’essentiel. L’important, c’est le sentiment de servir. Quand ceux qui gouvernent sont mieux informés, ils gouvernent mieux. Le décret n° 2010 - 800 du 13 juillet vient de créer «l’Académie du renseignement» rattachée au Premier ministre. L’article 3 stipule qu’elle va mieux former les services de renseignement placés sous l’autorité des ministres de la Sécurité intérieure, de la Défense, de l’Economie et du Budget ; et diffuser la culture du renseignement, en participant aux actions de sensibilisation au renseignement. De belles enquêtes peuvent se voir financées : sur la perception de l’insécurité dans la population, quand ministres et journaux télévisés ne parlent que de cela ; ou sur la valeur du thème pour éclipser l’affaire Woerth-Bettencourt ; ou sur la possibilité cognitive pour les résidents des cités de «renseigner» la police.

On sait qu’en Turquie, la sociologue Pinar Selek, est en prison : elle a étudié certaines minorités «sensibles». En France, le biologiste Christian Vélot fut sanctionné pour avoir exprimé des craintes sur l’utilisation des OGM. Alain Garrigou, politologue, est assigné en justice par Patrick Buisson, conseiller à l’Elysée, car il évoqua sa surfacturation des sondages. Un des meilleurs africanistes français voit au CNRS sa carrière bloquée, après avoir expliqué dans la presse les rouages de la Françafrique.

On sait que certains vont créer l’ONG «Chercheurs sans frontières» pour défendre partout la liberté de chercher. Ils n’ont pas su s’adapter. Dans la science que nous pratiquons, la liberté est entière. On va bien, tout va bien.
président de l’Association des enseignants et chercheurs en science politique, économiste, université de Reims,


http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2010/08/24/demonstration-le-repressif-a-peu-deffets-sur-les-chiffres-de-la-delinquance-alternatives-economiques/

DÉMONSTRATION - Le répressif a peu d’effets sur les chiffres de la délinquance (”Alternatives économiques”)

Les chiffres de la délinquance ordinaire n’ont pas varié en fonction des diverses mesures répressives adoptées depuis 2002. Une étude sur une longue période publiée sur le site d’Alternatives économiques

Ainsi, si les vols ont tant baissé, c’est d’abord en raison d’une meilleure protection des voitures. De leur côté, les infractions économiques et financières ont diminué parce que “la baisse de l’utilisation des chèques a entraîné une chute des chèques sans provision”. La hausse des cambriolages en 2009 ? La crise économique est passée par là. Et si “l’usage de stupéfiants” et “les infractions aux conditions générales d’entrée et de séjour des étrangers” ont tant augmenté, c’est en raison de “la criminalisation croissante de la consommation de cannabis ou la chasse aux sans-papiers”, estime Alternatives économiques.

En revanche, Alternatives économiques a plus de mal à expliquer la hausse des coups et blessures volontaires depuis 2002. Même si cette hausse est à relativiser, “car les enquêtes de ‘victimation’ — qui permettent de mesurer la délinquance perçue par la population — ne font pas apparaître de forte augmentation des agressions physiques graves pour la France entière entre 2000 et 2007″. Quoi qu’il en soit, cela montre aux yeux du magazine que “la priorité donnée à la répression tous azimuts s’est révélée inefficace pour réduire les formes d’insécurité qui minent le quotidien d’une partie de la population”.
montre ainsi que la baisse ou la hausse de la délinquance est bien plus liée à des critères exogènes qu’à la politique menée par le gouvernement.
Nouvelles psychanalytiques

http://nouvelles-psychanalytiques.blogspot.com/2010/08/la-croisee-de-lanthropologie-et-de-la.html

A la croisée de l’Anthropologie et de la Psychanalyse.
Essai sur les destins des rituels en exil

Par Olivier Douville

“ Aujourd’hui les cliniciens, comme tout un chacun, sont pris dans des confrontations interculturelles de plus en plus denses, et l’accroissement sensible de leurs terrains d’études et d’exercices ne les conduit pas toujours à remettre en cause des schémas anciens et des préjugés tenaces. Il en va ainsi des habituelles notions d’enculturation ou d’intériorisation de la norme et/ou de la référence, encore trop acceptées comme allant de soi.

