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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

vendredi 21 août 2009








ACTUALITE MEDICALE

Dépistage des troubles métaboliques sous antipsychotiques de 2e génération : du non suivi des recommandations !
Publié le 16/08/2009
http://www.jim.fr/medecin/21_psy/e-docs/00/01/AE/9E/document_actu_med.phtml

Plusieurs antipsychotiques de deuxième génération sont associés à une augmentation du risque de troubles métaboliques : prise de poids, hyperglycémie, dyslipidémie. En 2004, l’American Diabetes Association (ADA) a ainsi publié un consensus recommandant l’évaluation de la glycémie à jeun et du bilan lipidique à l’initiation puis lors du suivi chez tous les patients traités par antipsychotiques de deuxième génération.

L’objectif de cette étude était d’évaluer l’impact des recommandations de l’ADA sur le dépistage des troubles métaboliques chez les patients traités par antipsychotiques de deuxième génération. Les données administratives rapportant les bilans glycémiques et lipidiques réalisés chez des patients bénéficiant d’une prise en charge financière par assurance privée aux USA ont été analysés. Parmi les 9 millions d’assurés des 4 compagnies ayant accepté de participer à l’étude, 18 876 adultes ont débuté un traitement par antipsychotique de deuxième génération (ziprasidone, clozapine, rispéridone, olanzapine, quétiapine, aripiprazole) entre le 01/2001 et le 12/2006. Une cohorte de 56 522 patients ayant un diabète de type 2 non traités par antipsychotiques a été évaluée pour déterminer s’il existait une variation temporelle dans la fréquence des bilans sanguins.

Durant la période de suivi, la glycémie à jeun et le bilan lipidique ont été évalués avant le début du traitement par antipsychotiques de deuxième génération chez respectivement 23 % et 8 % des patients en moyenne. L’évaluation annuelle était réalisée pour le bilan glycémique chez 38 % des patients, et pour le bilan lipidique chez 23 % des patients. L’analyse temporelle de la fréquence avec laquelle ces bilans étaient réalisés retrouvait une tendance à l’augmentation régulière, parallèle à celle qui était observée chez les patients diabétiques. La publication des recommandations de l’ADA n’a pas modifié cette évolution, et elle n’a pas été associée à une augmentation du dépistage.

Cette étude montre que le dépistage des anomalies métaboliques reste insuffisant chez les patients traités par antipsychotiques de deuxième génération. Les recommandations de l’ADA n’ont pas eu l’impact escompté.
Dr Laurence Du Pasquier
Morrato EH et coll. : Metabolic screening after the American Diabetes Association ‘s consensus statement on antipsychotic drugs and diabetes. Diabetes Care 2009 ; 32 : 1037-1042.



ACTUALITE MEDICALE
Le DSM-V vers son starting-block
Publié le 15/08/2009
http://www.jim.fr/medecin/21_psy/e-docs/00/01/AE/9D/document_actu_med.phtml


Enfin ! Depuis le temps que la littérature psychiatrique évoquait cette « Arlésienne », le DSM-V, une date précise pour sa publication (Mai 2012) est mentionnée dans un article consacré à l’essor de ce fameux « Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux ». Le DSM connaît en fait plusieurs origines. Si sa première édition (DSM-I) remonte à 1952 ? et sa seconde à 1968, l’ère « moderne » commence en 1970, avec un article d’Eli Robins et Samuel Guze dans l’American Journal of Psychiatry (consacré à la « validité du diagnostic en psychiatrie, avec application à la schizophrénie ») et des textes de 1972 et 1978 sur la « recherche de critères diagnostiques ».

Sous l’égide de l’APA (Association américaine de psychiatrie), la mouture estampillée DSM-III opère la synthèse de ces travaux précurseurs en 1980 avec une « révolution » faisant grincer les dents chez certains psychiatres attachés au point de vue psychanalytique, puisque celui-ci est abandonné alors au profit du modèle biomédical : apport de la génétique, des examens complémentaires, inscription dans la mouvance des essais thérapeutiques et des techniques cognitivo-comportementalistes… Ce virage conceptuel est confirmé lors du DSM-IV publié en 1994 et actualisé en 2000 sous la forme du DSM-IV-TR (pour Text Revision) [1].

