«Que faire de la vérité ? Que faire sans elle ?» interroge dans sa préface Philippe Forest pour résumer ces «conversations sur le réel et la fiction» tenues entre J. M. Coetzee, le Prix Nobel de littérature 2003 né en Afrique du Sud en 1940 (et naturalisé australien en 2006), et la psychanalyste anglaise Arabella Kurtz. Ces «échanges» sont réunis sous le titre la Vérité du récit (The Good Story dans la version originale). Dès le début, Coetzee se demande à quoi rime la quête qu’il voit dans la psychanalyse :«Qu’est-ce qui vous pousse, en tant que thérapeute, à vouloir qu’un patient affronte la vérité sur lui, au lieu de collaborer ou de "conspirer" à une histoire - disons une fiction, mais une fiction épanouissante - qui lui permettrait de se sentir bien, assez pour arriver à mieux aimer et travailler dans la société ?»
La Vérité du récit
Arabella Kurtz, tout au long du livre, va lui répondre pied à pied, mais c’est intéressant de voir comme Coetzee suit sa propre trace et adorerait croire «qu’on n’est pas libre d’inventer son passé»,son idée reposant «sur une foi en la justice de l’univers». L’écrivain décrit deux formes de récits : ceux où l’homme («c’est, d’habitude, un homme») à qui s’identifie le lecteur a commis dans sa jeunesse un acte qu’il craint de voir révéler, et son contraire, le roman policier où le lecteur est du côté de «l’intrus inquisiteur». «Œdipe roi allie les deux formes : Œdipe est à la fois le détenteur d’un passé enseveli et le détective.» Quand on les lit comme «une allégorie des processus psychiques», de telles histoires portent «sur l’inanité de la tentative d’échapper à son passé pour se réinventer».