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lundi 20 avril 2020

Déconfinement : le conseil scientifique ébauche un tableau de bord




Paris, le mercredi 8 avril 2020 – La complexité du déconfinement concerne jusqu’au moment de commencer à l’évoquer. Alors que le Premier ministre a abordé cette question lors de ses différentes interventions la semaine dernière, certains ont estimé prématurées de telles prises de parole, alors que la priorité devrait être de rappeler l’importance de continuer à respecter strictement le confinement, tandis qu’un possible relâchement a parfois pu être déploré. Néanmoins, non seulement pour offrir aux Français des perspectives plus encourageantes, mais surtout pour assurer la préparation la mieux adaptée possible de cette étape, le déconfinement doit commencer à être discuté.

Une immunité collective probablement inférieure à 15 %

Il est un des sujets du dernier avis du Conseil scientifique, rendu le 2 avril, mais communiqué à la presse hier soir. Rappelant que « La priorité demeure (…) la poursuite d’un confinement renforcé dans la durée », le Conseil concède cependant que « La réflexion sur la sortie du confinement, les stratégies post-confinement sont nécessaires ». Aussi, énumère-t-il un certain nombre de critères indispensables.

Ils concernent tout d’abord le moment où cette sortie peut être envisagé. Le Conseil scientifique retient sur ce point trois éléments : le désengorgement des services de réanimation, la reconstitution des stocks de matériel et équipements de protection et une réduction du nombre de cas permettant de remettre en place une stratégie de suivi systématique des nouveaux cas. A contrario, et de façon logique, le Conseil scientifique considère impossible de conditionner la sortie du confinement à l’atteinte d’une immunité collective importante.

Cette dernière, en raison notamment du confinement, est en effet « très vraisemblablement inférieure à 15%, y compris dans les zones les plus touchées par la première vague de l’épidémie » estime le Conseil scientifique.

Port du masque : y réfléchir quand d’autres ont déjà tout réfléchi

Parallèlement à ces données conjoncturelles qui déterminent le moment de sortie du confinement, le Conseil scientifique liste un certain nombre de points qui doivent être l’objet de stratégies qui devront être déterminées par le gouvernement. Outre, les « mesures de distanciation sociale qui seront maintenues pendant la période de post-confinement », le Conseil évoque « la disponibilité des protections matérielles comme les gels hydro-alcooliques et les masques à l’usage des personnels soignants, des personnes en situation d’exposition au virus en priorité, puis à l’ensemble de la population, comme en Asie ». A cet égard, le Conseil ne se prononce pas sur l’opportunité d’une obligation du port du masque à la différence de l’Académie de médecine qui dans un avis adopté le 5 avril se déclare favorable au « port obligatoire d’un masque grand public anti-projection, fût-il de fabrication artisanale, dans l’espace public » et ce « jusqu’à l’arrêt de la transmission du virus (absence de nouveaux cas dans les 14 derniers jours) ».

La place d’une campagne de dépistage par recherche des anticorps en suspens 

Le Conseil scientifique exhorte également les pouvoirs publics à veiller à la restauration des « capacités hospitalières et de médecine de ville » dans les régions les plus touchées et à la mise en place d’un système fin de surveillance épidémiologique. Pour ce faire, le gouvernement devra s’appuyer sur « des capacités de diagnostic rapide d’infection aiguë et de rendu des résultats aux patients avec transfert des données en temps réel aux systèmes de surveillance épidémiologique ». Les pouvoirs publics sont également invités à définir leur stratégie concernant « les nouveaux outils numériques permettant de renforcer l’efficacité du contrôle épidémiologique », au sujet desquels une fois encore le Conseil scientifique ne se prononce pas de manière impérieuse. Il enjoint également le gouvernement à préparer « les modalités d’isolement des cas et de leurs contacts adaptées au contexte personnel », la protection des sujets les plus à risque et de répondre à la question des contrôles aux frontières. Si tous ces points doivent faire l’objet d’une réflexion précise et adaptée, le Conseil scientifique ne se montre pas directif quant aux orientations à privilégier. Cette liste ne fait pas mention de la place que pourrait avoir une campagne de dépistage sérologique. Le Conseil revient cependant sur les limites d’une telle tactique : apparition potentiellement tardive des anticorps (J30) et probable faible immunité collective. Cependant, les experts réunis par le gouvernement se montrent optimistes quant à la mise à disposition de tests sérologiques fiables rapidement et au-delà plus généralement de l’amélioration des capacités de dépistage : « La phase actuelle de montée en puissance rapide des capacités diagnostiques dans la perspective de la période post-confinement fait qu’il est certain que les outils et moyens prévus à terme seront disponibles et fonctionnels bien avant l’échéance de la levée du confinement. Cela va permettre de commencer rapidement leur utilisation, tant pour les plateformes de RT-PCR à haute capacité, que pour les tests sérologiques unitaires rapides (tests rapides réalisables hors du laboratoire) ou les tests sérologiques classiques (test réalisés sur automates de laboratoire) », signale le Conseil.