Mais toute classification est victime de son aspect réducteur : comme le résument les auteurs, « les psychiatres se trouvent désormais confrontés à une pléthore de phénomènes de comorbidité, car les patients n’ont pas exclusivement des troubles de l’humeur ou à type de somatisation ou d’anxiété, mais ont tendance à développer un mélange de symptômes empruntés à plusieurs catégories ». Penchés sur le berceau du futur DSM-V depuis 1999, les chercheurs doivent relever plusieurs défis pour « faire face aux questions ayant émergé depuis 30 ans ».

Interrogation fondamentale : comment définir un trouble mental ? Autre point : comment aborder une affection mentale dans toute sa diversité, malgré la disparité apparente de stades de développement pouvant s’étendre tout au long de la vie ? Enfin, comme pour toute prétention à affubler autrui d’une marque de « différence », au risque de le stigmatiser : quelle place accorder à des critères contextuels, notamment aux caractéristiques culturelles ? Une classification quelconque a-t-elle valeur à l’universalité ?
[1] http://www.dsmivtr.org/
Dr Alain CohenRegier DA et coll. : The conceptual development of DSM-V. Am J Psychiatry 2009 ; 166-6 : 645–650.


ACTUALITE MEDICALE
Grandeur et décadence d’un modèle
Publié le 14/08/2009
http://www.jim.fr/medecin/21_psy/e-docs/00/01/AE/98/document_actu_med.phtml


Professeur de psychiatrie à l’université de Boston (Massachusetts), S. Nassir Ghaemi publie un ouvrage ayant le même titre que son article du British Journal of Psychiatry, « Grandeur et décadence du modèle bio-psychosocial ». Proposé par George Engel [1] en 1977, lequel s’appuyait notamment sur des précurseurs comme Adolf Meyer et Roy Grinker [2], ce modèle est considéré outre-Atlantique comme le « courant dominant » (mainstream ideology) de la psychiatrie contemporaine. Laquelle serait critiquée pour son aspect « trop biologique », occultant la dimension humaine, avec risque de dérive scientiste ou, du moins, de relégation des interventions psychosociales derrière le paravent de la médecine et de la pharmacologie.

Vu comme « antidote » à ce risque, le paradigme en question (dit bio-psychosocial) est censé tenir « le milieu de la route » entre les trois dimensions essentielles de la psychiatrie (organique, psychique et socioculturelle). Ce qui est en accord avec la recommandation d’Engel (1978) selon laquelle : « Il faut tenir compte des trois niveaux (biologique, psychologique et social). Aucune maladie, aucun patient, ni aucun contexte ne peuvent se réduire à un seul de ces aspects, toujours plus ou moins présents ». Mais cet arbitrage entre plusieurs courants ne parvient plus, semble-t-il, à endiguer la vague du « tout biologique » déferlant désormais sur la psychiatrie.

Pour SN. Ghaemi, l’apogée du modèle bio-psychosocial aux États-Unis coïncide avec « la notoriété du DSM-III, vers 1980, les avancées de la psychopharmacologie et le déclin de la psychanalyse ». A noter toutefois que dans cette synthèse bio-psychosociale, certains concepts psychanalytiques (comme les mécanismes de défense) sont préservés.

Mais en prônant une position éclectique, à mi-chemin de discours bien tranchés (biologique, psychologique ou social), ce modèle sécrète lui-même ses limites. Car paradoxalement, l’éclectisme se muerait en son contraire pour engendrer le dogmatisme, puisqu’en laissant chacun libre de suivre sa propre inclination, il n’impose aucun garde-fou contre un nouveau dogme ! Ce retournement d’une vertu en son contraire rappelle un aphorisme du philosophe Schelling (1795) où la revendication de liberté débouche sur la soumission : « Prouver ainsi précisément sa liberté, par la perte de sa liberté elle-même, et sombrer encore avec une proclamation de la volonté libre. »

Ce modèle conserve pourtant un atout : abordant le réel de manière globale (vision « holistique » [3]) par opposition à tout parti pris de spécificité (réductionnisme), il s’appuie sur l’idée que « plus, c’est mieux » : on aurait plus de chances de cerner la vérité en multipliant les perspectives, dans une meilleure approche de la complexité.

