Le Medef reconnaît que l'organisation du travail peut aboutir au harcèlement
29.03.10
La négociation sur "le harcèlement et la violence au travail" s'est achevée, vendredi 26 mars au siège du Medef à Paris, par un projet d'accord qui pourrait être signé par l'ensemble des organisations patronales et syndicales. A l'issue de cette ultime séance, les représentants des cinq confédérations (CGT, CFDT, FO, CFTC et CFE-CGC), qui doivent encore consulter leurs instances, ont émis un "avis positif" sur le texte qui comporte sept articles et vient "compléter la démarche initiée par l'accord national interprofessionnel du 2 juillet 2008 sur le stress au travail".
Il s'agit en fait de la reprise, nécessaire, d'un accord-cadre européen sur le même sujet qui date, lui, de 2007. Ces questions ont occupé le devant de la scène sociale et médiatique, notamment en raison de la multiplication des suicides chez France Télécom à la fin de l'année 2009. Syndicats et patronat ont alors multiplié, depuis le mois d'octobre 2009, les réunions pour finir par ce projet d'accord.
Les principaux points de blocage ont été levés in extremis, en particulier par l'acceptation par le Medef de la prise en compte de l'organisation du travail et du management dans les possibles causes de violence et de harcèlement.
Le texte indique que "l'employeur, en concertation avec les salariés ou leurs représentants, procédera à l'examen des situations de harcèlement et de violence au travail (...), y compris au regard de l'ensemble des éléments de l'environnement de travail : comportements individuels, modes de management, relations avec la clientèle, mode de fonctionnement de l'entreprise"...
L'enjeu était principalement là. A l'issue de la réunion, le responsable de la négociation pour le camp patronal, Benoît Roger-Vasselin, vantait un "accord équilibré", le "pas en avant des organisations syndicales" et tenait à rappeler son souhait que "l'organisation de l'entreprise ne soit pas elle-même en cause, puisque le dysfonctionnement peut ne relever que d'un service tandis que les autres fonctionnent normalement, ce qui prouve l'origine individuelle du harcèlement".
Stress et agressions
Le projet d'accord indique que "les phénomènes de stress lorsqu'ils découlent de facteurs tenant à l'organisation du travail, l'environnement de travail ou une mauvaise communication dans l'entreprise peuvent conduire à des situations de harcèlement et de violence au travail plus difficiles à identifier".
Sont aussi présentées les violences entre collègues, les relations avec le public, "les incivilités contribuant à la dégradation des conditions de travail (...) ". Les violences peuvent prendre la forme d'agression verbale, d'agression comportementale, notamment sexiste, d'agression physique... "5 % des viols et 25 % des faits de harcèlement sexuel ont lieu sur le lieu de travail", rappelle ainsi Jean-Louis Malys (CFDT).
Pour les syndicats, ce projet d'accord - qui intervient dans le cadre d'une prise de conscience globale sur les conditions de travail, avec l'accord déjà signé sur le stress, le plan ministériel santé au travail ou les négociations sur la médecine du travail - représente un point d'appui supplémentaire pour les salariés. "L'essentiel est que le patronat ait été obligé de reconnaître que l'organisation du travail et le management étaient quasi systématiquement en cause", souligne Alain Alphon-Layre (CGT), tout en reconnaissant que les organisations syndicales ont négligé longtemps ce dossier : "On s'occupait plus des salaires, on était plus sur le cadre collectif que sur le travail lui-même et l'individu", dit-il.
Les syndicats regrettent toutefois que ce futur accord n'ait pas d'aspect normatif. Le patronat s'y est refusé, préférant se contenter d'insister "sur le rôle fondamental que doivent jouer les branches professionnelles en la matière". Dans deux ans, prévoient les partenaires sociaux, ils se réuniront pour "évaluer la mise en oeuvre de l'accord à tous les niveaux".
Rémi Barroux