Vers quoi porter alors son regard ? D’emblée toute réponse possible à cette question divise. Soit on réclame une théorie de l’inscription univoque du culturel dans le psychisme ou on s’en autorise ; soit, lâchant les certitudes acquises ou attendues, le clinicien se montre attentif au comment de la transmission de la vie psychique d’une génération à une autre au travers de la création et/ou du symptôme. Une fois qu’on s’est assuré de l’incomplétude du lien psyché et culture, il reste à la démarche clinique à construire comme champ de recherches, ce qui insiste de la dimension du sujet : la reprise et la défiguration des empreintes culturelles entre l’ouvert de la refondation et la répétition de l’archaïque.” (…)

> lire la suite sur parole sans frontière




Les PH en « grève de la pénibilité » le 7 septembre

À l’initiative du Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateurs élargi (SNPHAR-E), les médecins de l’hôpital public sont invités à observer le 7 septembre une « grève de la pénibilité ».

Cette action s’inscrit dans le contexte national de la réforme des retraites, le SNPHAR estimant qu’à cette occasion, « élus et pouvoirs publics ne peuvent gommer la pénibilité du travail de nuit, ni la réduire à un handicap ou une incapacité au travail, quel qu’il soit ».

Le syndicat calcule que dans les spécialités qui y sont astreintes, le travail de nuit représente « plus de 4 à 5 ans » de la carrière des médecins. Il constate que « toutes les études médicales et enquêtes nationales et européennes prouvent que ce travail de nuit, cumulé avec des horaires alternants, et avec une amplitude de travail bien supérieure aux 48 heures, retentit sur la santé et l’espérance de vie en bonne santé ». Dans ces conditions, le SNPHAR s’alarme de ce que le gouvernement prévoit « de faire continue  (les PH) à ce rythme jusqu’à 67 ans ».

Outre la grève du 7, le syndicat annonce « des actions spécifiques à la pénibilité » dès le début de septembre dans les hôpitaux.

› K. P.


Quotimed.com, le 23/08/2010

vendredi 27 août 2010




Quelle réforme pour la psychiatrie

Monsieur Yves Gigou, membre du collectif des 39
(www.collectifpsychiatrie.fr)

Lettre ouverte

à Mesdames et Messieurs les parlementaires,

Vous allez être amenés à examiner très prochainement un projet de loi sur une réforme des soins sans consentement en psychiatrie.

(n°2494 sensé accroître les droits et la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques)

Ce projet de loi est présenté comme une loi sanitaire.

Contrairement à cette affirmation, nous considérons que cette loi n'a rien de sanitaire, mais n'est que sécuritaire.

C'est pourquoi nous tenons à vous informer des dangers que ce projet de loi  comporte pour le respect des droits fondamentaux des personnes amenées à être hospitalisées avec un tel dispositif ainsi que la nuisance qu’il entraîne pour tout projet thérapeutique.


Ce projet de loi ne garantit pas le nécessaire équilibre entre les libertés et les nécessités de sécurité publique. Le coeur de ce projet repose sur un dispositif qui va accroître les entrées en hospitalisation sous contrainte et durcir les possibilités de sortie des patients , ce qui aura un impact important sur l'organisation des soins .

- un seul certificat médical au lieu de 2 est désormais nécessaire

- une période de 72h en hospitalisation complète est imposée, le préfet ayant 3 jours pour se prononcer sur la levée de la mesure, ce qui porte à 6 jours la période d'hospitalisation.

- création d'un collège de 3 soignants pour donner un avis sur la  sortie.


- avis concordant de 2 experts pour la levée de la mesure de soins  sans consentement.


Mais surtout, ce projet de loi crée aussi un nouveau mode de soins, le soin sans consentement à l'extérieur de l'hôpital, ce qui revient à faire de l'espace public et du domicile des personnes un espace de contrainte, de surveillance et de contrôle permanent.


