Alors que les taux de suicides ont globalement diminué dans les pays occidentaux depuis une dizaine d’années, ce n’est le cas ni pour les adolescents ni les jeunes adultes. Chez les 15 à 29 ans, le suicide fait en effet partie des principales causes de décès. L’identification des facteurs de risque est d’une grande importance qui peut avoir des implications majeures pour la mise en place de futures actions de prévention.
Certains facteurs ont été reconnus comme étant en lien avec le risque de tentatives de suicide ou d’idées suicidaires durant l’adolescence. Il s’agit notamment d’expériences négatives de l’enfance, comme les abus sexuels ou les négligences, une famille dysfonctionnelle, etc. Mais jusqu’à présent, aucune étude n’a clairement démontré le lien entre le cumul de plusieurs situations de souffrance pendant l’enfance et le décès par suicide des adolescents et jeunes adultes. Certains indicateurs sont déjà identifiés, pouvant alerter sur une éventuelle souffrance de l’enfant : décès familial, abus parental de substances, pathologie psychiatrique ou criminalité parentale, séparation, instabilité du lieu de résidence, intervention de l’assistance publique.
Des indicateurs qui doublent le risque de suicide
Une équipe suédoise a réalisé une étude de cohorte incluant plus de 548 mille enfants nés entre 1987 et 1991. Les auteurs ont examiné la relation entre le décès par suicide parmi ces enfants à l’âge de 15-24 ans et la présence de l’un ou plusieurs des indicateurs.
Quatre enfants sur 10 de la cohorte considérée ont été exposés à au moins l’un des indicateurs, le plus souvent la séparation parentale (29 %) et le fait que le foyer reçoive des aides publiques (20 %). Pendant le suivi, 431 individus sont décédés par suicide. Excepté pour la séparation parentale, tous les indicateurs sont associés à un risque doublé de suicide par rapport à l’absence d’exposition à l’un de ces indicateurs, allant d’un ratio de 1,6 pour l’instabilité de résidence, à 2,9 pour un suicide dans la famille. L’existence d’une pathologie psychiatrique ou de criminalité chez l’un des parents ou un antécédent familial de suicide, sont les indicateurs associés au plus grand risque de suicide. Sans trop de surprise, le risque augmente avec le nombre d’indicateurs, allant d’un ratio de 1,1 quand il existe un seul indicateur, à 1,9 pour 2 indicateurs et 2,6 pour 3 ou plus, après ajustement pour plusieurs covariables incluant un trouble psychopathologique ou les performances scolaires.
Selon les auteurs, le lien observé peut s’expliquer par le fait que l’expérience d’épreuves difficiles pendant l’enfance perturbe l’apprentissage de l’autorégulation des émotions et du comportement, ce qui peut augmenter ensuite le risque de conduites impulsives et destructrices en réaction au stress et à l’adversité. Ce serait l’une des explications possibles de la relation entre les souffrances de l’enfance et le risque de suicide. Si le repérage précoce des enfants à risque devrait permettre de mettre en place des actions de prévention, remarquons que ce n’est pas tâche facile et que l’on peut déplorer que les indicateurs utilisés ici semblent très réducteurs, puisque l’on sait que la maltraitance de l’enfant n’est pas effective seulement dans les familles « ouvertement» dysfonctionnelles.
Dr Roseline Péluchon
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