Chaque mercredi, « M » rencontre une femme qui fait bouger les choses. Cette semaine, la comédienne Emmanuelle Laborit, sourde et militante de la langue des signes, qui remonte sur scène pour « chansigner » Nina Simone, Verdi, Peaches ou Bashung.
M le magazine du Monde | | Propos recueillis par Aurore Merchin
Révélée au grand public en 1993 quand elle reçut le Molière de la révélation théâtrale pour son rôle dans Les enfants du silence, la comédienne Emmanuelle Laborit, 45 ans, sourde de naissance, avait remercié en demandant à l’auditoire de faire le signe « unir ». Le droit à une éducation bilingue français-langue des signes – une langue qu’elle découvrit à 7 ans et qui lui permit de s’ouvrir au monde – n’avait été reconnu par la loi Fabius (du 18 janvier 1991) que deux ans plus tôt. Egalement auteure, metteuse en scène, Emmanuelle Laborit a repris en 2004 la direction de l’International Visual Theatre (IVT), lieu ressource de la « culture sourde », qui fête ses 40 ans du 9 au 13 mai. Elle évoque ce lieu de promotion de la langue des signes.
Vous invitez, en mai, le public à venir célébrer les 40 ans de l’International Visual Theatre, quelle est l’histoire de ce lieu ?
L’IVT est le lieu emblématique du « réveil sourd ». Il faut se rappeler que jusqu’en 1977, année de sa création, la langue des signes était interdite, depuis sa condamnation par des spécialistes lors du congrès de Milan en 1880 ! C’était honteux, dévalorisé, considéré comme un sous-langage. Le corps médical jugeait que ça allait nous rendre malades, nous ghettoïser. Les sourds devaient s’assimiler, entendre « la voix de Dieu » et « oraliser ».