Le personnel du Centre hospitalier de Tourcoing est toujours sous le choc, après l'agression d’une rare violence dont ont été victimes deux médecins et une infirmière du service des urgences dans la nuit de samedi à dimanche.
Le Dr Hacène Moussouni, chef des urgences, est comme hébété après la nuit terrifiante qu’a vécue son service dans la nuit de samedi à dimanche. Hébété et impuissant face aux agressions de plus en plus graves subies par les soignants. Une violence devenue quotidienne.
Samedi, aux alentours de 22 h 30, une quinzaine de personnes arrivées dans trois voitures font irruption dans le sas des urgences du centre hospitalier Gustave-Dron de Tourcoing. Elles accompagnent un patient âgé souffrant de confusion. Après l’avoir placé sur un brancard, l’infirmière de garde demande aux proches d’aller en salle d’attente. Les accompagnants refusent et profèrent insultes et menaces. Un premier médecin est agressé verbalement. Après avoir envahi le box de soins, six individus s’en prennent à un autre médecin venu à la rescousse. Il est tabassé au sol et souffre aujourd'hui d’hématomes et d’une plaie à la lèvre. Une femme médecin a été tirée par la chevelure tellement violemment que des touffes ont été arrachées. Une interne a été jetée au sol. Les deux vigiles présents ont été vite débordés. Il a fallu l’intervention de la police nationale et municipale pour stopper les agissements des individus, déjà interdits de séjour au CH de Roubaix pour des faits similaires.
Un traumatisme pour les équipes
« Les médecins agressés ont repris leur service mais ils sont extrêmement traumatisés. Nous sommes là pour soigner, pas pour recevoir des coups, déplore le Dr Hacène Moussouni, le chef de service partagé entre colère et émotion. Au moment de l’agression, nous avions deux personnes en urgence absolue, et une autre en arrêt cardio-respiratoire et nous étions en train de préparer avec les proches un éventuel don d’organes. Une telle violence dans un lieu de soins est intolérable. »
Les soignants sont d’autant plus en colère qu’ils ne sentent pas soutenus par la justice. Trois des quinze individus arrêtés par la police ont été jugés en comparution immédiate lundi après-midi et remis en liberté, le temps de préparer leur défense. « C’est une seconde agression pour nous », dénonce le chef de service. Ils ont proféré des menaces à l’égard des médecins présents à l’audience, leur signifiant qu’ils n’allaient pas en rester là. « On va se revoir », a menacé l’un d’eux. Dès dimanche soir, plusieurs d’entre eux se sont d’ailleurs rendus aux urgences pour réclamer le retrait de la plainte.
Soigner avec la boule au ventre
« La violence, on sait que cela existe. On doit composer avec. Mais cette fois, un cap a été franchi, constate le Dr Zahia Gaoui, urgentiste depuis deux ans à Tourcoing. Aujourd’hui, je ne travaille plus dans la sérénité. Je n’ai pas dormi la nuit dernière et je viens au travail avec une inquiétude latente. »
Le directeur du CH de Tourcoing, Didier Nonque, a immédiatement doublé les équipes de sécurité. Désormais, deux vigiles avec chiens surveillent le parking et deux autres filtrent les entrées. « Mais la sécurisation a ses limites, déclare-t-il. La rotonde est conçue pour faciliter la visualisation par le personnel de l’ensemble des salles d’examens. Pas pour résister à l’intrusion de quinze individus qui ont forcé le rideau du sas des ambulances pour passer, et ouvert de l’intérieur l’issue de secours incendie. »
Un sentiment d’impuissance
Mardi, après l'étonnement et la colère, le sentiment qui domine est l’impuissance face à de tels agissements. Les urgences ont reçu l’an dernier 52 000 patients. Ce chiffre sera largement dépassé en 2016. Dans le même temps, les équipes souffrent d’un manque criant d’effectifs, à cause justement des conditions de travail trop pénibles. Sur 22 postes équivalents temps pleins prévus, seuls 16 sont pourvus.
« Trois médecins ont quitté le service cette année. Ceux qui restent ont dû assurer toutes les gardes d’urgence et de SMUR sans aucun renfort durant l’été. L’équipe est dans un état d’épuisement total. Cet évènement a anéanti le peu d’énergie qui lui restait », regrette le Dr Moussouni.
Une journée « urgences mortes » est prévue dans les prochains jours, avec le soutien de tous les médecins de l’établissement. En attendant, tout le personnel est en attente de la décision de justice prévue le 7 novembre. « Si cette agression commise en bande organisée ne débouchait pas sur de la prison ferme, nous jugerions cette décision intolérable. Il faut que notre société revienne a des valeurs de respect », conclut le chef de service.
Interrogé ce mardi après-midi dans le cadre des questions au gouvernement, Marisol Touraine a condamné la « violence incroyable » à l'hôpital de Tourcoing et réclamé des « sanctions exemplaires » contre les agresseurs.
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