[1] http://en.wikipedia.org/wiki/George_L._Engel[2] http://www.medscape.com/viewarticle/547497_2[3] http://fr.wikipedia.org/wiki/Holisme

Dr Alain Cohen
Ghaemi SN : The rise and fall of the biopsychosocial model. Br Journal of Psychiatry 2009 ; 195 : 3-4.






Mon ordi vaut bien ton psy !

Publié le 07/08/2009
http://www.jim.fr/medecin/21_psy/e-docs/00/01/AE/2F/document_actu_med.phtml


Certains médecins contribueraient-ils imprudemment à scier la branche où ils sont assis ? On est en droit de s’interroger à la lecture de cette étude néerlandaise comparant l’efficacité du traitement « classique » de la dépression (c’est-à-dire par un praticien humain) à celle d’un « cyber-traitement » par programme informatique disponible sur l’Internet… pour ne trouver en fin de compte « aucune différence significative » entre ces deux méthodes !

Par les mânes de Lacan, le protocole en question n’a, on l’aura compris, rien à voir avec la psychanalyse, mais s’apparente aux thérapies cognitivo-comportementalistes (CCBT) [1]. Motivation des chercheurs : réduire la proportion des dépressions ambulatoires non traitées, en orientant les patients vers des sites à finalité « vicariante » du thérapeute : par la barbe de Freud, on n’a plus (assez) de psychiatres, mais on a encore des idées… et des ordinateurs !

Âgées de 18 à 65 ans et devant bénéficier d’un premier traitement pour une dépression, 303 personnes ont donc été orientées au hasard soit vers leur médecin (de la vraie vie), soit vers un logiciel compatible tout silicium et au nom explicite, Colour Your Life, soit vers une combinaison des deux (l’homme + la machine). Vous repeignant ainsi la vie en rose, le cyber-thérapeute est défini comme un « programme en ligne, multimédia et interactif ». Bilan édifiant, après un suivi de 6 mois : « aucune différence dans l’évolution entre ces trois procédés » (intervention humaine, informatique pure, ou association des deux). Ex-æquo avec le site cognitivo-comportementaliste, le corps médical classique doit pourtant se réjouir de ce résultat très flatteur, puisqu’une autre étude aurait montré « qu’une technique CCBT délivrée par ordinateur serait plus efficace que la thérapie délivrée par le médecin traitant » !

Néanmoins prudents, les auteurs (humains) de cette enquête précisent que « les techniques de type cognitivo-comportementaliste sans intervention humaine ne peuvent bénéficier à tous les sujets souffrant de dépression ». Verra-t-on bientôt un clone de Jung sur Second Life ?

[1] Computerised Cognitive Behavioural Therapy : technique cognitivo-comportementaliste assistée par ordinateur.
Dr Alain Cohen

De Graaf LE et coll. : Clinical effectiveness of online computerised cognitive-behavioural therapy without support for depression in primary care : randomised trial. Br J Psychiatry 2009 ; 195 : 73-80.



jeudi 20 août 2009

ARMENTIÈRES
Mon fils, ce schizophrène
Publié le mercredi 19 août 2009 à 06h00
http://www.nordeclair.fr/Actualite/Justice/2009/08/19/mon-fils-ce-schizophrene.shtml

Schizophrène ou « borderline », en tout cas instable, cet homme de 35 ans réclame son argent de poche au couteau, séquestre sa mère de 74 ans. Délogé par le GIPN, il part en hôpital psychiatrique.

Massif mais empâté, le cou penché à angle droit du dos offrant un profil de vieillard, un phrasé d'enfant rechignant à avouer ses bêtises, Hervé B. ne passe pas inaperçu. Avocat et procureure s'accordent sur le « malaise » de la situation. Car les faits sont très graves.
Le 11 mars dernier, le jeune homme réclame un peu de liquide à ses parents. Régulièrement, il les menace pour parvenir à ses fins. Les parents, conscients de ses troubles psychiatriques - il ingurgite 10 sortes de médicaments chaque jour -, lui passent ses excentricités. Mais le climat est malsain. Plus tôt, il avait étranglé sa mère, lui disant « en rigolant », « je vais te tuer et te mettre dans un cercueil ».

