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vendredi 21 février 2020

De la pauvreté au suicide

Publié le 20/02/2020




Il est certain que la pauvreté a une incidence fâcheuse sur la santé mentale, y compris sur le risque dépressif ou suicidaire. Ainsi, une étude récente est consacrée ainsi aux liens entre suicide et austérité en Grèce lors de la crise économique subie par ce pays entre 2009 et 2015. Et cet article peut être rapproché d’une autre publication du même auteur (un professeur de psychiatrie à l’université Aristote de Thessalonique[1]), parue auparavant sur un thème voisin : les relations entre taux de suicide et variables économiques en Europe dans la première décennie du XXIème siècle.

Dans l’étude propre à la Grèce, l’auteur précise « le rôle du chômage et des autres variables socio-économiques » sur l’accroissement du risque de suicide, en s’appuyant sur des données statistiques de ce pays (Hellenic Statistical Authority ELSTATwww.statistics.gr). On observe « une corrélation entre taux de suicide et chômage chez les hommes de 20 à 24 ans, ceux de 50 à 54 ans et ceux de 60 à 64 ans » (p < 0,001), le chômage pouvant être « tenu pour responsable du décès supplémentaire de 148 hommes » durant la période de la grave récession en Grèce (de 2009 à 2015), ce qui correspond à une trentaine de décès supplémentaires par an et à environ 5 % de la mortalité totale par suicide. L’ensemble des (mauvaises) conditions socio-économiques serait « responsable de 317 cas de suicides » (supplémentaires), soit environ 10 % du total. L’auteur estime même qu’une « augmentation de 33 % des décès par suicide » a été observée lors de ces premières années de récession en Grèce, et qu’« un tiers de ces décès pourrait être directement attribué au chômage, un second tiers à d’autres conséquences socio-économiques de la récession » et un dernier tiers demeure d’origine inconnue, sans lien manifeste avec le contexte financier.

L’effet du chômage sur le risque de suicide reste surtout marqué « chez les hommes au début de leur carrière (20-24 ans) » et chez les travailleurs les plus âgés (de la cinquantaine à l’approche de la retraite). Et l’enquête analogue conduite dans 29 pays européens entre 2000 et 2011 confirme l’existence d’une forte corrélation entre les taux de suicide et les indices économiques chez les hommes, mais seulement une corrélation avec le chômage chez les femmes. Si la relation entre taux de suicide et médiocrité de l’environnement économique reste pertinente, on ne peut toutefois pas affirmer « l’existence d’un lien de causalité évident entre crise économique et augmentation du taux de suicide », car cet accroissement des taux de suicide a « précédé de plusieurs mois » le constat de crise économique.


Dr Alain Cohen
RÉFÉRENCES
Fountoulakis KN : Suicides in Greece before and during the period of austerity by sex and age group: Relationship to unemployment and economic variables. Journal of Affective Disorders 2020 ; 260 : 174-182.

Fountoulakis KN et coll. : Relationship of suicide rates to economic variables in Europe: 2000–2011. Brit Journal Psychiatry 2014 ; 205: 486-496.

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