Les médecins soumis au secret professionnel même pour une expertise sur les conditions de travail
29.10.10
Les médecins qui interviennent en entreprise pour le compte de cabinets d'expertise en conditions de travail agissent-ils en tant médecins, et donc soumis au secret professionnel, ou bien comme consultants ? La chambre disciplinaire d'Ile-de-France du Conseil de l'ordre des médecins vient d'y répondre par une sévère mise au point : le 21 octobre, il a prononcé un blâme pour violation du secret professionnel à l'encontre Stéphanie Palazzi, médecin psychiatre collaborant avec le cabinet Technologia, selon l'information révélée par le site Santé & travail.
Lors de l'audience devant le Conseil de l'ordre, Mme Palazzi avait affirmé qu'elle avait agi en tant que collaboratrice d'un cabinet et non comme médecin. La chambre disciplinaire a jugé le contraire. L'intéressée indique qu'elle "réfléchit à l'éventualité de faire appel" de cette sanction.
Après une série de suicides au Technocentre de Renault, à Guyancourt (Yvelines), le constructeur automobile et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) avaient commandé à Technologia une expertise globale sur les risques psychosociaux. L'un des volets consistait à faire une "autopsie psychique" de M. B., ingénieur au Technocentre, qui s'était donné la mort le 20 octobre 2006 sur son lieu de travail.
Pour mener cette "analyse du suicide", comme l'appelle Mme Palazzi, celle-ci avait mené des entretiens avec la famille et l'entourage du salarié pour tenter de cerner son profil psychologique et les causes de son geste. Elle avait exposé ses résultats oralement devant les commanditaires puis les proches et les collègues de M. B. (Le Monde du 9 novembre 2009). Ce processus avait ensuite été appliqué à deux autres cas de suicide.
Selon la décision du Conseil de l'ordre, que Le Monde a consultée, Mme Palazzi a fait des comptes-rendus oraux "en mentionnant les noms des personnes" qui s'étaient suicidées et en "décrivant pour chacune d'elle le contexte psychologique de vie personnelle et professionnelle dans lequel s'est situé le suicide".
VALEUR "PÉDAGOGIQUE"
Or, ces informations s'appuyaient sur des entretiens obtenus "dans des conditions indissociables de sa qualité de médecin". Elle a donc "méconnu son obligation de respect du secret professionnel", même si l'exposé a été présenté oralement et à "titre confidentiel".
Mme Palazzi admet, aujourd'hui, avoir "fait une erreur". Mais, dit-elle, "je ne me suis pas lancée dans ces travaux sans me poser de questions". Elle indique avoir, au préalable, interrogé le Conseil de l'ordre sur son rôle dans le cadre d'une "analyse de suicide" pour le compte d'un cabinet d'expertise.
"On m'a répondu qu'un médecin peut être expert auprès d'un CHSCT, à condition que le cabinet soit agréé" par le ministère du travail, ce qui est le cas de Technologia. Elle en a conclut que ses travaux n'étaient pas soumis au secret professionnel car "dans ce cas contraire, une telle expertise n'a pas d'utilité, dit-elle. C'est là où je me suis trompée."
Pour le Syndicat national des professionnels de la santé au travail (SNPST), cette affaire a une valeur "pédagogique". "Cette sanction rappelle à tous les médecins qui mènent des investigations dans les entreprises qu'ils n'échappent pas à la déontologie médicale et en premier lieu, au secret professionnel", souligne Mireille Chevalier, la secrétaire générale du SNPST.
Un rappel utile au moment où de plus en plus de médecins interviennent dans des expertises et où certains médecins du travail sont pressés par des directions de leur divulguer des informations sur des salariés qui se sont confiés à eux.
Francine Aizicovici
29.10.10
Les médecins qui interviennent en entreprise pour le compte de cabinets d'expertise en conditions de travail agissent-ils en tant médecins, et donc soumis au secret professionnel, ou bien comme consultants ? La chambre disciplinaire d'Ile-de-France du Conseil de l'ordre des médecins vient d'y répondre par une sévère mise au point : le 21 octobre, il a prononcé un blâme pour violation du secret professionnel à l'encontre Stéphanie Palazzi, médecin psychiatre collaborant avec le cabinet Technologia, selon l'information révélée par le site Santé & travail.
Lors de l'audience devant le Conseil de l'ordre, Mme Palazzi avait affirmé qu'elle avait agi en tant que collaboratrice d'un cabinet et non comme médecin. La chambre disciplinaire a jugé le contraire. L'intéressée indique qu'elle "réfléchit à l'éventualité de faire appel" de cette sanction.
Après une série de suicides au Technocentre de Renault, à Guyancourt (Yvelines), le constructeur automobile et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) avaient commandé à Technologia une expertise globale sur les risques psychosociaux. L'un des volets consistait à faire une "autopsie psychique" de M. B., ingénieur au Technocentre, qui s'était donné la mort le 20 octobre 2006 sur son lieu de travail.
Pour mener cette "analyse du suicide", comme l'appelle Mme Palazzi, celle-ci avait mené des entretiens avec la famille et l'entourage du salarié pour tenter de cerner son profil psychologique et les causes de son geste. Elle avait exposé ses résultats oralement devant les commanditaires puis les proches et les collègues de M. B. (Le Monde du 9 novembre 2009). Ce processus avait ensuite été appliqué à deux autres cas de suicide.
Selon la décision du Conseil de l'ordre, que Le Monde a consultée, Mme Palazzi a fait des comptes-rendus oraux "en mentionnant les noms des personnes" qui s'étaient suicidées et en "décrivant pour chacune d'elle le contexte psychologique de vie personnelle et professionnelle dans lequel s'est situé le suicide".
VALEUR "PÉDAGOGIQUE"
Or, ces informations s'appuyaient sur des entretiens obtenus "dans des conditions indissociables de sa qualité de médecin". Elle a donc "méconnu son obligation de respect du secret professionnel", même si l'exposé a été présenté oralement et à "titre confidentiel".
Mme Palazzi admet, aujourd'hui, avoir "fait une erreur". Mais, dit-elle, "je ne me suis pas lancée dans ces travaux sans me poser de questions". Elle indique avoir, au préalable, interrogé le Conseil de l'ordre sur son rôle dans le cadre d'une "analyse de suicide" pour le compte d'un cabinet d'expertise.
"On m'a répondu qu'un médecin peut être expert auprès d'un CHSCT, à condition que le cabinet soit agréé" par le ministère du travail, ce qui est le cas de Technologia. Elle en a conclut que ses travaux n'étaient pas soumis au secret professionnel car "dans ce cas contraire, une telle expertise n'a pas d'utilité, dit-elle. C'est là où je me suis trompée."
Pour le Syndicat national des professionnels de la santé au travail (SNPST), cette affaire a une valeur "pédagogique". "Cette sanction rappelle à tous les médecins qui mènent des investigations dans les entreprises qu'ils n'échappent pas à la déontologie médicale et en premier lieu, au secret professionnel", souligne Mireille Chevalier, la secrétaire générale du SNPST.
Un rappel utile au moment où de plus en plus de médecins interviennent dans des expertises et où certains médecins du travail sont pressés par des directions de leur divulguer des informations sur des salariés qui se sont confiés à eux.
Francine Aizicovici
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire