L'équipe du Pr Hélène Amieva (épidémiologiste l'université de Bordeaux et directrice de l'unité INSERM psychoépidémiologie du vieillissement et des maladies chroniques) avait déjà montré dans une étude publiée en 2015, que les personnes de plus de 65 ans avec une perte auditive connaissaient un déclin cognitif accéléré. Il s'agissait d'une étude épidémiologique auprès de la cohorte Paquid, 3 777 personnes de 65 et plus vivant en Gironde ou en Dordogne, représentative de la population générale, suivie sur 25 ans. Le score au mini mental state examination (MMSE) était significativement moindre (-1,5 point) pour les personnes avec perte, et non appareillées, que pour les personnes sans troubles auditifs. En revanche, les personnes appareillées avaient des résultats semblables au groupe contrôle. « Ces résultats nous ont conduits à nous demander si la perte d'audition avait un impact au-delà de la cognition », explique au « Quotidien » le Pr Amieva.
Cette deuxième étude, publiée dans « Journals of gerontology » à partir des données de la cohorte Paquid, mesure l'impact de la perte auditive (déclarée) à d'autres conséquences du vieillissement : la dépression (qui touche 20 % des âgés), la démence (10 % des plus de 65 ans, 20 % des plus de 80 ans), la dépendance et le décès.
Risque majoré de 17 % de démence
Les résultats attestent d'un surrisque de 22 % pour les personnes avec troubles auditifs non appareillées de développer une démence, par rapport aux sujets sans perte auditive, d'un risque majoré de 17 % de verser dans la dépendance dans les activités instrumentales, d'un surrisque de 33 % de dépendance dans les activités basiques, et d'un risque majoré de dépression de 43 % chez les hommes. En revanche, aucun surrisque significatif pour les trois items n'a été démontré chez les sujets appareillés.
Ni le déficit auditif ni l'appareillage n'ont d'effet sur le décès.
Ces résultats, qui pourraient être confortés par un essai clinique randomisé, plaident pour un appareillage des sujets avec perte auditive, conclut l'étude, présentée ce 7 février lors d'une conférence de presse organisée par le Syndicat national des audioprothésistes (UNSAF).
Reste à charge de près de 1 000 euros
Or, en France, si deux millions de personnes portent un appareil, un million renoncent à s'équiper, notamment à cause du reste à charge, qui s'élève à 958 euros pour une oreille (l'audioprothèse coûte 1 535 euros en moyenne, la Sécu rembourse 120 euros, et les complémentaires, en moyenne 457 euros). Les experts estiment qu'au moins 650 000 personnes supplémentaires pourraient être appareillées.
D'un point de vue économique, le remboursement intégral des audioprothèses coûterait moins cher à l'Assurance-maladie et aux départements que la prise en charge des démences et de la dépendance, ont calculé les économistes de la santé Jean de Kervasdoué et Laurence Hartmann. « Chaque euro investi dans les soins auditifs permettrait de générer 10 euros gagnés pour la société grâce aux gains en qualité de vie », assurent-ils.
L'UNSAF, qui participe aux discussions autour du reste à charge zéro avec l'Assurance-maladie et les complémentaires, plaide pour une amélioration de la prise en charge obligatoire de l'audioprothèse, et la mise en place de forfaits afin de garantir un suivi des patients.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire