Par Florence Rosier Publié le 7 novembre 2022
L’étude du cerveau de personnes autistes décédées montre une baisse de l’activité de certains gènes dans le cortex visuel et le cortex pariétal, qui traitent des informations sensorielles.
Les auteurs, de l’université de Californie à Los Angeles (UCLA), ont analysé 725 échantillons de tissus cérébraux prélevés après la mort de 112 personnes des deux sexes, âgées de 2 à 68 ans. Parmi ces individus, 49 avaient un diagnostic d’autisme et 54 sujets étaient indemnes de ces troubles (neurotypiques). Ils ont ensuite quantifié l’activité des gènes dans onze régions du cortex. Pour cela, ils ont séquencé les molécules d’ARN produites dans les cellules de ces diverses régions. Puis, ils ont comparé les deux groupes (autistes et neurotypiques), appariés selon l’âge et le sexe.
Jusqu’ici, on connaissait deux types de modifications de l’activité des gènes dans le cerveau des autistes. D’une part, une hausse de l’activité de certains gènes intervenant dans des cellules qui ne sont pas des neurones (des cellules non excitables électriquement, formant la glie) et dans des cellules mobilisées dans la réponse immunitaire. D’autre part, une baisse de l’activité des gènes intervenant dans la modulation du signal nerveux – au niveau des synapses, ces zones par lesquelles les neurones communiquent entre eux.
Comprendre les bases moléculaires des troubles
Ce nouveau travail confirme ces découvertes, mais révèle, en sus, que ces modifications concernent l’ensemble du cortex. Plus encore, les chutes les plus marquées de l’activité des gènes sont constatées dans le cortex visuel et dans le cortex pariétal, qui traite des informations comme le toucher, la douleur ou la température. Ce déficit expliquerait les troubles de la sensorialité, très fréquents chez les personnes autistes : une hypersensibilité, ou parfois une hyposensibilité. Tous les sens peuvent être concernés : la vue, l’audition, l’odorat, le toucher, mais aussi les sens proprioceptif et vestibulaire (impliqués dans la perception des mouvements et de la position de notre corps dans l’espace).
« Ces problèmes sensoriels ont longtemps été négligés chez les personnes autistes, relève le professeur Thomas Bourgeron, responsable du laboratoire Génétique humaine et fonctions cognitives à l’Institut Pasteur, à Paris. C’est pourtant ce dont elles se plaignent le plus au quotidien, davantage même que leurs difficultés dans les interactions sociales. »
L’étude, publiée dans Nature, suggère également « un lissage de la spécialisation des différentes régions du cortex chez les personnes autistes », souligne le professeur Richard Delorme, chef du service de pédopsychiatrie à l’hôpital Robert-Debré (AP-HP, Paris), « comme si ces régions perdaient de leur spécificité ». Ces résultats représentent « l’aboutissement de plus d’une décennie de travail », indique Daniel Geschwind, de l’UCLA, qui a coordonné l’étude. Richard Delorme, qui n’y a pas participé, salue cet « énorme travail », une « vraie tentative pour comprendre les bases moléculaires des troubles de ces personnes ».
« C’est un beau travail sur des cerveaux humains », estime également Thomas Bourgeron. Rares sont en effet, dans l’autisme, les analyses pratiquées sur des tissus cérébraux humains (et pour cause), la plupart des études étant menées sur des animaux. La limite de ce travail, ajoute-t-il cependant, tient au fait que les troubles du spectre autistique forment un éventail très hétérogène. Or, l’étude capture les données de 49 cerveaux « seulement ».
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