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mardi 6 février 2018

Psychiatrie : des voix dissonantes contre le plan d’Agnès Buzyn


Paris, le mardi 6 décembre 2018 - A l’ occasion du congrès de l’Encéphale, le ministre de la santé a présenté, le 26 janvier dernier, son plan pour la psychiatrie.  

Agnès Buzyn, comme nous l’avons détaillé dans ces colonnes, a ainsi proposé, notamment,  un stage obligatoire de psychiatrie pour les médecins généralistes, un renforcement des moyens de la recherche, la modification des modes de financement des secteurs et le renforcement des effectifs de pédopsychiatrie universitaire. 

Si ces mesures ont semble-t-il étaient bien accueillies, notamment par le Syndicat des psychiatres des hôpitaux, certains praticiens demeurent circonspects et revendicatifs. Quid des secteurs et de l’hyperspécialisation ?


Ainsi, le docteur Pierre Micheletti, psychiatre hospitalo-universitaire à Grenoble, s’étonne, dans une tribune parue dans le journal Le Monde, de l’absence de mesures fortes visant à reformer profondément les secteurs et rappelle « la sectorisation s’est mise en place sans véritables outils d’aménagement du territoire. Le découpage géographique avait consisté à répartir les moyens de l’époque sur des critères simples : un secteur « adultes » pour 70 000 habitants, un secteur de « psychiatrie infanto-juvénile » pour 150 000 enfants. En raison de l’absence d’outils satisfaisants pour suivre les évolutions et décider des nécessaires adaptations, la taille des populations prises en charge par un secteur peut varier dans un rapport de 1 à 15 ! ». 

Il déplore aussi l’absence de propositions visant à enrayer l’hyperspécialisation, l’une des causes, selon lui, des difficultés. Il explique ainsi : « là où la discipline avait longtemps organisé une ligne de partage entre les adultes et les enfants, apparaissent de nouvelles nosographies qui structurent des pratiques spécifiques (gérontopsychiatrie, troubles envahissants du développement, troubles des conduites alimentaires, addictions, réhabilitation…). Ces nouvelles pratiques du métier de psychiatre détournent bon nombre de jeunes diplômés du travail de « soutier » de la psychiatrie territorialisée et aggravent, chemin faisant, sa perte d’attractivité : la moyenne d’âge de la profession, véritable bombe à retardement,  est de plus de 52 ans… ». 

Dans la continuité de ce qu’il ne faut pas faire !

Même son de cloche dissonant du côté de l’Union Syndicale de la Psychiatrie (USP) qui regrette en préambule que le ministre s’inscrive dans la « continuité de ses prédécesseurs».

Elle dénonce en outre la future mise en place d’une « consultation complexe de pédopsychiatrie pour les généralistes » qui consiste selon l’organisation à pallier le manque de pédopsychiatres « avec des médecins généralistes formés à la va-vite ». De même, selon l’USP, l’obligation faite aux futurs médecins généralistes de suivre un stage en psychiatrie favoriserait la prolifération d’internes démotivés dans les services.   

L’USP pointe également les ambitions comptables et la poursuite d’un « management autoritaire (…) étranger à la pratique clinique dont un des deniers avatars est la mise en place des GHT dont l’importance est réaffirmée par la ministre ». Aussi, concernant le budget qu’Agnès Buzyn a promis de préserver, le syndicat rappelle que les professionnels souhaitent  des dotations nettement augmentées, pour faire face aux besoins. 

Le communiqué du syndicat fustige également la proposition ministérielle que soit saisie la Haute autorité de santé pour « élaborer des recommandations de bonnes pratiques professionnelles et des indicateurs de la qualité des soins en psychiatrie et en santé mentale »…alors qu’il considère comme nulles et non avenues, les recommandations précédentes de l’organisme en la matière (packing, psychotérapie…). 

Quant à la réduction de l’isolement et de la contention, le syndicat souligne qu’elle passera par « une pratique clinique renouvelée, par des équipes de soins reconstituées et pas par des injonctions bureaucratiques » ! 

Sans évoquer l’intégralité des nombreux points d’achoppement soulevés par l’USP, redonnons, pour conclure, la parole au docteur Pierre Micheletti qui renvoie le ministre à ses chères études : « cet enjeu global renvoie à la nécessité de décisions politiques d’envergure nationale. En 2017, réunis pour, déjà, attirer l’attention des pouvoirs publics, les principaux acteurs, y compris les représentants des usagers, ont formulé des demandes claires, dans un document intitulé « Le consensus de Blois ». Il est à la disposition de la ministre de la santé… ».

Frédéric Haroche

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