Les modifications introduites par ce projet de loi étendent la  notion de contrainte aux soins à l'extérieur de l'hôpital en instituant des"soins sans consentement en ambulatoire" comme alternative à l'hospitalisation, pensant ainsi renforcer le contrôle face aux ruptures de soins.
Mais cette proposition est illusoire car inefficace : il ne peut exister de véritable soin dans la continuité sans adhésion de la personne, en dehors des périodes d'hospitalisation, des situations aiguës où une équipe soignante amène le patient à entrer dans une démarche de soins et dans la conscience de ses troubles.

Les personnes souffrant de difficultés psychiques, affectives ou relationnelles ont le droit, au même titre que les autres, à bénéficier de soins de qualité, de sécurité, de respect de leur liberté, condition indispensable à l’instauration d’une authentique relation thérapeutique, un lien relationnel dans la durée. Tel est le meilleur outil de prévention, de réduction de la gravité de troubles du comportement éventuels.


Cette disposition :


- détruit la qualité du soin qui repose sur la confiance et la proximité entre le patient et l'équipe soignante.

- réduit les soins à l’observance d’un traitement médicamenteux dont nous connaissons les limites, les impasses, les échecs.

 - menace la sécurité des patients en les laissant seuls à l'extérieur.

- risque bien au contraire d’augmenter le nombre de patients qui tenteront d’échapper à cette surveillance du fait de la méfiance à l’égard des soignants vécus plus comme des surveillants que comme des alliés.

- réduit la place de l' équipe soignante au profit d'un protocole de soin inapplicable en l'état actuel des moyens dévolus à la psychiatrie et ne permet pas d'accompagner le patient vers une réinsertion sociale progressive

 - attaque les libertés publiques en faisant du contrôle et de la contrainte les outils privilégiés de cette réforme en contradiction flagrante avec les recommandations du Conseil de l'Europe.

Pour débattre de ce projet nous organisons le 25 septembre 2010 un meeting à Villejuif ayant pour thème :

« Quelle hospitalité pour la folie ? »

toutes les informations sont sur notre site. www.collectifpsychiatrie.fr

Recevez Mesdames et Messieurs les parlementaires nos salutations républicaines.





http://www.iletaitunefoislecinema.com/

Du cinéma comme illusion, le vidéaste Javier Téllez tire des images schizophrènes. Plongée dans le rêve du somnambule.

D’un médium populaire comme le cinéma, certains artistes contemporains ont tiré une pratique communautaire. En extrayant le film du circuit commercial, ils cherchent à le dégarnir de son apanage cinématographique pour le réintégrer dans le monde réel. On a vu à ce titre se développer la pratique du remake (le tournage d’une nouvelle version d’un film plus ancien) hors du circuit commercial, avec des comédiens amateurs et dans un environnement quotidien. Cette « paupérisation » du remake (1) marque donc un déplacement du cinématographique dans le réel et une invasion du réel dans le cinématographique dans un jeu de vases communiquants. La pratique est courante : parmi d’autres, Remake de Pierre Huyghe (1994-95), la série des Marco de Rainer Oldendorf (depuis 1995), Haunted Houses du récemment palmé Apitchapong Weerasethakul (2001) ou le tournage en cours d’une adaptation de France tour détour deux enfants de Jean-Luc Godard et Anne-Marie Miéville par Frédéric Moser et Philippe Schwinger (France, détours, depuis 2009). Le vénézuélien Javier Téllez a une approche similaire quoique légèrement excentrée par rapport à ses collègues.

A l’assertion « le cinéma est un rêve éveillé », Téllez pourrait substituer : « le cinéma est le rêve du somnambule ». Dans son travail, l’artiste semble avancer à tâtons, avec une direction bien précise, mais les yeux fermés. Il impulse le mouvement, mais celui-ci est mené et partagé avec l’autre dans une relation de confiance mutuelle. L’artiste est la tête et l’autre le corps. L’exposition Mais que a vida que lui consacre cet été la Fundação Calouste Gulbenkian à Lisbonne, avec l’artiste Vasco Araújo, permet de faire, dans le même espace, l’expérience de quelques-unes de ses installations vidéo.

