Au Québec, les conditions de vie des pensionnaires d’une maison de retraite privée, dont certains sont décédés du Covid-19, ont suscité un vif débat.
« La façon dont on traite nos aînés est inacceptable » s’est emporté le premier ministre québécois. François Legault (Coalition avenir Québec, centre droit) a renoncé à son week-end pascal pour venir rendre compte en personne, samedi 11 avril, devant la presse, d’une situation, selon lui, « épouvantable ».
Dans une résidence privée de personnes âgées située à Dorval, en banlieue de Montréal, récemment placée sous tutelle de la Santé publique, « on a appris que 31 personnes sont décédées depuis le 13 mars », a-t-il déclaré. Trente-et-un décès sur cent cinquante résidents, dont cinq sont d’ores et déjà attribués au Covid-19. La Santé publique tente actuellement de déterminer la cause des autres morts.
Le gouvernement a, de son côté, diligenté une enquête criminelle contre la direction de l’établissement, « coupable de grosses négligences », a insisté le premier ministre. Elle est soupçonnée de ne pas avoir pris les mesures adéquates en début d’épidémie, d’avoir refusé de transmettre les dossiers médicaux des résidents décédés et, surtout, d’avoir laissé ces retraités dans des conditions sanitaires déplorables.
« Affamés et assoiffés »
Des membres du personnel soignant, arrivés en renfort fin mars dans la résidence, ont témoigné de « visions de cauchemars ». « Des patients étaient affamés et assoiffés. Certains avaient été abandonnés avec leur couche souillée. Des pansements attendaient d’être changés depuis une éternité » relatait une infirmière dans La Presse, le 10 avril. Le premier ministre a lui-même confirmé qu’une grande partie du personnel employé par cette résidence privée « avait quitté son poste ». Des révélations qui ont poussé plusieurs familles à se précipiter sous les fenêtres de la maison de retraite pour tenter d’apercevoir et de soutenir leurs proches confinés.
La publicité donnée par François Legault aux dysfonctionnements avérés de cet établissement privé a suscité indignation et effroi au Québec, et provoqué un vaste débat autour des conditions de vie réservées aux aînés. Une inspection en urgence a été lancée dans les quarante maisons de retraite privées non conventionnées de la province.
Les résidences pour personnes âgées ne sont pas toutes gérées de façon aussi indigne mais les autorités publiques reconnaissent que la situation est « critique » dans au moins six établissements de la région de Montréal frappés par une surmortalité. Le manque de personnel − sous-payé par rapport au secteur public – accroît les risques pour une population âgée particulièrement touchée par le Covid-19. Au Québec, 90 % des 328 victimes du virus enregistrées au 12 avril, avaient 70 ans et plus.
Devant la Chambre des communes, réunie samedi en formation restreinte, le premier ministre canadien, Justin Trudeau, a rendu un hommage appuyé à ces aînés durement frappés par l’épidémie. Il a utilisé la concomitance de la date anniversaire de la bataille de la crête de Vimy, au cours de laquelle, en avril 1917, le Corps d’armée canadien paya un lourd tribut dans l’assaut de cette colline du nord de la France.
Le premier ministre a ainsi souligné que les derniers survivants de « ceux qui se sont battus pour nous », étaient ceux qui étaient les plus à risque face à la maladie. « Aujourd’hui, nous devons nous battre pour eux », a-t-il poursuivi. Si Justin Trudeau a refusé de considérer cette lutte contre la pandémie comme une « guerre », il a néanmoins multiplié les métaphores militaires pour appeler les Canadiens à poursuivre la lutte contre l’épidémie, « un combat où il n’y a pas de combattants ennemis à vaincre, mais où la ligne de front est partout », a-t-il lancé.
AIde aux travailleurs
Contrairement à Donald Trump, qui ne cache pas son impatience de relancer au plus vite l’économie, le premier ministre canadien répète devant les micros qu’un retour à la normale ne pourra pas se faire avant « un an, voire un an et demi, jusqu’à ce qu’un vaccin soit trouvé ». Un horizon lointain qui ne l’empêche pas d’envisager des mesures progressives de déconfinement, « d’ici l’été, une fois que la première vague d’infection sera passée ».
En attendant une reprise partielle de l’activité, son gouvernement multiplie les aides pour tenter de pallier les ravages que cette pandémie est en train de faire subir à l’économie canadienne. La Prestation canadienne d’urgence de 2 000 dollars (1 300 euros) par mois, qui s’adresse aux travailleurs, a déjà été réclamée par plus de 5,6 millions de Canadiens ayant perdu leur emploi. Une aide directe de 75 % du salaire peut également être versée aux entreprises afin qu’elles puissent maintenir les emplois. Air Canada espère ainsi « réembaucher » ses 16 500 employés privés de travail depuis le début de la crise.
Ces mesures creuseront le déficit public à 184 milliards de dollars (120 milliards d’euros) pour l’année 2020, soit 8,5 % du PIB du pays. Elles ont reçu le soutien de l’ensemble des partis représentés à la Chambre des communes. Même les conservateurs, qui n’avaient pas de mots assez durs en début d’année pour fustiger « les dérives dépensières » du gouvernement libéral, appuient aujourd’hui sa politique d’aide.
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