On raconte qu’en prison Jacques Mesrine raillait ses surveillants : «Moi, au moins, je sortirai un jour ; vous, vous y resterez toute votre vie.» Pour intervenir souvent, ces temps-ci, avec l’auteur Bruno Le Dantec, au centre pénitentiaire des Baumettes (comme trois autres duos d’auteurs et de traducteurs engagés dans le projet «Histoires vraies du dedans» auprès de détenus de la Valentine, de Luynes et du Pontet), je vois bien ce que le métier de surveillant doit avoir d’éprouvant. La prison plombe. La prison broie. Ceux qu’elle renferme. Ceux qui la gardent.
Un certain discours s’est complu, ces dernières semaines, à pointer du doigt la «dangerosité» des détenus. Comme si les plus de 70 000 détenus actuellement incarcérés en France (chiffre en hausse chez nous, alors qu’il baisse partout en Europe) étaient tous des fauves prêts à sauter à la gorge du premier agent. Comme si la déprime qui ronge les prisons ne tenait pas d’abord à l’institution elle-même, à son échec maintes fois constaté, au taux de récidive des sortants, à sa fascinante faculté de produire de l’amertume.