Né en 1969, Javier Téllez a su se faire une place de choix sur la scène de l’art contemporain, pas véritablement star du marché, mais exposé et collectionné par les lieux et institutions les plus prestigieux (P.S.1 et MoMA à New York, Centre Pompidou à Paris, Tate Modern à Londres, Manifesta 7, ZKM de Karlsruhe…). Dans la veine d’une certaine génération d’artistes émergents dans les années 1990, le cinéma apparaît pour lui comme un fonds culturel d’égale importance à celui de l’histoire de l’art ou de son vécu personnel. Son œuvre se situe ainsi au carrefour de ces trois instances.

“A film about seeing the screen as a blackboard that can always be rewritten.” (2)

Dans sa pratique filmique, le cinéma est à la fois une technique, une référence et un outil. Une technique d’abord puisque les plus récents films de Téllez sont tournés en 16mm avant d’être transférés sur numérique ; une référence thématique pour les sujets et œuvres dont il s’empare et s’inspire ; un outil enfin car le remake ou la citation n’est jamais une fin en soi, seulement une orientation initiale, une partition ou un guide.

Avec Caligari und der Schlafwandler (Caligari and the Sleepwalker) (2008), il rejoue le symbole du cinéma expressionniste allemand : Le Cabinet du Docteur Caligari (1920). Mais l’idée du remake en soi, si elle est à l’origine de l’œuvre, n’en est pas son unique constituant ou but. Le film est réalisé, comme souvent chez l’artiste, en collaboration avec des patients d’un hôpital psychiatrique (la Vivantes Klinic in Neukölln de Berlin), avec qui il développe une nouvelle narration et de nouveaux dialogues. Le choix du film de Robert Wiene n’est pas anodin et résonne à plusieurs niveaux dans l’œuvre. Le Cabinet du Docteur Caligari contient l’une des premières représentations cinématographiques d’un hôpital psychiatrique. Comme lieu de tournage, l’artiste a choisi un autre symbole de l’expressionnisme : la Einsteintower construite par Erich Mendelsohn à Postdam entre 1919 et 1922 sert d’amorce au récit créé par les patients. Enfin l’hypnose est au centre du film de Wiene en tant que thème, mais en contamine aussi la forme. On la retrouve dans Caligari and the Sleepwalker en tant que méthode thérapeutique, autant que dans le dispositif même du cinéma avec la puissance hypnotique des images. Le film est en partie muet. Les intertitres de l’original sont remplacés par des ardoises que portent les personnages et sur lesquelles ils inscrivent leurs paroles. L’histoire ? Lors d’une foire annuelle, le docteur Caligari présente Cesare à la foule, un somnambule venu de Slave Star qu’il se propose de réveiller. A son réveil, le docteur entreprend avec lui une discussion-thérapie durant laquelle il apparaîtra à la fois comme praticien et patient. Le crime du film original est remplacé par la médication.

Dans un noir et blanc très contrasté, Caligari and the Sleepwalker déclenche à la fois fascination et incertitude chez le spectateur qui est sans cesse rejeté de l’image, de la narration qui se construit. Par les intertitres directement intégrés à l’image sur les ardoises d’abord, mais encore par l’interruption du récit naissant par des plans des acteurs-patients dans une salle de cinéma regardant Caligari and the Sleepwalker. Javier Téllez joue de la disjonction entre la personne et le personnage, le réel et le récit, le film et la réalité dans un climat de schizophrénie générale. Ainsi que le dit, ou l’écrit, Cesare : tout Slave Star est un hôpital psychiatrique. Les frontières s’effacent entre l’intérieur et l’extérieur, la réalité et l’imagination. Plus que des patients d’hôpital psychiatrique jouant au docteur et au malade, c’est notre propre capacité à percevoir que vient mettre en doute l’artiste. A l’issue de Caligari and the Sleepwalker, les faits tangibles s’échappent. On n’a pas vu Le Cabinet du Docteur Caligari, mais on n’a pas seulement observé Caligari and the Sleepwalker. Javier Téllez lance des pistes : le patient est l’acteur, le patient est le regardeur. Il nous tend des perches immenses : et si le patient, c’était en partie nous ? Incapable de distinguer la réalité de l’illusion, sortant de l’espace de projection, on saisit peut-être mieux pourquoi celui-ci est entièrement recouvert d’ardoises. Manière de relier le film et l’espace d’exposition, l’artiste dispersant quelques craies à disposition du spectateur pour que lui aussi vienne inscrire sa parole dans l’œuvre. Parmi les messages de vacanciers, on a pu lire le jour de notre visite un bien choisi et éphémère « story of an illusion ».

