Contrairement à certains préjugés, les épileptiques peuvent pratiquer une activité sportive et en retirer des bienfaits. Pour autant, le respect de certaines règles est nécessaire.
Pascale Santi Publié le 19 février 2020
10 000 pas et plus. Halte aux idées reçues ! Si, pendant longtemps, le sport était vu comme délétère pour les personnes épileptiques, il est aujourd’hui recommandé. C’était l’un des thèmes abordés lors du colloque annuel de la Fondation française pour la recherche sur l’épilepsie, qui s’est tenu mardi 11 février.
Rappelons que l’épilepsie touche environ 600 000 personnes en France, dont la moitié sont des enfants, selon l’Inserm. Il n’y a pas une mais des épilepsies. Une personne peut faire une seule crise dans sa vie ou en subir vingt par heure. « Pour le grand public, elle est souvent associée à des crises avec des convulsions, des absences, une rigidité des muscles… Mais chaque syndrome épileptique peut se manifester par une grande variété de symptômes… », indique l’Inserm. Les crises « de type absence » s’accompagnent parfois de perte de conscience.
Lorsqu’elle va nager seule, Clémence prévient le maître-nageur
Preuve des bienfaits du sport, le témoignage, mardi 11 février, de Clémence Hervieux. Cette jeune femme, aujourd’hui âgée de 23 ans, qui a fait une encéphalite à l’âge de 3 ans, était très sportive, mais elle a dû arrêter autour de 17-18 ans, en raison de fréquentes crises. « Puis je suis retournée courir, nager, et je constate que je vais beaucoup mieux psychologiquement qu’avant, j’avais peur de me mettre en danger. » Aujourd’hui, Clémence Hervieux prépare un triathlon, avec son compagnon. Pour ce faire, elle court, fait du cyclisme et de la natation. Lorsqu’elle va nager seule, elle respecte quelques règles, et notamment celle de prévenir le maître-nageur.
Ces règles sont impératives, car, pour les personnes épileptiques qui font du sport, « le risque principal est de se blesser », résume Arnaud Biraben, neurologue épileptologue au CHU de Rennes. Cela peut arriver lors d’une crise ou d’une chute pendant la pratique sportive. Des études montrent toutefois que les personnes épileptiques ne se blessent pas plus que celles qui ne le sont pas, poursuit M. Biraben.
A éviter : plongée et sports de combat
Les activités physiques sont classées selon leurs risques. Certains sports sont à éviter, comme la plongée, les sports de combat, etc.
Si, pour tout un chacun, le sport contribue à la santé physique et mentale, il pourrait aussi réduire la fréquence des crises pour les patients épileptiques. Rappelons que, dès 1974, l’Académie américaine de pédiatrie indiquait : « La pratique du sport est source d’équilibre » et recommandait, en 1983, « le sport aux enfants épileptiques, même en cas de handicap ». La Ligue internationale contre l’épilepsie, en 1997, le préconisait également, sauf la plongée sous-marine.
M. Biraben, lors d’une présentation aux Journées de neurologie de langue française, en 2018, relevait d’autres effets : « Le niveau de dépression des épileptiques sportifs est significativement inférieur, car le sport a des effets positifs sur l’humeur et améliore la plasticité hippocampique et les fonctions cognitives, à tout âge. » Il limite aussi la fatigue chronique.
Discussion avec le médecin
Autre témoignage présenté lors de ce colloque : Camille Malbrancq défie les règles, et fait de l’escalade « avec mesure, sécurité et jamais seule ». « J’ai besoin d’une pratique sportive au quotidien, dit cette jeune femme, qui fait d’ailleurs un métier physique puisqu’elle est ostéopathe. Cela me donne un équilibre. »
Ces pratiques relèvent d’une décision individuelle à discuter avec son médecin. Et chacun apprécie selon son état du moment. « Tout se négocie avec les patients, les médicaments mais le sport aussi. Il faut dialoguer pour savoir comment pratiquer », souligne Vincent Navarro, neurologue épileptologue à la Pitié-Salpêtrière (AP-HP).
Le professeur Alexis Arzimanoglou, chef du service d’épileptologie des hospices civils de Lyon, a contribué à un partenariat avec la Fédération française de football pour accueillir sur les terrains davantage de personnes épileptiques, sans stigmatisation. Néanmoins, les idées reçues perdurent. A l’école, il arrive que des enseignants refusent un enfant parce qu’il est épileptique. Or, le sport, notamment collectif, permet de rompre l’isolement social et renforce l’image de soi.
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