Ce régime exige des citoyens informés et rationnels. Mais nous sommes des êtres de passion, bourrés de préjugés et aisément manipulables.
"La démocratie est condamnée !"
Il y a un « moment des psychologues » en ce moment, dans les sciences politiques en pays anglo-saxons. Steven Pinker, un cognitiviste, est en train de devenir un intellectuel très populaire en nous appelant à redécouvrir les espoirs des Lumières. Daniel Kahneman a révolutionné l’économie par ses travaux de psychologie cognitive. Mais au congrès annuel de la Société internationale des psychologues politiques, qui s’est tenue à Lisbonne cet été, c’est un autre vétéran de la discipline, Shawn Rosenberg, qui a créé l’événement. Sa contribution portait sur l’avenir de la démocratie et sa thèse, c’est qu’elle est condamnée.
Rosenberg produit d’abord des faits. En 1945, il n’y avait, sur la planète que 12 démocraties indiscutables. A la fin du XX° siècle, on n’en comptait pas moins de 87. Et l’extension de ce modèle de gouvernement « du peuple par le peuple » semblait inéluctable, universelle.
En fait, la démocratie aurait connu son heure de gloire au tournant des XX° et XXI° siècle. Mais depuis lors, elle n’a cessé de régresser. Comme on sait, les modèles autoritaires, les diverses variantes du populisme, ont le vent en poupe. Et selon Shawn Rosenberg, ce n’est pas un accident de l’histoire qu’un peu de bonne volonté pourrait corriger dans les années à venir. Non, la crise de la démocratie était à peu près inéluctable, car ce système requiert de la part des peuples une grande vigilance intellectuelle, un réel désir de s’informer, une capacité à distinguer le vrai du faux, qualités qui sont rarement réunies.