Crédit photo : S. Toubon
Dans une chambre d'hôpital de La Timone (Assistance publique-Hôpitaux de Marseille), des soignants s'affairent autour d'un mannequin pour débusquer les erreurs allant de l'identité erronée du patient au mauvais étiquetage d'un médicament. Objectif : stimuler leur vigilance dans un contexte de forte tension.
Au 12e étage, dans une aile désaffectée du CHU, cinq infirmiers et une aide-soignante relèvent scrupuleusement les erreurs autour du chariot de soins resté à l'entrée de la chambre, avant de se diriger vers le faux patient.
Jacques Bertrand, 80 ans, est hospitalisé en chirurgie orthopédique pour une prothèse totale de la hanche depuis sept jours. Il est isolé pour une bactérie multirésistante contractée au cours de son hospitalisation et porteur d'une perfusion, explique le scénario remis aux participants.
Les soignants ont quinze minutes pour relever les onze erreurs : absence de gel hydroalcoolique pour se désinfecter les mains, perfusion ne mentionnant ni la date ni l'heure à laquelle le produit a été administré ce qui peut conduire à un surdosage, bracelet avec un mauvais nom de patient, médicaments personnels laissés sur la table de nuit alors qu'ils devraient être confisqués pendant le séjour, potence inaccessible et pourtant indispensable pour que le malade puisse se relever dans son lit…
L'exercice est aussi l'occasion pour les soignants de s'interroger sur leurs pratiques et de combattre le danger de la routine, à l'exemple de cette ampoule de chlorure de potassium (KCL), un médicament à haut risque, laissée sur le chariot à la portée de tous.
Resserrer les liens
« Le KCL n'a rien à faire là et quand vous allez chercher un médicament dans la pharmacie lisez bien les étiquettes », insiste Benjamin Gamaleri, formateur et cadre infirmier. « Vous n'êtes pas de simples exécutants, vous devez vous poser des questions et en cas de doute en parler, c'est un travail d'équipe », leur rappelle aussi la seconde formatrice, Sophie Legier.
Un des stagiaires lui en apporte la preuve en racontant avoir évité de justesse un accident deux semaines plus tôt. Un interne avait prescrit une perfusion en gouttes au lieu de millilitres.
Prendre une décision quand on travaille de nuit sans praticien dans le service, gérer les appels téléphoniques quand le coordinateur, pour ceux qui en ont, est parti tout en continuant à s'occuper des patients, être accaparé par des tâches administratives aux dépens de l'écoute accordée au malade : les soignants égrènent les difficultés du quotidien qui mettent à mal leur vigilance.
Les organisateurs de la formation, financée par l'agence régionale de santé, le reconnaissent. À l'heure où le personnel dénonce le manque criant de moyens pour l'hôpital, le but de l'atelier est également de resserrer des liens qui existaient mais qui ont tendance à disparaître. « Face à une intensité de travail qui s'est accrue et un personnel plus épuisé qu'avant, le temps d'échange entre les collègues et de transmission des dossiers entre équipes se réduit, observe le Dr Béatrice Eon, responsable médicale de la cellule sécurité. Il y a une lourdeur administrative et un temps incompressible, mais nous leur rappelons qu'il y a des fondamentaux. »
(Avec l'AFP)
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