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mardi 8 novembre 2022

L’hôpital public doit être réhumanisé, selon le comité d’éthique

Par .  Publié le 7 novembre 2022

Dans un avis paru lundi, le conseil consultatif national d’éthique appelle à remettre le respect des personnes et l’écoute au cœur du soin, ainsi qu’à valoriser les métiers paramédicaux.

Une manifestation à Rennes, le 18 octobre 2022, à l’appel des syndicats CGT et FO pour réclamer une augmentation des salaires.

Replacer l’éthique au cœur du système de soins, c’est ce que propose le conseil consultatif national d’éthique (CCNE), dans un avis publié lundi 7 novembre et centré principalement sur la situation tendue de l’hôpital public qui est « le symptôme le plus saillant » de la crise que traverse le système de santé français. « La crise sanitaire du Covid-19 a mis en évidence et accéléré une crise plus profonde, antérieure, de notre système », souligne Régis Aubry, chef du service des soins palliatifs du CHU de Besançon et rapporteur de l’avis.

Alors que de nombreux rapports ont relevé des dysfonctionnements du système de santé français, cet avis ne manquera pas d’interpeller les soignants et parties prenantes du volet santé du Conseil national de la refondation (CNR) lancé le 3 octobre et dont les conclusions sont attendues en janvier 2023. Après un été sous tension à l’hôpital ayant poussé le gouvernement à organiser une « mission flash » pour trouver des solutions d’urgence, les chefs des services de réanimations pédiatriques ont tiré la sonnette d’alarme, à l’automne, sur les conditions de prise en charges détériorées des enfants.

Dans ce long rapport, les membres du CCNE – médecins, chercheurs et scientifiques sélectionnés en raison de leur compétence pour les problèmes d’éthique – dressent un constat sans concession des maux de l’hôpital public, « trop polarisé sur la dimension sanitaire au détriment de la santé publique et d’une approche globale des personnes », mettant en œuvre une gestion « dysfonctionnelle » basée sur la tarification à l’activité – la fameuse « T2A » – et survalorisant les actes techniques au détriment du temps consacré aux malades. « Le temps des soignants croise de moins en moins celui des malades », écrivent les auteurs.

Un système trop hiérarchisé et construit autour de la figure du médecin qui ne valorise pas les savoirs des autres soignants, en particulier des infirmières, infirmiers et sages-femmes. Plus globalement, le CCNE décrit un système cloisonné entre hôpital et médecine de ville, privé et public, sanitaire et médico-social… Et donc inadapté aux évolutions des besoins en matière de santé.

« Souffrance éthique »

« La valorisation des actes techniques a fait disparaître les actes qui consistent à écouter, passer du temps avec les patients. C’est pourquoi on aboutit aujourd’hui à la désertion des professionnels de santé », insiste Régis Aubry, mobilisant la notion de « souffrance éthique » développée par la professeure canadienne Lyse Langlois lors de son audition par le CCNE. Une souffrance rencontrée par de nombreux soignants, qui font face à « un décalage de plus en plus manifeste entre leurs pratiques, perçues comme déshumanisées, et les valeurs éthiques du soin ».

« La crise sanitaire du Covid-19 a révélé que la santé publique n’est pas qu’une affaire de soignants mais concerne toute la société », ajoute Annabel Desgrées du Loû, directrice de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), également rapporteuse de l’avis. Ce signal d’alerte pousse ainsi le CCNE à recommander trois directions.

Premièrement, assurer à tous les citoyens les conditions d’une vie en bonne santé en déployant des politiques de financement en direction des populations les plus défavorisées. Il s’agit des démarches d’« aller vers », révélées en 2021 au grand public lors de la campagne de vaccination contre le Covid-19, afin de toucher les personnes les plus éloignées du soin. Mais aussi, plus concrètement, en favorisant l’accès à la complémentaire santé solidaire ainsi que, pour les étrangers en situation irrégulière, l’accès à l’aide médicale de l’Etat.

En parallèle, le comité d’éthique appelle à sortir du cloisonnement actuel « en visant une véritable coordination entre l’hôpital et la médecine de ville ». Les auteurs proposent aussi d’importants investissements dans la médecine scolaire et universitaire, la protection maternelle et infantile et la médecine du travail.

« Ce coût va nécessiter un choix politique »

Deuxièmement, « redonner du sens aux métiers du soin ». C’est par la valorisation des échanges entre soignants et soignés mais aussi au sein des équipes que le CCNE espère « remettre le respect de la personne, pilier éthique du soin, comme valeur centrale ». Cela passe aussi par la mise en place de parcours de formations critiques dans les champs médical, paramédical et médico-social. Mais surtout, le CCNE insiste pour que les personnes au contact quotidien des patients (techniciens, aides-soignantes et soignants, infirmières et infirmiers), bénéficient de conditions de travail qui rendent ces métiers attractifs et « témoignent de la reconnaissance par la société de la valeur de ce travail et de la dimension relationnelle du soin ».

Salaires, qualité de vie au travail, nombre de postes par service et perspectives d’évolution de carrière font partie des voies à explorer. « Ce coût va nécessiter un choix politique, c’est pourquoi il est important que le CCNE participe au Conseil national de la refondation », souligne Régis Aubry, nommé garant du CNR au nom du CCNE.

Enfin, les auteurs invitent à développer la démocratie en santé, en renforçant les dynamiques participatives ainsi que l’autonomie de pratiques et d’organisation des structures sanitaires et médico-sociales. En parallèle du Conseil national de la refondation, le CCNE appelle également à l’organisation d’états généraux pour une éthique de la santé publique. La loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique donne en effet au comité d’éthique le pouvoir d’organiser des « états généraux » avant tout projet de réforme sur des questions éthiques ou de société.

Cet avis n’est qu’une première contribution aux débats actuels sur la réforme de la santé. Dans les prochains mois, le CCNE consacrera de nouveaux travaux aux établissements médico-sociaux, au développement de la santé publique et de la prévention, ainsi qu’à la promotion de la santé. « L’éthique n’est pas la cerise sur le gâteau, c’est ce qui peut donner du sens aux pratiques ; elle devrait être à la base du système de santé », insiste Régis Aubry.


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