TRIBUNE
Le problème n'est pas de sauver les garçons, il faut explorer la manière dont familles, école et société projettent sur les «petits mâles» des rêves, des désirs ou des fantasmes qui influent sur leurs identités et leurs carrières.
Quelque chose ne tourne pas rond chez les garçons. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : au collège, ils représentent 80% des élèves sanctionnés tous motifs confondus, 92% des élèves sanctionnés pour des actes relevant d’atteinte aux biens et aux personnes, ou encore 86% des élèves des dispositifs Relais qui accueillent les jeunes entrés dans un processus de rejet de l’institution scolaire.
Tous ces garçons ont-ils des problèmes, des troubles du comportement et/ou de l’apprentissage ? Eh bien non, loin s’en faut. Des travaux récents (1) montrent que leurs transgressions et leurs difficultés scolaires sont, le plus souvent et quel que soit leur milieu social d’origine, des conduites liées à la construction même de leur identité masculine.
L'INJONCTION SOCIALE À LA VIRILITÉ
Très jeunes et surtout pendant les années de collège, période où la puberté vient sexuer toutes les relations, les garçons se retrouvent, en effet, pris entre deux systèmes normatifs. Le premier, véhiculé par l’école, prône les valeurs de calme, de sagesse, de travail, d’obéissance, de discrétion, vertus traditionnellement associées à la féminité. Le second, relayé par la communauté des pairs et la société civile, valorise les comportements virils et encourage les garçons à tout le contraire : enfreindre les règles, se montrer insolents, jouer les fumistes, monopoliser l’attention, l’espace, faire usage de leur force physique, s’afficher comme sexuellement dominants. Le but est de se démarquer hiérarchiquement, et à n’importe quel prix, de tout ce qui est assimilé au «féminin» y compris à l’intérieur de la catégorie «garçons», quitte à instrumentaliser l’orientation scolaire, l’appareil disciplinaire ou même la relation pédagogique (qui, ne l’oublions pas, est une relation sexuée). Cette injonction paradoxale traduit celle de nos sociétés contemporaines qui acceptent la coexistence du principe d’égalité entre les femmes et les hommes et d’une réalité fondée sur l’inégalité réelle entre les sexes, dans tous les champs du social.