Il rattrape son père de 77 ans, le met au sol, le frappe
Cette fois, il n'attend même pas la réponse, attrape un couteau et le brandit contre sa mère de 74 ans. Son père, 77 ans, tente timidement de s'interposer. Face à l'insensé molosse, il préfère fuir. Son fils lui court après, le met au sol et le frappe. Il tente même de le rapatrier à l'intérieur puis se ravise et s'enferme avec sa mère. Volet baissé. Trois longues heures. Un négociateur est envoyé ; le GIPN doit intervenir. Jouant de sa crédulité, un policier entre dans l'appartement déguisé en agent du Samu puis maîtrise l'individu à coup de Taser. Le prévenu sera envoyé d'office pendant 4 mois en hôpital psychiatrique.
Son geste, il l'explique confusément. « Je l'ai pas frappé, j'ai fait du chantage. Et puis mon père a pris le couteau et m'a piqué... » Lorsque la présidente Reliquet lui demande pourquoi il voulait de l'argent, ce dernier répond : « C'était mon anniversaire. - Et vous vouliez acheter quoi ? - De la vodka et du cannabis. » Hervé Belot a déjà été condamné pour des faits de violences. Deux expertises concluent à une altération de la responsabilité, même si l'une le dit victime de schizophrénie quand l'autre évoque un « état limite » ou « borderline ». Il confie quand même aux deux psys avoir « souvent envie de tuer des gens ». La présidente Reliquet lance une perche : « Comment nous convaincre que vous ne recommencerez pas ? » À laquelle il répond : « Bah, mes parents sont partis en maison de retraite. » Badaboum.
Dans un brillant mais long, lent, lancinant réquisitoire, la procureure Courtalon procède à une admirable relecture de l' Histoire de la folie à l'âge classique avant de ménager l'impératif de dissuasion et celui de compréhension en requérant 16 mois de prison, dont 10 avec sursis. Tout aussi brillant, Me Simon Perot fait le procès du régime de psychiatrie à domicile « qui consiste à dire aux malades "devenez votre propre gardien". » « Mon client ne peut pas porter la responsable de la disparition des psychiatres de tournée, de la fermeture un à un des centres spécialisés ! S'il va en prison, il verra quatre fois la psy. Vous croyez qu'il va sortir stabilisé ? » C'est dépité qu'il écoute le jugement : deux ans de prison dont un an avec sursis.
NICOLAS CAMIER > nicolas.camier@nordeclair.fr
Les drogues psychédéliques utiles en psychiatrie ?
Mardi 18 août 2009
http://news.doctissimo.fr/les-drogues-psychedeliques-utiles-en-psychiatrie-_article5182.html

Donner des substances hallucinogènes à des patients psychiatriques, voilà un postulat au minimum incongru. Pourtant le psychiatre lyonnais Olivier Chambon confirme l'intérêt de ces substances pour traiter certaines pathologies psychiatriques résistantes aux traitements habituels. La médecine psychédélique a-t-elle un avenir ?

Le LSD, l'ecstasy, les champignons à psilocybine (hallucinogènes), l'ayahuasca ou encore l'iboga sont des substances capables de provoquer des hallucinations ou d'exacerber les sens. Elles sont donc prohibées par les sociétés occidentales dans le cadre de la lutte contre la toxicomanie. Cependant ces substances sont étudiées par de nombreux scientifiques, en raison de possibles effets thérapeutiques.

Selon le Dr Oliver Chambon, auteur du livre La médecine psychédélique - Le pouvoir thérapeutique des hallucinogènes, "les drogues psychédéliques sont de retour, mais cette fois dans les laboratoires et les hôpitaux, et pour leurs indications thérapeutiques. Dans le monde entier, de nombreux scientifiques s'intéressent à ces substances hallucinogènes pour étudier leur action sur certaines pathologies résistant aux traitements psychiatriques, notamment les dépressions chroniques, la dépendance alcoolique, le stress post-traumatique." Le Dr Chambon ajoute qu'elles ne sont pas étudiées "en France où ces substances sont assimilées à des drogues", à l'instar de ce qui se passe avec l'usage thérapeutique du cannabis.

De plus ces substances ne provoquent pas de dépendance et n'ont pas d'effets stupéfiants, contrairement à l'héroïne ou l'alcool (pas d'obscurcissement de la conscience). Les études déjà menées montrent par exemple le rôle positif de l'association d'une petite dose du principe actif de l'ecstasy dans la prise en charge de troubles anxieux, ou encore l'intérêt du LSD ou des champignons hallucinogènes, également à doses contrôlées, dans le traitement des algies vasculaires du visage (douleurs violentes s'apparentant à des migraines, touchant la moitié d'un visage).