« Not a therapeutic practice to cure the insane but rather one to cure the sane of their lucidity. » (3)

Javier Téllez jette un pont entre le patient et le film, l’hôpital et le musée, la thérapie et la création. Dans La Passion de Jeanne d’Arc (Rozelle Hospital Sidney) en 2004, il demande à douze patientes d’un hôpital australien de réécrire les dialogues du film de Carl Th. Dreyer. Dans l’installation, derrière un simili rideau de théâtre constitué des draps de l’institution psychiatrique, un écran présente le film de 1928 dans lequel sont intercalés des plans des patientes venant inscrire les nouveaux dialogues sur un tableau noir, tandis que face à lui un autre écran les montre narrant leur expérience d’internement. Le film apparaît comme un container pour de multiples narrations possibles. Les images ne racontent pas une histoire, mais viennent recueillir autant de récits personnels. Le récit raconte l’image. Ici celle de JDA, internée car elle croit être Jeanne d’Arc, victime de puissantes visions et hallucinations. Devant les menaces d’un collège de médecins, elle tient bon et refuse de signer une décharge pour un traitement à l’essai. Sur l’autre écran, une patiente lit le journal de ses séances d’électrochoc, une autre fait un spectacle de marionnette ventriloque reproduisant le langage des professionnels de psychiatrie, une autre évoquant ses connaissances du code Morse se met subitement à chanter son refus des règles… Le choix du film de Dreyer est évidemment un prétexte pour évoquer la situation des patientes et le thème de la démence, donner la parole aux marginalisés et combattre les clichés sur les maladies mentales : soigner le spectateur de présupposés faux, plutôt que les patients de leurs troubles (4). Mais le prétexte n’est jamais la finalité.

Engageant l’acteur dans le processus de création, l’artiste vient aussi questionner la médiatisation de l’image. L’acteur fait face au patient à l’intérieur de l’image (Caligari and the Sleepwalker) ou dans l’espace d’exposition (La Passion de Jeanne d’Arc). Il regarde une image de lui qui ne lui appartient plus, devient spectateur de son propre corps. Image schizophrène s’il en est qui vient interroger notre croyance, notre confiance naturelle en elle. Si le film de fiction comporte nécessairement une part de documentaire en lui (l’enregistrement d’un inévitable ici et maintenant impossible à réactiver), le documentaire dévie lui-aussi vers la fiction. Le patient-acteur se met en scène, offre son image à la caméra et se fait spectacle en contrepartie. Les images de Javier Téllez se replient sur elles-mêmes. Impossibles à départager, elles ne sont plus ni film scientifique, ni témoignage, encore moins art-thérapie, ni pure fiction ou acte gratuit. Elles nous rejettent, rendent impossible une fusion en elle, une identification hypnotique au film et son histoire. Constamment entre deux positions, entre deux espaces, c’est paradoxalement en nous repoussant que Téllez nous inclut de manière active dans l’œuvre, nous conservant dans une instabilité de tous les instants, empêchant la fusion dans l’œuvre par la rupture, mais maintenant notre fascination sur le statut de l’image.

