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jeudi 8 février 2018

Surpopulation, dégradation de la santé des détenus, soignants trop peu nombreux... Un rapport dénonce l'état des prisons

Coline Garré
| 07.02.2018



prison
Crédit Photo : AFP

Les droits fondamentaux des prisonniers, et notamment le droit à un accès aux soins de santé équivalent à celui proposé dans le reste de la société, sont bafoués dans les établissements pénitentiaires à cause de la surpopulation carcérale, dénonce Adeline Hazan, Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), dans un rapport thématique publié ce 7 février.
Au 1er janvier 2018, 68 974 personnes étaient incarcérées en France pour 59 765 places, une population en constante augmentation. La surpopulation concerne majoritairement les maisons d'arrêt pour hommes (taux d'occupation global de 136,5 %), surtout en Ile-de-France, dans le Sud, et en Outre-mer. Et rien ne semble pouvoir la résorber, ni le doublement des places en 30 ans, ni le développement d'alternatives à l'emprisonnement, s'inquiète le CGLPL.

La surpopulation contribue à la dégradation de la santé des personnes incarcérées, d'abord en rendant indignes les conditions de détention (ce que mettent en lumière les photos du contrôleur général). Moins de 20 % des détenus ont une cellule individuelle ; nombreux sont ceux qui doivent dormir à même un matelas au sol. L'intimité est inexistante. L'atteinte la plus fréquemment évoquée est relative aux toilettes en cellule, peu isolées, sources d'humiliation.
Les conditions matérielles (sols, fenêtres, mobilier, douche) se dégradent sous la densité de la population, et les conditions d'hygiène sont déplorables. « Les conséquences de la saturation des cellules sur la santé physique et mentale des personnes détenues sont encore aggravées par les difficultés d'accéder effectivement à des sorties à l'air libre », lit-on, en raison de la taille insuffisante des cours de promenade.
Stress supplémentaire pour le personnel médical
La surpopulation entraîne une augmentation des besoins de prise en charge sanitaire à laquelle ne peuvent répondre des professionnels trop peu nombreux, a fortiori pour les consultations spécialisées. Conséquence, les délais d'attente s'allongent, les extractions médicales, qui mobilisent du personnel pénitentiaire pendant plusieurs heures, se multiplient…
Les conditions matérielles des unités sanitaires, inadaptées pour un tel flux, aggravent la situation.
Contraints d'accélérer la cadence de leurs consultations, les soignants sont confrontés à un stress supplémentaire, et redoutent « de passer à côté de quelque chose ». Les traitements sont parfois donnés « au pas de course ». L'organisation des activités d'éducation à la santé est trop chronophage dans de nombreux établissements, souligne le CGLPL.
Le rapport documente également les conséquences de la surpopulation sur l'insécurité, les violences, et les tensions, la difficulté de maintenir les liens avec les proches et les avocats, et l'accès aux activités et à l'accompagnement social qui devraient permettre la réinsertion.
« La surpopulation carcérale a des conséquences sur l'ensemble du fonctionnement des établissements. Elle affecte inévitablement l'ensemble des droits fondamentaux des personnes détenues », résume le CGLPL.
Des alternatives à l'emprisonnement pour troubles psy, âge, et fin de vie
La France est l'un des rares pays européens dont la population pénale continue d'augmenter, déplore le CGLPL qui appelle à une réforme profonde de la politique pénale, ne pouvant se résumer à la construction de nouvelles places ou à des transferts de détenus d'établissements surpeuplés à d'autres qui le sont moins.
Le CGLPL émet plusieurs recommandations pour engager la déflation carcérale : assurer l'encellulement individuel, revoir le calcul de la capacité des établissements, produire des statistiques précises sur la composition de la population pénale, faire de la lutte contre la surpopulation une politique publique (et pas seulement pénitentiaire), mettre fin à un recours excessif à la peine d'emprisonnement, et dans ce cadre, orienter les personnes souffrant de troubles mentaux, les personnes âgées, et en fin de vie, vers des mesures alternatives, réfléchir au fonctionnement des juridictions pénales (rénover la comparution immédiate), et instaurer un mécanisme national de régulation carcérale.

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