Samedi 15 Aout 2009
CORSE. Après le meurtre familial commis par un adolescent, un psychiatre bordelais tente une explication
http://www.sudouest.com/accueil/actualite/france/article/677228/mil/4992831.html
« Tuer sa famille ressemble à un acte psychotique »
L'enquête se poursuit à Albitreccia, en Corse, après qu'un adolescent de 16 ans s'est accusé du meurtre de ses parents et de ses frères jumeaux de dix ans, dans la nuit de mardi à mercredi. Le jeune garçon s'est présenté spontanément, jeudi, à la gendarmerie de Pietrosella, en compagnie de l'un de ses oncles auquel il s'était confié, après avoir erré plusieurs heures autour de la maison familiale.
Hier soir, le jeune homme a été mis en examen pour assassinats et placé en détention au quartier des mineurs de Borgo. Les enquêteurs ont confirmé que les quatre victimes ont été tuées dans leur sommeil. « Tous ont été retrouvés dans leur lit, il n'y avait aucune trace de lutte ou d'une quelconque tentative de fuite », a indiqué l'un des responsables de l'enquête. Sur les indications de l'adolescent, le fusil dont il affirme s'être servi a été retrouvé par les gendarmes dans un bosquet, non loin de la maison familiale.
Aucune explication
Entendu par la police et son avocate, il reconnaît les faits mais n'explique pas son geste. Au centre Jean-Abadie de Bordeaux, pôle aquitain de l'adolescence du CHU, le docteur Philippe-Pierre Tedo, psychiatre, pose un regard d'expert sur ce terrible drame : « L'adolescence se définit comme un processus de remaniement physique et psychologique. Le jeune vit une période de turbulences, il doit apprendre à gérer son corps, se questionne sur son narcissisme, l'estime de soi, son identité et ses identifications : "D'où je viens ?", "Qui sont mes parents ?". Au lieu de mettre des mots sur leur malaise, certains ne peuvent faire autrement qu'agir leur malaise : ils passent à l'acte. Anorexie, boulimie, scarifications, tentative de suicide. Des actes graves, espérant que les adultes entendront. L'acte meurtrier de la famille est un moment psychotique, un moment d'étrangeté, le jeune perd le contrôle de lui-même. Les personnes les plus proches deviennent, dans son délire, des dangers. Il s'agit d'une psychose d'acte. À 20 heures, il va bien, à minuit il gamberge, à 4 heures il tue quelqu'un. Un moment de folie, de décompensation. C'est un état grave qui relève de la psychiatrie. »
Difficile à repérer
L'adolescent meurtrier en Corse ne présentait aucun signe extérieur de malaise. D'après son entourage, il était agréable, souriant et bon élève, plutôt sportif, adepte des jeux vidéo. Comme la plupart des jeunes de sa génération. Troublant.
« Difficile de repérer la dangerosité d'un malaise, nous travaillons là-dessus au centre Abadie. Il y a souvent des signes avant-coureurs. Le retrait scolaire, l'isolement, le silence ou l'agressivité. En général, ces ados ne parlent pas de leurs difficultés. Souvent, l'on constate qu'ils évoluent dans des contextes de violence familiale, violence psychologique invisible en surface. Avec des secrets de famille, des névroses cachées, des séparations. Le jeune se trouve perdu et passe à l'acte. »
A priori, l'adolescent auteur présumé des faits en Corse échappe à cette description. Pas de signe précurseur, il avait passé un mois au nettoyage de la plage voisine, sa famille avait l'air « soudée, aimante ».
En raison de son âge, le parquet d'Ajaccio souhaite que rien ne soit dévoilé des auditions. Le jeune homme sera présenté à un juge de la liberté et de la détention qui devra statuer sur son sort.
Auteur : i.castera@sudouest.com
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