Un club parisien permet à une vingtaine d’enfants atteints de troubles moteurs, cognitifs et des apprentissages, d’apprendre à nager. Une activité qui développe aussi leur confiance en eux.
Dix mille pas et plus. Dans le petit bassin, ils sont une dizaine d’enfants, équipés de shorty bleu, lunettes et bonnet de bain assortis. Certains enchaînent des allers et retours avec une planche, d’autres des galipettes. Moins à l’aise, une brunette marche en tenant la main d’une adulte. Encouragée par Eduardo, un maître-nageur, une fille à l’air timide s’écarte progressivement du bord. Séance ordinaire de natation d’une classe élémentaire du quartier ? Pas tout à fait.
Tous les lundis de 13 h 30 à 15 h 30, les deux bassins de la piscine parisienne Bertrand-Dauvin, près de la porte de Clignancourt, sont réservés à l’ASMF Association Handisport de Paris. Depuis la rentrée de septembre 2017, le club accueille gratuitement deux groupes d’élèves en ULIS (unité localisée pour l’inclusion scolaire) de deux écoles de la capitale. Sans ce dispositif, la plupart de ces 22 gamins, atteints de troubles moteurs, cognitifs ou des apprentissages, n’apprendraient pas à nager.
Des besoins particuliers
« Dans les créneaux scolaires ordinaires, cela ne fonctionnait pas, leurs besoins sont trop particuliers », résume une enseignante. Un garçon en excès de poids ne voulait pas entendre parler de piscine ; d’autres étaient affolés au moment d’entrer dans l’eau…
Dix mois plus tard, leur peu d’empressement à en sortir en fin de séance est éloquent, tout comme leur sourire. Les encadrants – maîtres-nageurs spécialisés salariés du club, enseignants, assistantes de vie scolaire (AVS) – sont eux aussi ravis. « J’ai vu plusieurs enfants se métamorphoser. Ils deviennent plus ouverts aux autres, dans l’eau et dans la classe aussi », témoigne une AVS. « La plupart ont peu d’activités à l’extérieur pour diverses raisons. Ici, la bienveillance fait que tout le monde y trouve son compte », souligne un autre encadrant.
La bienveillance, et l’individualisation du programme aussi. « L’objectif est que ces enfants soient en sécurité dans l’eau et qu’ils y prennent plaisir. Pour cela, on est complètement à leur écoute, et les apprentissages sont basés sur le jeu », explique Christophe Lemaire, président du club depuis 2016, à l’origine du projet. Les encadrants sont nombreux, un pour deux ou trois élèves, et n’hésitent pas à se mouiller, au sens premier du terme.
« Tous les troubles que ces gamins vivent au quotidien rejaillissent de façon vitale dans l’eau, d’où la nécessité d’un encadrement pléthorique et rassurant », justifie Christophe Lemaire.
Pour ce passionné de sport, père d’une enfant hémiplégique (adulte aujourd’hui), le déclic est venu d’une rencontre il y a huit ans avec Eduardo Rivera, un maître-nageur d’origine colombienne spécialisé en handisport. A l’époque, Christophe Lemaire est déjà persuadé que la natation pourrait aider sa fille dans sa rééducation. Mais les clubs sont peu accueillants et aucun encadrant ne réussit à lui apprendre à nager. « Avec Eduardo, ça a été réglé en trois séances. Les enfants handicapés ont des possibilités avec lesquelles il faut travailler, et Eduardo les identifie tout de suite », assure Christophe Lemaire. Au-delà des impressions sur le terrain, la science documente les nombreux atouts de la natation pour la santé et le bien-être, chez l’adulte, chez l’enfant, en cas de handicap… comme l’atteste par exemple un rapport britannique de 160 pages publié en juin 2017.
Pour financer la séance hebdomadaire des deux groupes, le président du club fait la chasse aux subventions. Cette année, les 15 000 euros nécessaires ont été recueillis grâce au soutien de deux fondations, Air France et 154, et grâce à la Course des héros. Pour la rentrée prochaine, malgré de nombreux dossiers déposés, la pérennité est encore loin d’être assurée.
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