Le silence est d’or et la parole est d’argent…mais par temps de Covid-19 la parole est surtout productrice de gouttelettes, plus nombreuses encore quand il y a postillons ! Ces gouttelettes sont autant de vecteurs potentiels dans la transmission interhumaine des virus, tout particulièrement du SARS-CoV-2. Parler, c’est émettre des sons mais aussi une infinité de particules liquides de volume variable qui peuvent facilement abriter un virus : les plus grosses tombent rapidement sur le sol, mais le devenir des autres est plus imprévisible. Ces dernières peuvent subir une légère déshydratation au contact de l’air et se réunir sous la forme de groupuscules se comportant comme un aérosol, ce qui élargit leur champ d’action...
Une étude lumineuse
Pour préciser ces phénomènes mal connus des orateurs les plus divers et de ceux qui les écoutent- tout aussi divers- on peut se reporter à une petite lettre à l’éditeur publiée en ligne par le New England Journal of Medicine du 15 avril 2020, agrémentée d’une brève vidéo fort instructive.
La méthode expérimentale repose sur la diffusion d’une source lumineuse (obtenue ici au moyen d’un laser), plus précisément sa diffraction par des particules connues. Si l’approche est sophistiquée, le principe est simple : toutes les particules diffusent la lumière, c’est ce qui fait le bleu du ciel avec la lumière blanche. Mais avec le laser… on change de lumière et de dimensions en passant du monde macroscopique à l’échelle de l’infiniment petit. L’angle, la fréquence et l’intensité de la diffusion de la lumière peuvent être mesurés avec une précision infinie pour déterminer la taille, la charge et la masse de divers matériaux ou particules, selon l’objet de l’expérience.
Des gouttelettes suivies à la trace
En l’occurrence, l’expérimentateur s’est intéressé aux gouttelettes émises en parlant grâce à un laser vert (émettant avec une longueur d’onde de 532 nm, puissance optique 2,5 W) qui a permis de générer un faisceau lumineux d’un mm d’épaisseur et de 150 mm de hauteur : une sorte de sonde immatérielle envoyée dans les fentes latérales d’une boite en carton mesurant 53 × 46 × 62 cm. L’intérieur de cette enceinte protégée de la poussière a été peint en noir.
Lors d’une prise de parole à l’entrée de cette boîte, ont été générées des gouttelettes qui ont parcouru un trajet de 50 à 75 mm avant de rencontrer le faisceau lumineux précédemment décrit. Une prise de vue de l’action en cours a été réalisée en vidéo grâce à un iPhone dont l’objectif était centré sur le faisceau grâce à un orifice de 7 cm. La diffusion de la lumière par les particules coupables a été enregistrée à la vitesse de 60 images par seconde, la taille des particules étant mesurée en ultra-haute résolution. Plusieurs clips vidéo ont été réalisés avec des orateurs portant ou non un masque (ou un équivalent).
Attention au « th »
Les mots “stay healthy” prononcés à l’entrée de la boîte ont abouti à l’émission de nombreuses gouttelettes de diamètre compris entre 20 et 500 μm, provoquant des « flashs » détectés dans le faisceau lumineux. L’intensité de ces derniers était le reflet de la taille des particules et la fraction de temps passée dans le faisceau - en l’occurrence une image de 16,7 msec- a également été évalué.
Le nombre de flashs était maximum avec la prononciation du son “th” du mot “healthy”. La répétition de la même phrase à trois reprises entrecoupées de pauses a engendré des phénomènes similaires avec des pics de flashs d’autant plus amples que la voix se faisait haute et vice versa. L’interposition d’un gant de toilette légèrement humide entre la bouche de l’orateur et l’orifice d’entrée de l’enceinte a annulé les flashs, leur nombre au cours des séquences oratoires précédentes tombant au niveau du bruit de fond (moyenne, 0,1 flash).
Cette étude élégante et originale illustre, au moins en théorie, le potentiel infectant de la parole si l’on se réfère à l’image obtenue grâce au laser : plus l’on parle fort, plus l’on émet de gouttelettes visibles, peut-être autant qu’en toussant ou en éternuant quand le verbe atteint trop de hauteur. La nature des mots et des syllabes prononcés n’est pas à l’évidence innocente, ce qui ne saurait surprendre. Certes, ces observations qui relèvent d’une situation expérimentale nécessairement réductrice, quelque peu éloignée de la vie réelle, ne portent pas directement sur la transmission respiratoire du virus, mais elles n’en attirent pas moins l’attention sur l’absolue nécessité des mesures de distanciation sociale et sur l’effet protecteur d’un masque éventuel – pas nécessairement un gant de toilette humide- pour les personnes engagées dans une conversation…
En ces temps où le SARS-CoV-2 sévit, restons donc économes en paroles, prenons nos distances avec les bavards et préférons ceux qui vous souhaitent une bonne santé plutôt que “stay healthy”…
Dr Peter Stratford
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire