Par Sofia Fischer — 21 octobre 2016 à 19:11
Les moins de 35 ans sont de plus en plus touchées par la maladie. Comment encaissent-elles ? Avec davantage de franc-parler que leurs aînées. Certaines en font même un sujet de BD ou de pièces de théâtre.
Au premier abord, la scène est d’une banalité presque ennuyeuse. Elles sont dans la vingtaine, ou tutoient la trentaine, s’appellent Lili, Julie, Noémie. Elles sont attablées autour d’une pinte en terrasse du Point éphémère, au bord du quai de Valmy, dans le Xe arrondissement de Paris. Mais il y a les détails. Lili a les cheveux décidément très courts, Julie porte un turban sur la tête. Et puis ça parle effets secondaires d’hormonothérapie et ovocytes congelés en Seine-Saint-Denis. Ces jeunes femmes qui papotent en ce mois d’«Octobre rose» (le mois de mobilisation contre le cancer du sein) font partie des 10 %, parmi celles touchées par le cancer du sein, qui ont moins de 40 ans. Selon la Société française de sénologie et de pathologie mammaire, de plus en plus de jeunes femmes sont concernées par le cancer du sein. Le taux de malades aurait bondi de 25 % entre 2002 et 2008 pour les patientes de moins de 35 ans. On ignore précisément les causes de cette progression, du moins officiellement. «Il y a un manque d’éléments tangibles», «d’études sérieuses et récentes», nous répond Mahasti Saghatchian, à l’Institut Gustave-Roussy. Mais surtout, «on ne veut pas affoler les jeunes». L’oncologue explique que, faute d’études françaises, on concède que «si le nombre de cancers du sein chez les jeunes femmes augmente, c’est que le nombre global augmente». Soit. Mais pour ces jeunes patientes aux tumeurs hors saison et hors propos, le cancer du sein, cette «maladie de maman», est particulièrement violent. Selon Alexia Tosi, psychologue à la Ligue du cancer des Alpes-Maritimes, qui voit affluer depuis plus d’un an nombre de très jeunes femmes dans son cabinet, l’annonce d’un tel diagnostic à cet âge prend une dimension particulière : «Il y a un avant et un après. Elles commencent à peine leur vie d’adulte. Elles se sont surtout projetées, elles ont imaginé. Et puis tout à coup, on leur apprend qu’elles ne pourront peut-être pas avoir d’enfant, auront du mal à emprunter, et puis qu’elles devront arrêter de travailler, alors que leur carrière vient de commencer. C’est l’incertitude la plus totale, c’est ça la différence par rapport à une femme déjà établie.»