«Ils sont arrivés à maman, et elle aussi elle est morte comme du bétail ; ils lui ont coupé la tête. En peu de mots tous les parents avec lesquels nous étions ont subi la même mort. Nous, les enfants, nous étions terrifiés», raconte une jeune femme, qui se remémore les scènes terribles auxquelles elle a assisté, alors âgée de 8 ans. C’était au temps du génocide, celui qui a conduit en 1994 à l’extermination des deux tiers des Tutsis du Rwanda. Cette tragédie est au cœur d’un livre un peu particulier, qui donne la parole à ceux qui l’ont vécue à un âge en principe associé à l’innocence.

Sur un continent, l’Afrique, souvent assimilé au chaos et à la destruction, la littérature a pourtant longtemps sublimé la nostalgie d’une enfance idéalisée. «Je confonds toujours l’enfance et l’Eden»,affirmait ainsi le poète sénégalais, devenu président, Léopold Sédar Senghor. Ce paradis perdu de l’enfance a de la même façon inspiré toutes les grandes figures du premier âge de la littérature africaine contemporaine, de l’Ivoirien Amadou Hampâté Bâ jusqu’au Nigérian Nobel de littérature Wole Soyinka, en passant par l’Enfant noir du Guinéen Camara Laye. Mais cet univers romanesque a désormais disparu.