PAR
ELSA BELLANGER
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PUBLIÉ LE 29/11/2019
Crédit photo : S. Toubon
Les huit maisons de naissance ouvertes en France présentent « un niveau de sécurité satisfaisant » et « une très faible fréquence d’intervention », indique l’étude de six spécialistes en santé publique (Inserm et CNRS notamment), présentée aujourd’hui au Sénat.
Les résultats obtenus sont par ailleurs « comparables » à ceux obtenus dans des pays à niveau de vie élevé. Depuis l’autorisation en novembre 2015 à titre expérimental pour une durée de cinq ans, il s’agit de la première étude sur ces structures, qui sont associées à une maternité et qui permettent aux parturientes d’accoucher sans hospitalisation.
Alors qu’une décision est attendue avant la fin de l’expérimentation en 2020 sur la pérennisation du modèle de ces maisons de naissance, l’ambition de l’étude était « d’apporter de la science au débat public », a expliqué Anne Chantry, sage-femme et épidémiologiste à l’Inserm qui a mené l’étude.
649 cas à la loupe
Réalisée à partir de la base de données AUDIPOG de l’année 2018, l’étude s’est penchée sur les femmes suivies en maison de naissance pendant leur grossesse et ayant un accouchement planifié dans ces structures. Les cas de 649 femmes ont ainsi été scrutés. La quasi-totalité d’entre elles (99 %) « respectaient les critères d'éligibilité », c’est-à-dire qu’elles ne présentaient pas de facteur de risque (obésité, antécédents familiaux ou chirurgicaux, grossesse gémellaire…).
Sur ces 649 femmes, 506 ont effectivement accouché dans une maison de naissance et « 143 ont été transférées et ont accouché dans les maternités partenaires (22 %) », précise l’étude. Ces transferts ont été réalisés pour des situations à risque de complications, comme la non-progression du travail (58 % des transferts), mais « sans urgence » dans plus de 85 % des cas. Ils étaient par ailleurs plus fréquents chez les primipares que chez les multipares (31 % contre 7 %).
Un faible taux d’intervention
En termes d’efficacité des soins, l’étude révèle un faible taux d’intervention : « moins de 3 % de rupture artificielle des membranes, moins de 2 % d’épisiotomies et 90,5 % d’accouchements par voie basse spontanée, 6,5 % par voie instrumentale et 3 % par césarienne », indiquent les auteures, précisant que, chez les femmes transférées, le taux de césarienne s’établit à 15 %. Le taux de réhospitalisation dans le mois suivant l’accouchement est de 0,4 %.
Parmi les complications maternelles, moins de 0,5 % de lésions sévères du périnée ont été observées et 1,4 % d’hémorragies sévères. La proportion de transfert maternel vers les maternités partenaires en post-partum était de 6 % avec « l’hémorragie du post-partum comme principal motif ».
Les complications néonatales étaient également peu fréquentes avec « 0,3 % d’enfants avec une mauvaise adaptation à la vie extra-utérine à 5 minutes de vie et 1,7 % d’enfants ayant nécessité des gestes de réanimation à la naissance ». Un décès néonatal a été identifié. « L’étude du contexte et les conclusions de la revue de morbi-mortalité n’indiquent pas de caractéristique qui aurait pu prédire ce décès », soulignent les auteures.
Seulement 6 % d’accouchement en position dorsale
Autre enseignement de cette étude, 94 % des femmes ayant accouché en maison de naissance ont adopté une position autre que dorsale : 31 % ont par exemple opté pour la position « à quatre pattes » et 28 % pour la position « accroupie/à genoux ». 31 % des femmes ont par ailleurs accouché dans l’eau.
Anne Chantry juge ces résultats « encourageants ». Elle estime notamment que les maisons de naissance « pourraient représenter une composante de la réponse à apporter pour stabiliser le taux de césarienne ». Avec ses collègues, elle émet néanmoins plusieurs préconisations.
Le groupe de recherche insiste ainsi sur la nécessité d’une étude comparative sur les femmes à bas risques ayant accouché en maisons de naissance versus en maternité. Il salue l’évaluation en cours sur les aspects médico-économiques, menée par la DGOS, et dont les résultats sont attendus pour la mi-décembre. Les chercheuses en appellent également aux sociétés savantes pour réfléchir à des recommandations pour la pratique clinique (RPC) sur les critères d’éligibilité des femmes et sur ceux de transferts des femmes et des nouveau-nés.
Des gynécologues favorables
Représentante du Collège National des Gynécologues Obstétriciens Français (CNGOF) au sein du comité scientifique qui a accompagné la réalisation de l’étude, le Pr Camille Le Ray, gynécologue-obstétricienne et épidémiologiste, salue le travail du groupe de recherche et sa nécessité. « Tant qu’il n’y a pas d’étude, on ne peut pas statuer », insiste le Pr Camille Le Ray.
Pour le Pr Israël Nisand, président du CNGOF, les résultats de cette étude ne sont pas surprenants : « l’expérimentation porte sur des grossesses à bas risques et on compte une sage-femme par parturiente. Toutes les conditions sont réunies pour que cela fonctionne ». Selon lui, cette expérimentation soulève par contre une question d’équité, dans un contexte de surcharge de travail dans les maternités des hôpitaux publics, où les conditions de prise en charge ne sont pas toujours optimales. « Toutes les femmes devraient pouvoir choisir un accouchement démédicalisé, poursuit-il. Pour cela, toutes les maternités devraient disposer de salles physiologiques d’accouchement ».
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