En conséquence, le Dr Chambon affirme qu'"il existe actuellement bien assez de données de recherche et de publications, au niveau international, pour étudier, en France, l'efficacité des médicaments psychédéliques dans des affections psychiatriques résistant aux autres approches, avec de grandes chances d'obtention de gains thérapeutiques importants".

Cet appel à une extension de la recherche médicale sur ces substances dans le but d'élargir les possibilités de traitements des cas difficiles sera-t-il entendu ?

Sources :

- "La médecine psychédélique. Le pouvoir thérapeutique des hallucinogènes", Dr Oliver Chambon, Ed. Les Arènes, 396 pages, en librairie

- "How could MDMA (ecstasy) help anxiety disorders? A neurobiological rationale." Johansen P et coll., J Psychopharmacol. 2009 Mar 9.

- "Response of cluster headache to psilocybin and LSD." Sewell RA et coll., Neurology. 2006 Jun 27;66(12):1920-2.

lundi 17 août 2009



SANTÉ
Quel avenir pour la psychiatrie publique ?
le 17.08.2009
http://www.leprogres.fr/fr/france-monde/article/1885693,192/Quel-avenir-pour-la-psychiatrie-publique.html

Hôpitaux saturés, manque de structures pour soigner les malades en ville, la psychiatrie publique peine à remplir sa mission de soins.

Comme le reste de l'hôpital, la psychiatrie publique va mal. Après la promulgation de la loi Hôpital, patient, santé et territoire, elle attend sa propre réforme.

Depuis une quarantaine d'années, l'hôpital psychiatrique s'est effacé au profit d'une organisation par secteurs géographiques : le patient doit pouvoir bénéficier au plus près de chez lui de soins en continu. S'il reste emblématique, l'hôpital n'accueille plus désormais qu'une minorité des malades : 70% sont suivis à l'extérieur, dans des structures de soins ambulatoires, et ne seront jamais hospitalisés. Mais les lits d'hôpitaux ont fermé plus vite que ces structures ne se sont développées. Aujourd'hui, plusieurs hôpitaux affichent des taux d'occupation supérieurs à 100 % et sont au bord de l'explosion. Ils peinent à accueillir des malades en crise faute de place ailleurs pour les patients « stabilisés ». Certains de ces malades restent des mois dans des structures censées être de courte hospitalisation, d'autres se retrouvent à la charge de familles qui n'en peuvent plus ou encore à la rue.

La psychiatrie est désormais évoquée à la page faits-divers dans les médias, à la suite de violences au sein d'un établissement ou d'une agression commise par un malade. C'est d'ailleurs quelques semaines après le meurtre d'un passant à Grenoble par un patient de l'hôpital psychiatrique de Saint-Egrève, que Nicolas Sarkozy a présenté, le 2 décembre 2008, l'aspect « sécuritaire » de la future réforme comprenant notamment 30 millions d'euros pour renforcer la sécurité des hôpitaux, 40 millions pour créer quatre unités pour malades difficiles (dont une à l'hôpital du Vinatier de Lyon), et une extension du principe de l'hospitalisation d'office aux soins en ville. En janvier, le rapport Couty a dégagé 26 propositions pour réformer l'organisation en réunissant notamment le secteur psychiatrique et le médico-social. Les deux projets ont déclenché la colère des syndicats de psychiatres. Le gouvernement a promis de retravailler sa copie...

Confronté aux mêmes difficultés que ses homologues, l'hôpital Saint-Jean-de-Dieu à Lyon nous a ouvert ses portes pour présenter la réalité des soins psychiatriques au quotidien.



