par Julie Brafman publié le 12 décembre 2023
Dans son box, Monique Olivier offre chaque jour, depuis fin novembre, le même visage impassible et fatigué. Jugée pour complicité dans les disparitions de Marie-Angèle Domèce, 18 ans, Johanna Parrish, 20 ans, et Estelle Mouzin, 9 ans, la septuagénaire suit attentivement les débats, tentant parfois de s’émouvoir. Sans y parvenir. Tout glisse sur la cage de verre : les crimes, les questions, les suppliques, l’horreur. L’accusée semble si loin que les jurés attendaient certainement avec impatience l’avis des professionnels. C’est peu dire que ce mardi 12 décembre la cour d’assises des Hauts-de-Seine s’est muée en symposium : l’accusée a-t-elle conscience du bien et du mal ? A-t-elle une personnalité perverse ou soumise ? A-t-elle joui des crimes perpétrés Michel Fourniret ? Ou bien n’a-t-elle vraiment rien «entre les deux oreilles», comme persiflait ce dernier ? Pourquoi ne l’a-t-elle jamais quittée durant seize ans alors même qu’il ne la menaçait pas ? Est-elle encore sous son influence ?
«Esthétique de la perversité»
Une kyrielle d’experts a examiné l’accusée depuis son arrestation en Belgique, en 2004. La plupart ont déjà témoigné en 2008 lors du grand procès de Charleville-Mézières, où le couple criminel était jugé pour une série de viols et de meurtres. Les revoici à la barre, avec les mêmes contradictions. Ils sont juste d’accord sur une chose : c’est une «personnalité complexe». Ils lui ont fait passer des tests de QI aux résultats antagonistes (elle a tantôt obtenu 95, légèrement en dessous de la norme, tantôt de 132, soit bien au-dessus), l’ont aussi soumise à des «échelles verbales» et «échelles performances», à des «tests de frustration» et de «taches d’encre». Ils ont traqué ses «vibrations émotionnelles» et repassé le film de sa vie.
La petite fille qui n’intéressait aucun de ses parents, l’un absent, l’autre alcoolique. L’adolescente qui n’avait pas beaucoup d’amis, ne lisait pas de livres et se rêvait archéologue ou médecin. Et puis «la rencontre déterminante». A 20 ans, Monique Olivier est en transit dans l’est de la France. Sur le quai de la gare, elle croise un jeune militaire et le suit à l’hôtel. C’est avec lui qu’elle fait l’amour pour la première fois. Aujourd’hui encore, elle ne sait si c’est parce qu’elle a été flattée que cet homme la regarde ou si elle a été contrainte de céder à cet inconnu.
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