Pas d’approche régionale du Conseil scientifique…

On le voit, cette approche s’écarte d’autres réflexions nourries par différents experts et sociétés savantes, qui ont notamment pu concentrer leur discours sur le ciblage du déconfinement progressif, dont certains jugent qu’il pourrait se faire par région (telle l’Académie de médecine) ou en fonction de l’âge ou des vulnérabilités. Si le Conseil scientifique ne s’exprime pas de façon tranchée sur ces sujets, il insiste néanmoins vis-à-vis des personnes les plus âgées et les plus à risque : « Le Conseil scientifique considère qu’il est impératif que les personnes à risque adoptent un confinement strict les protégeant d’un risque de contamination. Toutefois pour certaines d’entre elles, ces mesures de confinement doivent être adaptées à leur pathologie ou leur handicap ». Vis-à-vis des spécificités régionales, le Conseil scientifique souligne également un certain nombre de points : comme la nécessité d’une attention soutenue concernant la restauration de l’offre de soins dans les régions les plus touchées ou la question des frontières.

… plébiscitée par l’Académie de médecine

L’Académie de médecine se montre pour sa part plus disserte concernant ces spécificités locales, jugeant notamment que la sortie du confinement ne devrait être « autorisée que dans les régions dans lesquelles une décroissance nette du nombre des patients Covid-19 devant être hospitalisés et un retour des besoins de réanimation à l’état pré-épidémique sont observés » et « que les personnes résidant dans une région en sortie de confinement ne soient pas autorisées à se rendre dans une région encore en situation de confinement ».

Les sages insistent encore sur le fait que « l’argumentaire de la décision de sortie ou de maintien du confinement » devrait être préparé région par région pour assurer le mieux possible l’adhésion des populations.

Si tant le déconfinement par classe d’âge que le déconfinement régional soulèvent des difficultés, liées par exemple aux foyers qui abritent plusieurs générations ou à l’absence d’adéquation entre régions administratives et foyers épidémiques, il semble que l’Académie de médecine ait estimé que l’approche régionale serait sans doute plus simple à mettre en œuvre et plus efficace. Concernant le dépistage, les sages rejoignent en partie l’avis du Conseil scientifique tout en se montrant plus pessimistes vis-à-vis des capacités à venir en notant : « que la décision de sortie du confinement » ne devrait pas être « fondée sur les résultats de tests biologiques individuels, dont la disponibilité et la fiabilité n’apparaissent pas assurées à brève échéance, et dont les implications opérationnelles seront sources de confusion ». Néanmoins, ils préconisent que « les études de sérologie (test Elisa) à visée épidémiologique en population générale soient déclenchées au plus vite dans tout le pays sur une base régionale, en vue d’apprécier le risque de survenue d’une deuxième vague épidémique ».

Des points d’attention multiples

On soulignera que l’avis du Conseil scientifique aborde de nombreux autres sujets que celui de la sortie du confinement et invite le gouvernement à concentrer son attention sur plusieurs points majeurs. Il insiste ainsi sur la nécessité de tout mettre en œuvre pour « limiter l’aggravation de la morbi-mortalité des pathologies chroniques (…) éviter toute rupture de soins et simplifier l’accès aux soins paramédicaux ». Il appelle également les pouvoirs publics à la vigilance vis-à-vis des personnes incarcérées, des sujets en grande précarité et du risque d’augmentation des violences familiales. Il note par ailleurs le besoin d’une « d’une méta-plateforme téléphonique unique 24h/24, avec un numéro vert, qui rassemble et renvoie à l’ensemble des lignes dédiées existantes, et qui le fasse après triage par une équipe large, professionnelle et opérationnelle dans l’immédiat » face à la multiplication des lignes existantes dont la visibilité est trop réduite. Il tient par ailleurs à rappeler la nécessité du respect des réglementations concernant la recherche clinique.

Penser aux endeuillés

Il aborde enfin un sujet très douloureux : le soutien aux personnes endeuillées alors que les mesures de confinement créent des limites importantes quant à l’organisation d’obsèques et de rassemblements familiaux, ce qui peut favoriser le développement de « complications du deuil ». Aussi, les experts insistent « sur l’importance et l’urgence d’inventer collectivement, avec l’ensemble des acteurs de la société française (…) des réponses à ces situations afin de renforcer la résilience individuelle et collective face à l’épidémie ». Si la formulation pourra susciter quelques réserves, cette préoccupation vis-à-vis des endeuillés apparaît essentielle.


Aurélie Haroche

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