Pas de trêve estivale pour l'hôpital Saint-Jean-de-Dieu
le 17.08.2009 04h00
En août, ça continue de bouchonner à l'entrée et à la sortie de cet hôpital lyonnais. Les médecins doivent sans cesse chercher des solutions pour assurer le suivi des soins aux patients.
http://www.leprogres.fr/fr/france-monde/article/1885680,192/Pas-de-treve-estivale-pour-l-hopital-Saint-Jean-de-Dieu.html

Peu de malades et de soignants dans le parc et dans les couloirs : ce mardi, l'hôpital psychiatrique de Saint-Jean-de-Dieu, dans le 8 e arrondissement de Lyon, semble gagné par la torpeur aoûtienne. A l'unité d'hospitalisation de courte durée (UHCD), le service « post urgences », seule une jeune fille agitée sort sans cesse de sa chambre pour venir dans le bureau infirmier, véritable tour de contrôle située face à l'entrée sécurisée. Comme la plupart des patients, elle est envoyée par les urgences des Hospices civils de Lyon. « Il n'y a pas encore moyen de lui parler », explique le Dr Lionel Reinheimer, chef du service, précisant que sous l'effet des médicaments, ces crises aiguës « ne dépassent pas les 48 heures ». Comme cette jeune fille, déjà venue ici il y a deux ans, de nombreux patients sont hospitalisés en urgence car ils ont arrêté leur traitement. En théorie, ils doivent quitter l'UHCD au bout de 72 heures, le plus souvent pour aller en clinique ou dans une autre unité de l'hôpital. Quand ce circuit fonctionne bien, « c'est valorisant de voir un patient hyper mal ressortir calmé », remarque le Dr Reinheimer. Mais depuis des mois, c'est « le bouchon continu »: il y a en permanence 8 à 9 patients des deux UHCD (23 lits et 2 chambres d'isolement) qui attendent une place ailleurs. Des chambres de patients en permission sont utilisées en leur absence, des lits supplémentaires installés dans des chambres individuelles voire dans des salles d'activité... Les malades en crise attendent plusieurs heures aux urgences des HCL avant qu'une place ne soit trouvée. Fin mai, c'est dans un réfectoire que 5 patients ont dormi. À la suite de ce coup d'éclat, le directeur, Jacques Marescaux, et le président de la commission médicale, Bernard Joli ont convaincu l'Agence régionale d'hospitalisation de financer la création d'une nouvelle unité de 20 lits pour des patients cérébro-lésés, à hauteur de 1,3 M d'euros (pour un coût total de 1,68 M). Elle ouvrira en décembre et sera certainement vite remplie car le champ d'action est vaste : malades psychotiques, accidentés de la route, patients souffrant de maladies neuro-dégénératives... Dans l'unité de secteur du Dr Patrick Briant, 3 patients sur 26 attendent une place dans ce type de structure. Le plus ancien est là depuis 1998. En géronto-psychiatrie, les assistantes sociales bataillent pour convaincre les maisons de retraite d'accepter des patients dans leurs services dédiés aux personnes âgées désorientées. Certains malades stabilisés au bout de deux mois doivent patienter jusqu'à un an. Car, là, ce n'est pas la lourdeur de la pathologie qui compte mais les moyens financiers... «Pour quelqu'un qui peut payer plus de 2 500 euros mensuels, l'attente est ramenée à une vingtaine de jours », explique Nicole Orrao, assistance sociale. Dans ce même service, se trouve un patient condamné car « il joue de l'arme blanche quand il a bu ». Il est actuellement « stabilisé » car il ne boit pas à l'hôpital, mais « vu le prix d'une journée d'hospitalisation cela coûte cher uniquement pour ne pas boire d'alcool!», remarque la chef de service, le Dr Florence Dibie-Racoupeau.

L'hôpital accueille à peine 30 % des malades suivis en psychiatrie publique, « mais ça bouffe 90 % de notre temps », note le Dr Briant qui freine sur les lits supplémentaires dans son unité car il ne veut pas « dégrader le soin ». «Il y a 20 ans, les patients étaient gardés en moyenne 240 jours, aujourd'hui, c'est 30 jours. Juste le temps d'évaluer les effets indésirables graves des médicaments. Il faut 3 mois pour voir si on est dans le bon sens et 3 ans pour évaluer les résultats », explique le psychiatre. Si le suivi des soins n'est pas assuré, c'est l'arrêt garanti. « Déjà à l'hôpital, la moitié seulement prend ses médicaments. A l'extérieur, dans le meilleur des cas, ils arrêtent au bout de deux ans », explique le psychiatre qui estime qu'il faut actuellement 2 à 3 rechutes pour arriver à une prise en charge correcte. Un projet d'hôpital de jour de 15 places est développé pour essayer de ne pas perdre les patients qui n'adhèrent pas au suivi ambulatoire.

