Psychiatrie. Une attaque au couteau et au marteau a fait le soir du samedi 2 décembre à Paris deux blessés et un mort. L’assaillant, ex-détenu suivi pour des troubles psychiatriques, avait arrêté son traitement médicamenteux en mars 2022.
Dans une manœuvre politique coutumière, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a imputé la responsabilité de cette attaque aux psychiatres de l’assaillant, parlant de « ratage psychiatrique » et déclarant : « Les médecins, à plusieurs reprises, ont considéré qu’il allait mieux et qu’il pouvait vivre, si j’ose dire, librement ». L’opprobre jeté par Darmanin sur les professionnels de santé n’a pas manqué de faire réagir. Bernard Granger, professeur de psychiatrie à l’université Paris Cité, a déclaré « parler d’un raté de la psychiatrie, c’est une attaque assez grossière contre notre profession, déjà maltraitée ».
En effet, si « ratage » il y a eu, c’est celui du gouvernement qui laisse dépérir l’institution psychiatrique à bout de souffle dans notre pays. C’est ce même gouvernement qui ne donne pour seul horizon que des coupes budgétaires et qui reste inaudible face aux grèves des psychiatres dont la dernière en date était il y a à peine quatre mois.
La France est le pays qui prescrit le plus de psychotropes dans le monde. 30% des postes en psychiatrie ne sont pas pourvus dans les hôpitaux publics. 60% des lits dans les services psychiatriques ont fermé entre 1976 et 2016. On estime à un quart le nombre d’établissements ayant fermé jusqu’à 30 % de leurs capacités d’accueil après la pandémie du Covid-19.
Dans cette crise que subit la psychiatrie, le soin des psychiatrisés est majoritairement réalisé dans l’urgence et en flux tendu, laissant peu de temps et de ressources au personnel pour s’occuper des cas dangereux comme celui de l’assaillant du 2 décembre. S’il est une leçon à tirer du drame de Bir Hakeim, c’est celle de la nécessité de pallier le délabrement du système psychiatrique pour éviter que ce type de tragédie se reproduise. Notre article.
La sectorisation : un modèle de soins ambitieux et une application défaillante
Pour mieux comprendre la crise structurelle que subit la psychiatrie depuis des années, il faut saisir son organisation particulière basée sur la sectorisation. Ce dispositif consiste à soigner les personnes en ambulatoire au plus près de leurs domiciles dans des structures dédiées (centres médico-psychologiques ou centres d’accueil thérapeutiques à temps partiel par exemple). Issue de la circulaire du 15 mars 1960, cette organisation de la psychiatrie dite sectorielle était perçue comme une petite révolution humaniste dans la prise en charge des patients.
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