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lundi 25 novembre 2019

Réduire le surmenage des élèves chinois, une réforme controversée

Contre l’avis de nombreux parents, les autorités chinoises s’efforcent d’alléger la pression scolaire que subissent les enfants dès le primaire.
Par   Publié le 27 novembre 2019
Une jeune fille dans une école de Zhujiajiao, dans la banlieue de Shanghaï, en 2016.
Une jeune fille dans une école de Zhujiajiao, dans la banlieue de Shanghaï, en 2016. FRED DUFOUR / AFP
LETTRE DE PÉKIN

Organe du Parti communiste chinois, le China Daily offre rarement à ses lecteurs des débats contradictoires, notamment lorsqu’il s’agit de décisions prises par le parti lui-même. L’édition du 31 octobre a fait exception. On y trouvait à la fois en première page une réforme envisagée par les autorités du Zhejiang (province où se trouve Shanghaï) et une critique de celle-ci dans les pages Commentaires. C’est que ladite réforme divise le pays. Il s’agit ni plus ni moins d’autoriser les enfants des écoles primaires à cesser de faire leurs devoirs à 21 heures et de faire preuve de la même tolérance pour les collégiens à partir de 22 heures.

Cette proposition n’est que la transposition régionale de 30 mesures annoncées par Pékin le 28 décembre 2018 pour réduire la charge de travail des enfants. Il y a urgence : selon une étude non officielle mais réalisée par un centre de recherche universitaire, 24 % des jeunes Shanghaïens auraient envisagé de se suicider, 15 % y auraient sérieusement réfléchi et 1,7 % seraient passés à l’acte. Raison invoquée pour 46 % d’entre eux : la pression des études. Des chiffres que l’on peut sans doute extrapoler à l’ensemble du pays. « De la lune, on ne voit plus la Grande Muraille ni les pyramides d’Egypte mais les tables des collégiens sur lesquels s’entassent les livres », note un internaute ironique. D’où la décision du gouvernement.

Devoirs interdits au CP

Sans aller aussi loin que les autorités du Zhejiang, Pékin a aussi prévu de limiter les devoirs scolaires. Interdits au cours préparatoire et au CE1, ils ne doivent pas dépasser une heure par jour les quatre années suivantes et 90 minutes au collège. De même, les enfants doivent dormir 10 heures par nuit en primaire, neuf heures au collège et huit heures au lycée. Enfin, les entreprises qui assurent des cours privés en fin de journée doivent fermer leurs portes à 20 h 30. Ces décisions sont loin de faire l’unanimité.
En mars, Chen Baosheng, le ministre de l’éducation, a affiché sa détermination. « Leur charge de travail est lourde comme une montagne. Les enfants ne peuvent pas grandir en bonne santé. Nos élèves ne sont pas heureux. Le problème est grave. Il faut le traiter sans faiblesse », a indiqué le ministre.
Malgré la censure, les internautes se sont déchaînés. « Durant leurs études, on apprend aux enfants à atteindre leurs objectifs et à ne jamais renoncer. C’est comme cela que la nation chinoise a rattrapé en vingt ans l’Europe et les Etats-Unis, en tête depuis deux siècles. Permettre aux enfants de ne pas faire leurs devoirs, c’est ruiner leur avenir. Tu es comme Qin Hui [incarnation du traître depuis le XIIe siècle]. Tu devras t’en repentir », a pesté une « Shanghaïenne, diplômée de Hongkong ».
Sans être tous aussi violents, la plupart des commentaires sont hostiles à la réforme. « Les autres n’osent pas s’exprimer. Ils ont peur qu’on leur tombe dessus », explique une mère de famille.
Même le très révérencieux China Daily s’est fendu d’une critique, reprenant une thèse exposée par de nombreux parents : « Tant que les élèves devront passer un concours pour entrer à l’université, toutes ces tentatives pour réduire leur charge de travail sont vaines. (…) Pour entrer dans une bonne université, il faut avoir des notes élevées à l’examen. (…) Ainsi les élèves et leurs parents n’ont d’autre choix que de travailler dur. Si on réduit la charge de travail scolaire, ils vont se tourner vers des entreprises proposant des entraînements privés. Pire, cela va désavantager les enfants des familles pauvres, car la loi du marché va faire grimper des prix déjà élevés, de sorte que seules les riches familles vont pouvoir envoyer leurs enfants dans de bonnes institutions privées ou se payer de bons professeurs à domicile », écrit un éditorialiste.

Dérives

De fait, en raison de ce fameux gaokao, ce concours national d’entrée à l’université qui obsède les familles, les enfants sont soumis à de fortes pressions. Les écoles multiplient les activités parallèles, comme les « Olympiades de mathématiques » pour distinguer les meilleurs. Surtout, après les cours se terminant vers 15 heures, les enfants sont soit confiés à leurs grands-parents soit à des institutions privées qui, jusque tard dans la soirée, et parfois le week-end, prennent le relais des enseignants. Il n’est d’ailleurs pas rare que ceux-ci arrondissent leurs fins de mois dans ces établissements privés.
Pour mettre fin à ces dérives, les autorités du Zhejiang envisagent diverses mesures : réduction du nombre d’examens (un seul par semestre au lieu de deux), interdiction de rendre publiques les notes des élèves, interdiction pour les institutions privées d’embaucher des enseignants issus du public et pour les autorités de classer les écoles en fonction du taux de réussite aux examens ; enfin, formation des parents « au concept scientifique d’éducation » pour qu’ils cessent d’entrer en compétition permanente les uns avec les autres. Tout cela va-t-il suffire ? Vu l’hostilité des familles, rien n’est moins sûr. « Les décisions se prennent en haut, les contre-mesures en bas », aiment à dire les Chinois.

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