L’artiste définitivement n’est pas là pour soigner les malades, mais nous a bien guéris de notre lucidité. A tel point que l’on est prêt à tomber dans tous les pièges à l’instar de celui instauré par l’une de ses récentes installations, O Rinoceronte de Dürer (2010), dans laquelle il adapte la célèbre blague du flâneur près de l’hôpital psychiatrique qu’il aime à citer. Un promeneur voit un trou dans le mur d’un hôpital psychiatrique, s’approche et entend quelqu’un répéter : « Cent, cent, cent… ». Le passant jette un coup d’œil à travers le trou et le fou le pique avec une aiguille, se mettant à compter : « Cent-un, cent-un, cent-un… » La salle de projection est close par une porte dans laquelle se découpe un petit œilleton vitré. Ne reste plus au visiteur qu’à tomber dans le piège de ce film tourné dans le panoptique de l’Hôpital Miguel de Bombarda à Lisbonne avec les patients. Javier Téllez mêle la fonction de surveillance de l’architecture à la forme même du film : la caméra se déplace en un lent travelling latéral de cellule en cellule, de chambre en chambre dont chaque porte est ornée d’un œilleton. Une station dans chaque chambre permet d’en découvrir l’habitant et son occupation : qui fume, qui possède une cage à oiseau, qui coud… L’ensemble entrecoupé de mystérieuses images des patients tirant un rhinocéros naturalisé, lointain écho de celui envoyé par le roi Dom Manuel I au pape en 1513, animal jamais vu en Europe depuis l’Antiquité, qui périt dans un naufrage avant d’arriver à destination et fut immortalisé par une gravure de Dürer. L’artiste multiplie les références : à l’histoire carcérale (5), à la psychiatrie, à l’histoire de l’art, à la puissance politique et économique portugaise d’antan, de même qu’aux réflexions de Michel Foucault qui décrit dans Surveiller et punir le panoptique comme modèle d’une société disciplinaire... (6) Si ce sont des patients que l’artiste montre à l’écran, il n’en sont pas moins le reflet de la communauté, l’hôpital comme microcosme social, lieu d’une exposition humaine qui s’apparente ainsi à son contre-champ, ce monde des gens « sains ».

Auteur d’un cinéma d’une expérience en cours, Javier Téllez ne se donne pas comme un thérapeute, mais plus comme un chef d’orchestre qui dirige une partition écrite en commun avec chacune des petites voix qui constituent au final un orchestre d’hallucinations mentales. Ni tout à fait dedans, ni vraiment hors-champ, le spectateur vacille. Légèrement en retrait, l’artiste observe patients et spectateurs s’échanger leurs costumes. « Ce que nous y trouvons [dans l’œuvre, ndlr], c’est la création non préparée d’une situation performative contrôlée où les limites de la réalité et du théâtre sont dissoutes à travers la catharsis, des rituels collectifs, l’implication active du spectateur et le carnavalesque » (7). Il nous regarde nous débattre pour trouver une place dans ses images auxquelles nous appartenons inévitablement. Et il compte les points. « Cent-deux, cent-deux, cent-deux… »

(1) Jean-Pierre Rehm parle de paupérisation de la référence cinématographique chez Douglas Gordon, Pierre Huyghe, Rainer Oldendorf et Philippe Parenno dans "Passe", in Rainer Oldendorf, Reims : Collège/FRAC Champagne-Ardenne,1998, non paginé.
(2) “Un film pour voir l’écran comme un tableau noir sur lequel on peut réécrire à l’infini.", "Javier Téllez by Pedro Reyes" in BOMB 110/Winter 2010.
(3) “Non pas une pratique thérapeutique pour soigner les fous, mais plutôt pour soigner les sains d’esprit de leur lucidité.", Idem.
(4) Ainsi que l’écrit Trinie Dalton dans son texte sur l’artiste pour 2008 Whitney Biennal au Whitney Museum of American Art de New York.
(5) Le panoptique est un type d’architecture carcérale imaginé par le philosophe utilitariste Jeremy Bentham à la fin du XVIIIe siècle. De forme circulaire ou polygonale, il permet muni de surveiller toutes les cellules depuis une tour centrale, sans que les détenus ne se sachent surveillés.
(6) Michel Foucault, Surveiller et punir, Naissance de la prison, Paris : Gallimard, 1975.
(7) "What we find in these is the unscripted creation of controlled performative situation where the limits of reality and theater are dissolved through catharsis, collective rituals, the spectator’s active involvement and the carnavalesque.”, in BOMB 110/Winter 2010, op.cit.


