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lundi 18 décembre 2023

Allaitement contrarié et risque de dépression post-natale : les enseignements de la pandémie

Publié le 13/12/2023

La dépression du post-partum (DPP) survient généralement deux à huit semaines après l’accouchement. Elle affecte la santé mentale de la femme et sa qualité de vie, mais aussi le développement de l’enfant. Une revue systématique récente menée en période pré-covid 19, d’après des données recueillies dans 80 pays, révèle une prévalence de la DPP de 17,22 %, avec de grandes variations selon les pays, allant de 6,48 % au Danemark ou 21,5 % au Royaume-Uni, jusqu’à 69,93 % en Afghanistan. De nombreux facteurs peuvent en être à l’origine.

La pandémie de Covid-19 a nécessité la mise en place de mesures de distanciation et le confinement, et les enquêtes réalisées par la suite ont montré une augmentation de la prévalence de la DPP. Entre autres perturbations, ces mesures ont entrainé des changements dans les projets d’allaitement, avec à la fois des éléments positifs (la possibilité de passer plus de temps à la maison, l’augmentation de la durée d’allaitement), et des éléments négatifs (arrêt plus précoce de l’allaitement, absence de soutien de la part des professionnels et de la famille). Or l’allaitement pourrait être un facteur protecteur contre la DPP, et inversement, la DPP est un élément prédictif d’arrêt prématuré de l’allaitement.

Une étude dans 5 pays

Une étude a été réalisée dans 5 pays, pour évaluer les liens entre les intentions d’allaitement et la pratique de l’allaitement, et la DPP, en considérant l’impact des mesures contre la Covid-19 sur l’expérience de l’allaitement en période de pandémie. Plus de 3 200 femmes ont répondu à une enquête en ligne entre juillet et novembre 2021.

L’analyse des données met d’abord en évidence un élément qui pourrait être valable en dehors de période de pandémie. Il apparaît en effet que celles qui, pendant leur grossesse, avaient pris la décision d’allaiter et s’y sont tenues, ont un risque de DPP plus faible (OR 0,65 ; [95 % CI 0,49 à 0,86]). En revanche, celles qui n’avaient pas cette intention mais ont quand même allaité ont un risque accru de DPP (OR 1,75 [1,29 à 2,36]).

En ce qui concerne l’impact de la pandémie, les femmes qui ont allaité moins longtemps que ce qu’elles avaient envisagé ont un risque plus élevé de DPP que celles qui ont allaité plus longtemps que prévu (1,55 ; [1,13 à 2,14]), après ajustement pour les facteurs socio-démographiques, obstétriques, médicaux ou de soutien.

Ces constats sont sensiblement identiques aux résultats d’enquêtes réalisées en période pré-pandémique. Il avait déjà été démontré que les femmes dont l’allaitement correspond aux attentes ont un taux de symptômes dépressifs postnataux inférieurs à celles chez lesquelles on ne constate pas cette correspondance. Si cette étude ne permet pas d’établir de relation de cause à effet, elle montre toutefois l’importance d’aider les patientes à se conformer à leur plan d’allaitement, ainsi que de les soutenir quand ces plans sont modifiés. Notons aussi le risque plus élevé de DPP quand la femme allaite alors que ce n’était pas son intention initiale, illustrant aussi la nécessité d’un soutien dans ce cas de figure.

Travailler pendant la grossesse avec les femmes sur leur intention d’allaiter apparaît donc très important, pour la prévention de la DPP, tout autant qu’une meilleure identification des besoins pour celles qui semblent les plus à risque de DPP.

Dr Roseline Péluchon

RÉFÉRENCE
Chang YS, et coll. Associations between breastfeeding intention, breastfeeding practices and post-natal depression during the COVID-19 pandemic: A multi-country cross-sectional study. Matern Child Nutr. 2023 Jan;19(1):e13450.

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