Le synode extraordinaire sur la famille qui vient de réunir durant deux semaines 253 cardinaux et évêques ratisse large : mariage, vie de couple, filiation, contraception, divorce, homosexualité. Mais ce sont surtout les travaux sur les questions les plus clivantesentre l’Église et le monde actuel qui ont mis le feu aux poudres : l’accueil des couples divorcés remariés et des couples de même sexe.
Après des décennies d’immobilisme, le rapport intermédiaire du synode effectue en effet une « conversion missionnaire » à l’égard des divorcés remariés en proposant de lever le refus de la communion eucharistique qui les frappe, ainsi qu’envers « les personnes homosexuelles, qui ont des dons et des qualités à offrir à la communauté chrétienne ».
Il reconnaît aussi des « valeurs positives » au mariage civil, formule une appréciation bienveillante sur les unions libres et insiste sur une loi dite de gradualité, pour permettre à ceux qui ne sont pas dans la norme doctrinale, de se rapprocher de l’Église.
Priorité au « care »
Une évolution, pour ne pas dire une révolution, qui exprime le souci des périphéries, maintes fois exprimé par le pape François, et qui se fonde sur une nouvelle méthode, énoncée par le cardinal Kasper : privilégier la réalité anthropologique en valorisant au maximum la réalité de la vie des hommes et des femmes d’aujourd’hui, une théologie de l’autonomie des réalités, en donnant la priorité au « care », comme disent les anglo-saxons.
Pour évaluer la qualité des personnes, insiste le cardinal autrichienSchönborn, « l’Église ne doit pas regarder d’abord dans la chambre à coucher, mais dans la salle à manger ». Quitte à remettre en cause une vision intégraliste du christianisme, avec le modèle organiciste de la famille : une famille qui fonde la société sur la relation homme-femme, en refusant de mettre « les familles au pluriel ».
« Inacceptable », a réagi Mgr Gadecki, primat de Pologne,« manipulation et trahison des vérités de la foi », s’insurge le cardinal américain Burke, tout comme beaucoup de prélats africains. Certains, comme Mgr Tony Anatrella, psychanalyste, qui nie l’existence même du couple homosexuel, mettent en garde contre « le terrorisme du langage qui veut détruire la famille et changer les mots pour ne plus désigner ce qui est ».
Comme à Vatican II
« La virulence de ces affrontements n’est pas sans rappeler certains débats très véhéments lors du concile de Vatican II, entre tenants du conservatisme et partisans de l’aggiornamento de l’Eglise, confie au « Quotidien » le doyen de la faculté de théologie de Paris, le dominicainThierry-Marie Courau, et les enjeux du synode sont d’une importance comparable. »
Pour calmer le jeu, le pape François a fait plancher dix groupes de travail linguistiques sur le rapport final qui lui a été remis hier. Un rapport simplement consultatif, qui suscitera les réactions des diocèses, appelés à en débattre. En France, les sensibilités sont diverses : le président de la conférence des évêques, Mgr Georges Pontier, privilégie « un processus de réflexion », soulignant que « la Manif pour tous n’est pas un mouvement d’Église » et n’appelant pas à manifester dans les rues,tandis que des évêques comme celui de Séez, dénonce « les évolutions en contradiction frontale avec notre vision de l’homme et de la société »et note que « la Manif pour tous porte avec force la désapprobation (de l’Église) sur les réformes dites sociétales et les situations particulières ».
« Une dynamique très ample est donc en marche », comme le souligne le porte-parole du Saint-Siège, Federico Lombardi, en attendant la prochaine étape, le second synode d’octobre 2015.
Christian Delahaye
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