Mais que a vida.Vasco Araújo e Javier Téllez, Fundação Calouste Gulbenkian, Lisbonne, Portugal, jusqu’au 5 septembre 2010
Vasco Araújo e Javier Téllez : Mais que a vida, MARCO, Vigo, Espagne, du 17 septembre 2010 au 9 février 2011

Javier Téllez à la Galerie Peter Kilchmann (Zürich)



Italie : dans les Pouilles, le village où la danse fait des miracles
18.08.10

Que penser d'un peuple qui, pour exorciser ses souffrances, choisit de se lancer corps et âme dans la danse et la musique ? D'autres se jetteraient dans la bataille comme on part en guerre ou en croisade. Les habitants des Pouilles, eux, préfèrent chanter et danser sur un rythme envoûtant et libérateur.

À voir le nombre d'octogénaires pédaler allègrement sur les routes de campagne du Salento ou vaquer à leurs occupations dans les ruelles de Melpignano, on se dit qu'ils ont dû beaucoup chanter et danser… Melpignano, petit village de 2 200 habitants, forme avec huit autres communes une enclave hellénophone appelée Grecìa Salentina, située à une quinzaine de kilomètres au sud de Lecce.

La population locale parle encore un dialecte grec, connu sous le nom de “griko” ou encore “grecanico”, vestiges de la Grande Grèce de l'Antiquité et de la domination byzantine. Il y a une dizaine d'années, après la grande vague d'immigration qui avait dépeuplé la région dans les années cinquante et face à une Europe qui redessinait ses frontières, les neuf communes ont souhaité réaffirmer leur identité. “Nous avons voulu créer un lien dynamique entre la tradition et l'innovation, non pas en nous renfermant sur nous-mêmes, mais en nous ouvrant sur la nouveauté. Notre volonté était de nous rencontrer, pas de nous affronter”, raconte Sergio Blasi, le maire de Melpignano.

Chaque été depuis 1998, sa ville accueille donc la Notte della Taranta [la Nuit de la Tarente], un mégaconcert gratuit qui vient clore près d'un mois de festival itinérant dédié à la musique populaire des Pouilles et organisé dans les neuf communes de la Grecìa Salentina.

Conformément à la volonté d'ouverture des promoteurs, les musiciens et chanteurs participant au concert sont dirigés par un chef d'orchestre issu d'un genre musical radicalement différent. Ainsi, en 2003, c'est sous la baguette de Stewart Copeland, le batteur de Police, que s'est déroulée la Nuit de la Tarente ou, en 2000, sous celle du jazzman Joe Zawinul, fondateur du groupe Weather Report.

Le chef d'orchestre invité dispose d'un mois pour s'approprier le répertoire traditionnel du Salento et le réinterpréter selon son propre code musical lors du grand concert final. Mais d'autres groupes, comme Buena Vista Social Club, ou d'autres artistes italiens, comme Franco Battiato, Gianna Nannini et Lucio Dalla, sont également invités à participer sur scène aux côtés des chanteurs et des musiciens traditionnels de la région.

“Ce n'est pas un concert au sens classique du terme. C'est plutôt une véritable création, une œuvre originale, une immense fête avec un public qui est tout sauf passif”, commente le maire de Melpignano. Dès l'après-midi, les spectateurs commencent à affluer. Une scène a été dressée sur l'immense pelouse qui s'étend devant la petite église baroque du Carmine datant du XVIIe siècle et l'ancien couvent des Augustiniens.

