Publié le 08 novembre 2022
François Héran Professeur au Collège de France
François Héran, professeur au Collège de France à la chaire Migrations et sociétés, rappelle, chiffres à l’appui, à quel point l’immigration est limitée, bien en deçà de la place qu’elle occupe dans l’espace public.
Le débat public sur l’immigration en France est en décalage complet par rapport aux réalités de base. De 2000 à 2020, selon les compilations de l’ONU, la part des immigrés dans la population mondiale a progressé de 62 %. Sans surprise, cette lame de fond touche aussi le continent européen : + 60 %. Les régions d’Europe qui ont connu les plus fortes hausses relatives de populations immigrées depuis l’an 2000 sont l’Europe du Sud (+ 181 %), les pays nordiques (+ 121 %), le Royaume-Uni et l’Irlande (+ 100 %), l’Allemagne et l’Autriche (+ 75 %), suivies du reste de l’Europe de l’Ouest (hors la France) : + 58 %. En revanche, la hausse est faible en Europe centrale ex-communiste (+ 12 %).
Dans ce tableau européen, la France occupe une position très inférieure à la moyenne : + 36 % d’immigrés en l’espace de vingt ans (avec ou sans l’outre-mer). Les immigrés représentent aujourd’hui chez nous 10,3 % de la population, selon l’Insee. La hausse a démarré en 2000, après la longue stagnation des années 1974-1999. Nicolas Sarkozy a freiné un peu la tendance, mais sans l’inverser. Elle a suivi son cours d’une présidence à l’autre. Il est donc absurde, comme on le lit çà et là, d’imputer la montée de l’immigration au dernier président : aucun d’entre eux n’a pu contrecarrer une évolution inscrite dans une dynamique mondiale.