LE MONDE DES LIVRES | | Par Julie Clarini
La Sexuation du monde. Réflexions sur l’émancipation, de Geneviève Fraisse, Presses de Sciences Po, 158 p.
Nous avons donc en France, depuis deux mois, un « ministère de la famille, de l’enfance et des droits des femmes ». Occupé, cela va de soi, par une femme. Aurait-on imaginé un homme à ce poste ? Rousseau avait mis les choses au clair dès Du contrat social (1762), texte qui fonde sous bien des aspects notre conception contemporaine de la société démocratique : séparation du civil et du domestique, et la femme se contentera d’être, écrit-il ailleurs, « la précieuse moitié de la République ». « La précieuse moitié de la chose publique se tient à l’écart, inutile de faire un dessin, elle agit dans la famille, elle forme les citoyens »,souligne Geneviève Fraisse dans « Rousseau, et les deux “moitiés” de la République », l’un des articles qui constituent La Sexuation du monde. Réflexions sur l’émancipation, son nouvel ouvrage.
Reprenant là une réflexion qu’elle mène depuis longtemps sur les deux gouvernements, celui de la famille et celui de la cité (Les Deux Gouvernements, Gallimard, 2000), la philosophe souligne que la différence des sexes a, en France, depuis la Révolution, le « statut d’obstacle ». D’où ce « travail de Sisyphe » auquel sont contraintes les féministes : toujours recommencer, sans cesse pointer l’obstacle. Le « déconstruire », en démonter les fausses évidences. Et le surmonter.