À la nuit tombée, lorsque les premières notes de tambourins et d'accordéons diatoniques se font entendre, la foule, toutes générations confondues, se retrouve sur les places, dans les ruelles ou dans les maisons pour participer aux réjouissances, pour une gigantesque fête de famille. Le grand-père danse avec sa petite-fille, les couples se défient en un pas de deux amoureux, tandis que les plus solitaires suivent depuis leur salon le spectacle retransmis sur une chaîne de télévision locale.

“C'est là que notre musique traditionnelle reprend son sens premier et nous apporte un remède contre les angoisses véhiculées par le monde moderne et la mondialisation”, observe encore Sergio Blasi. Car la pizzica, dérivée de la tarentelle, une danse et une musique populaires pratiquées dans tout le Sud de l'Italie, est née, en effet, pour guérir. Elle est directement liée au tarentisme, un rituel de guérison mêlant danse, musique, transe, possession et dévotion chrétienne, dont l'existence est documentée dès le XIVe siècle. Mais celui-ci aurait des origines bien plus anciennes puisque certains n'hésitent pas à le rapprocher des rites dionysiaques de l'Antiquité.

Ce rituel était censé guérir les personnes, des femmes pour la plupart, qui avaient été piquées par la tarentule ou lycosa tarantula, une araignée très répandue dans la région. Les victimes – les tarantate – étaient alors frappées d'hystérie, secouées de convulsions ou, au contraire, plongées dans une profonde léthargie. Pour se libérer de l'emprise de l'araignée qui vivait en elle, la tarantata n'avait d'autre choix que de danser jusqu'à épuisement sur le rythme effréné de la pizzica exécutée par des chanteurs à la voix nasillarde et haut perchée et des joueurs de tambourins, de violons et d'accordéons diatoniques.

Les musiciens adaptaient leur “traitement” en fonction de l'espèce de la tarentule qui avait piqué la victime. Selon le type de venin, la tarantata avait un comportement agité, mélancolique, agressif ou licencieux. Ils avaient alors recours à des rubans de couleur et des rythmes différents. Ces cérémonies pouvaient durer plusieurs heures, voire plusieurs jours, durant lesquels la victime passait par des phases de transe et d'extase. Ensuite, Saint-Paul, protecteur des pizzicati [“piqués” en italien] et particulièrement vénéré dans une église de la ville de Galatina, dans le Salento, finissait par exorciser le mal.

Les spécialistes de nombreuses disciplines, depuis l'anthropologie médicale à l'ethnopsychiatrie, se sont penchés sur ce bel exemple de syncrétisme culturel pour tenter d'en analyser les multiples origines et significations. D'aucuns y voient une façon de contourner le rigorisme de l'Église catholique du XVIIe siècle en matière de musique et de danse et de perpétuer des rites d'origine païenne.

D'autres y trouvent une explication purement médicale : en accélérant le rythme cardiaque et en libérant des endorphines, cette danse frénétique favorisait l'élimination du venin dans le sang et diminuait la douleur provoquée par la morsure de l'araignée. Aujourd'hui, si le tarentisme a pratiquement disparu, la pizzica, elle, connaît un renouveau indéniable, comme en témoignent le succès de la Nuit de la Tarente et l'énorme popularité des artistes originaires des Pouilles en général et du Salento en particulier.

Les films et les documentaires qui lui sont consacrés sont désormais légion, depuis Sangue VivoIl Sibilo lungo della Taranta de Paolo Pisanelli, retraçant son histoire des années soixante à nos jours. Dans ce dernier documentaire, Giovanni Lindo Ferretti, un artiste d'Italie du Nord ayant participé à plusieurs éditions du festival de Melpignano, affirme : “Derrière la musique traditionnelle du Salento se cache une merveilleuse poésie, d'une élégance incroyable, capable de parler à tous les êtres humains, et pas seulement aux Salentins”.

Une poésie écrite par des gens simples et dignes, des paysans qui ont toujours travaillé dur et connu la faim, mais qui n'ont jamais cessé de chanter leurs joies et leurs peines. Un peuple qui aime danser et faire la fête et a trouvé dans la musique son antidote aux venins de l'existence.
d'Edoardo Winspeare à