À 18 heures, 8 patients étaient entrés à Saint-Jean-de-Dieu et 2 étaient en attente. La moyenne est de 4 à 10 entrées quotidiennes. Avec 16 lits supplémentaires, l'hôpital a souvent un taux d'occupation de 108 %. « Ça fait penser à Verdun, soupire le Dr Bernard Joli. On s'impose des souffrances à soi et aux autres. »

dimanche 16 août 2009




Samedi 15 Aout 2009

CORSE. Après le meurtre familial commis par un adolescent, un psychiatre bordelais tente une explication

http://www.sudouest.com/accueil/actualite/france/article/677228/mil/4992831.html

« Tuer sa famille ressemble à un acte psychotique »

L'enquête se poursuit à Albitreccia, en Corse, après qu'un adolescent de 16 ans s'est accusé du meurtre de ses parents et de ses frères jumeaux de dix ans, dans la nuit de mardi à mercredi. Le jeune garçon s'est présenté spontanément, jeudi, à la gendarmerie de Pietrosella, en compagnie de l'un de ses oncles auquel il s'était confié, après avoir erré plusieurs heures autour de la maison familiale.

Hier soir, le jeune homme a été mis en examen pour assassinats et placé en détention au quartier des mineurs de Borgo. Les enquêteurs ont confirmé que les quatre victimes ont été tuées dans leur sommeil. « Tous ont été retrouvés dans leur lit, il n'y avait aucune trace de lutte ou d'une quelconque tentative de fuite », a indiqué l'un des responsables de l'enquête. Sur les indications de l'adolescent, le fusil dont il affirme s'être servi a été retrouvé par les gendarmes dans un bosquet, non loin de la maison familiale.

Aucune explication

Entendu par la police et son avocate, il reconnaît les faits mais n'explique pas son geste. Au centre Jean-Abadie de Bordeaux, pôle aquitain de l'adolescence du CHU, le docteur Philippe-Pierre Tedo, psychiatre, pose un regard d'expert sur ce terrible drame : « L'adolescence se définit comme un processus de remaniement physique et psychologique. Le jeune vit une période de turbulences, il doit apprendre à gérer son corps, se questionne sur son narcissisme, l'estime de soi, son identité et ses identifications : "D'où je viens ?", "Qui sont mes parents ?". Au lieu de mettre des mots sur leur malaise, certains ne peuvent faire autrement qu'agir leur malaise : ils passent à l'acte. Anorexie, boulimie, scarifications, tentative de suicide. Des actes graves, espérant que les adultes entendront. L'acte meurtrier de la famille est un moment psychotique, un moment d'étrangeté, le jeune perd le contrôle de lui-même. Les personnes les plus proches deviennent, dans son délire, des dangers. Il s'agit d'une psychose d'acte. À 20 heures, il va bien, à minuit il gamberge, à 4 heures il tue quelqu'un. Un moment de folie, de décompensation. C'est un état grave qui relève de la psychiatrie. »

Difficile à repérer

L'adolescent meurtrier en Corse ne présentait aucun signe extérieur de malaise. D'après son entourage, il était agréable, souriant et bon élève, plutôt sportif, adepte des jeux vidéo. Comme la plupart des jeunes de sa génération. Troublant.

« Difficile de repérer la dangerosité d'un malaise, nous travaillons là-dessus au centre Abadie. Il y a souvent des signes avant-coureurs. Le retrait scolaire, l'isolement, le silence ou l'agressivité. En général, ces ados ne parlent pas de leurs difficultés. Souvent, l'on constate qu'ils évoluent dans des contextes de violence familiale, violence psychologique invisible en surface. Avec des secrets de famille, des névroses cachées, des séparations. Le jeune se trouve perdu et passe à l'acte. »

A priori, l'adolescent auteur présumé des faits en Corse échappe à cette description. Pas de signe précurseur, il avait passé un mois au nettoyage de la plage voisine, sa famille avait l'air « soudée, aimante ».

En raison de son âge, le parquet d'Ajaccio souhaite que rien ne soit dévoilé des auditions. Le jeune homme sera présenté à un juge de la liberté et de la détention qui devra statuer sur son sort.

Auteur : i.castera@sudouest.com