06/06/18
À en croire certains parlementaires et praticiens, pour remédier à la problématique des malades psychiques en prison, il faudrait construire davantage d’unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA). Le salut réside-t-il réellement dans ces « hôpitaux-prison » ? Zoom sur un dispositif hybride qui, s’il apporte une indéniable amélioration de la prise en charge des détenus souffrant de troubles psychiques, soulève d’importantes questions sociétales et éthiques.
La situation d’incurie dans laquelle se trouvent de nombreuses personnes détenues souffrant de troubles mentaux est un fait que nul ne peut contester. Devant ce constat, le groupe de travail de l’Assemblée nationale chargé de réfléchir à la prise en charge des détenus souffrant de troubles psychiatriques recommandait tout récemment, dans la foulée du Sénat (1), de lancer une seconde vague de construction d’unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA), pour aboutir à un total de dix-sept, soit plus de 700 places. On en compte aujourd’hui neuf dans l’Hexagone – aucune en Outre-Mer : 440 places au total, pour près de 70 000 détenus.
Créées en septembre 2002 par la loi Perben I, les UHSA sont dédiées à la prise en charge des personnes détenues dont l’état psychique nécessite une hospitalisation à temps complet, que ce soit en soins libres ou sur décision du représentant de l’État (SDRE) (2). « Avant les UHSA, les personnes dont l’état était jugé incompatible avec la détention étaient sorties de prison sous le régime de l’hospitalisation d’office et prises en charge en établissement de santé mentale selon les modalités de l’article D398 », explique la sociologue Camille Lancelevée, spécialiste des pratiques de santé mentale en milieu carcéral. Problème : dans de nombreux hôpitaux, les patients venant de prison étaient, sur la seule foi de leur statut de détenus, perçus comme dangereux ou présentant un risque d’évasion. Ils étaient donc systématiquement placés dans des chambres d’isolement (sans mobilier, fermées à clef, avec seulement un matelas par terre, et parfois aucun point d’eau, ni toilettes) ou orientés vers des unités pour malades difficiles – même si ce type de traitement n’était pas nécessaire d’un point de vue clinique et risquait d’aggraver la pathologie. « La création des UHSA était censée permettre d’en finir avec ces pratiques. Mais malgré une baisse sensible de ce type d’hospitalisation, on se rend compte aujourd’hui que les UHSA ne s’y substituent pas totalement », poursuit la sociologue. Les hospitalisations en établissement psychiatrique restent même supérieures à celles en UHSA (3).