Publié le 22/04/20
Dans un nouveau bulletin, le Comité national d'éthique complète sa contribution du début de l'épidémie en abordant quatre sujets spécifiques. Il revient notamment sur la question du tri des patients et l'isolement en Ehpad.
Face au "caractère exceptionnel et inédit" de la crise épidémique de la maladie Covid-19, le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) entend compléter sa contribution initiale du 13 mars sur les enjeux éthiques face à une pandémie (lire notre article). Il publie en ce sens un premier bulletin visant à approfondir quatre sujets identifiés sur l'accès aux soins et le respect de la dignité des populations vulnérables.
Il s'agit notamment de la question du tri des patients avant l'admission en réanimation. "Ce n’est pas l’âge en soi qui posera problème au séjour en réanimation mais la fragilité ou la vulnérabilité des personnes", note le CCNE, en rappelant la place de la volonté du patient. Il souligne un "principe minimal mais impératif", à savoir la collégialité des décisions des réanimateurs de limitation d'accès à la réanimation. "La discussion devrait inclure un nombre minimum de médecins séniors, dont un médecin extérieur au service, si possible ayant une compétence gériatrique", précise le CCNE.
Respect de l'individualisation des soins
Plus largement, les populations vulnérables sont susceptibles de souffrir d'une létalité de la maladie supérieure en raison de la limitation des admissions en milieu hospitalier. "Le premier principe à respecter est celui de maintenir l'individualisation du soin, du décès, du deuil et de la relation en général jusqu'au bout et au-delà, même dans ce contexte d'urgence collective", rappelle le CCNE. Pour les situations de fin de vie en Ehpad comme dans des structures d'accueil de personnes en situation de handicap, il appelle à une réflexion sur des aménagements exceptionnels pour permettre l'accès des proches, sous réserve d'une formation spécifique.
"Lorsque ces personnes n'ont ni famille ni proches, est-il possible de mobiliser des volontaires — là encore sous réserve d'une formation aux mesures de protection — pour ne pas laisser seules ces personnes et travailler, en lien avec les équipes mobiles de soins palliatifs, les équipes mobiles de gériatrie, les réseaux, sur ces situations ?", s'interroge le CCNE. Ce dernier estime enfin qu'un accueil dans un établissement sanitaire doit rester une possibilité pour éviter des fins de vie indignes des personnes vulnérables.
Le comité revient également sur le confinement des personnes âgées en institution comme à domicile, notamment celle présentant des troubles cognitifs. "Faudra-t-il aller jusqu'à contraindre ces personnes en leur appliquant des mesures de contention ? La réponse à cette question n'est pas évidente puisque, si "la liberté" de ces personnes doit être recherchée, son respect "absolu" peut mettre en danger la santé d'autres personnes ou d'un collectif dans le contexte de crise actuelle", explique le CCNE en insistant, là encore, sur le caractère collectif de la réflexion à mener en donnant des réponses individualisées.
Enfin, le comité aborde les difficultés soulevées par la mise en bière immédiate des patients décédés du Covid-19. Il invite à une prise en charge par un psychologue ou un psychiatre pour les familles qui manifestent une "souffrance difficilement supportable" en raison d'un deuil compliqué. Dans une position supplémentaire, le CCNE revient sur la réglementation relative aux dispositions funéraires. Il relève que ces dispositions sont "très mal comprises" en raison de "leur application parfois excessive et rigide". Il appelle ainsi les autorités ministérielles à une clarification et une explicitation des conditions d'application de ces mesures. "La bioéthique implique aussi de définir ce que les vivants doivent s'interdire de faire avec les corps des personnes défuntes", souligne-t-il.
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