Solutions sur mesure construites dans l'urgence pour répondre aux besoins des personnes handicapées, les accueils temporaires et autres dispositifs de répit qui se mettent en place montrent la capacité de réaction et de coopération des opérateurs.
À l'Institut médico-éducatif de Villeneuve d'Ascq, comme ailleurs la règle d'accompagnement, c'est un pour un.
Le 2 avril, lors de leur présentation des mesures pour soutenir les établissements et services médico-sociaux, garantir l’accès aux soins des personnes handicapées et prévenir l’épuisement des aidants, Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, et Sophie Cluzel, secrétaire d’État en charge des Personnes handicapées, ont incité les opérateurs à développer des relayages à domicile et à rouvrir des accueils temporaires (lire notre article) dans le cadre de la gestion de la crise Covid-19. La doctrine nationale a été modifiée en conséquence. Un petit tour de France, non exhaustif, montre que les professionnels ont su répondre à cette demande dont les modalités varient beaucoup en fonction des contextes locaux, des coopérations préexistantes et des interprétations de la doctrine par les ARS.
Les Papillons blancs de Lille (Nord) n'ont pas complètement fermé leur internat et leur centre habitat à l'institut médico-éducatif (IME) de Villeneuve d'Ascq (lire notre reportage). Depuis le début du confinement, quatre enfants polyhandicapés sont restés à l'internat et treize jeunes dans le centre habitat. Le 14 avril l'association a rouvert une unité supplémentaire pour six enfants polyhandicapés qui y sont accueillis pour une durée de 14 jours. Et ce 20 avril, un accueil temporaire de 14 jours rouvre, de la même manière, pour des jeunes déficients intellectuels, après évaluation par test des enfants et de leurs proches. Par ailleurs, l'association a maintenu ouvert un accueil de jour dans son IME de Seclin, pour offrir aux familles un répit complémentaire à ce qui est proposé dans le cadre de visites à domicile et répondre aux demandes de garde d'enfants en situation de handicap dont les parents sont personnels prioritaires. Cette unité accueille 8 à 10 enfants et adolescents âgés de 5 à 18 ans, précise l'association dans un communiqué.
Accueils de jour en Haut-de-France et Normandie
Pour cette dernière unité, les Papillons blancs de Lille, tout comme l'Apajh de la Somme et son accueil de jour jeunes autistes (lire notre article), ont bénéficié d'une dérogation accordée par l'ARS Hauts-de-France. L'Apei de Dieppe (Seine-Maritime) a également ouvert un accueil de jour à titre dérogatoire. "Nous avons démarré le 27 mars, explique à Hospimedia Nancy Couvert, directrice de l'Apei de Dieppe. C'est un dispositif collaboratif qui mobilise tous les acteurs qui prennent en charge les jeunes handicapés dans notre territoire de santé." Des acteurs que la directrice connaît bien puisqu'elle anime pour l'ARS Normandie la coordination de la coopération médico-sociale du territoire de Dieppe : "Nous sommes en contact régulier avec l'Apajh et les Pep et nous sommes également en lien avec le secteur de la protection de l'enfance puisque nous avons des usagers en commun. L'aide sociale à l'enfance (Ase) nous a fait remonter des situations explosives, tout comme certaines familles, notamment avec des jeunes qui souffrent de troubles psychiques et ne supportent plus le confinement."
Les retours de L'Ase et des familles sont excellents. Les jeunes sont apaisés et nous pensons avoir évité des hospitalisations en urgence.Nancy Couvert, directrice de l'Apei de Dieppe
L'accueil de jour est installé dans les locaux d'un IME fermé bénéficiant d'un grand parc et accueille aujourd'hui 17 enfants, 15 en moyenne par jour, avec un professionnel pour un enfant. "Au départ l'ARS n'était pas très favorable à cette organisation et préférait la réouverture d'un internat mais dans la mesure où nous étions tous convaincus que c'était la meilleure solution, elle nous a fait confiance", poursuit la directrice de l'Apei de Dieppe. Les enfants sont accueillis individuellement, ou par deux, de deux à cinq jours par semaine dans des locaux désinfectés plusieurs fois par jour, avec prise de température matin et soir et respect des gestes barrières. L'Apei de Dieppe gère par ailleurs un service de soutien à la parentalité handicapée. La situation de confinement où le parent devient éducateur à temps plein est difficile à vivre pour des parents déficients intellectuels. Alors le service propose de prendre individuellement leurs enfants à la journée dans une autre aile de l'IME déserté.
Des projets nés de la coopération interinstitutionnelle
Dans la Creuse, la solidarité interinstutitionnelle s'illustre avec le projet conjoint qu'ont présenté l'Association laïque pour l'éducation, la formation, la prévention et l'autonomie (Alefpa), l'Apajh de Creuse et l'Adapei à l'ARS Nouvelle-Aquitaine. "Nous avons proposé un projet de coopération à plusieurs étages le 27 mars, explique Nicolas Bazzo, directeur territorial de l'Alefpa. Le premier étage qui est aujourd'hui en place concerne le secteur de l'enfance. Il s'agit d'un soutien à l'Ase et aux situations complexes à domicile pour lesquelles nous avons rouvert trois internats (deux Alefpa, un Apajh). Pour l'instant il n'y a pas de besoin, mais nous sommes également prêts à rouvrir en urgence un IME pour accueillir des enfants Covid."
L'Alefpa n'a pas enregistré de demande de retour en internat de jeunes d'instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (Itep). Il faut dire que pour ces derniers, les visites à domicile n'ont pas été suspendues, sauf demande de la famille. Les professionnels vont régulièrement chercher les jeunes en individuel pour leur offrir ainsi qu'à leur famille un temps de répit. Le deuxième volet du projet creusois concerne la réouverture d'un accueil temporaire pour adultes sans le respect de la doctrine. "Cette expérience de gestion de crise nous montre qu'on est capable de passer d'un écosystème de filières à un écosystème qui s'adapte aux besoins des personnes. Il faudra qu'on se serve de cette expérience pour lever les freins administratifs qui nous empêchent parfois d'avancer", estime Nicolas Bazzo.
L'agilité associative à l'œuvre
En Haute-Vienne, l'Apajh a réussi à accueillir deux autistes adultes qui ne pouvaient plus être pris en charge dans les locaux habituellement mis à disposition de l'association. L'Apajh a réorganisé un accueil, en 48 heures dans les locaux de son IME. "Il a fallu réaménager et sécuriser l'espace prévu pour de jeunes déficients intellectuels à des adultes autistes aux problématiques complexes", explique Corinne Bouysse, directrice générale de l'Apajh de Haute-Vienne. Elle partage l'analyse de Nicolas Bazzo : "Cette crise nous oblige à faire preuve d'encore plus d'agilité. Ce qui nous prenait six mois à organiser avant, nous arrivons à le mettre en place en quelques jours, il faudra que nous puissions garder cette réactivité." Dans le Tarn, l'Apajh a rouvert une aile de l'IME pour y proposer des accueils individuels à la journée ou à la demi-journée. "On va chercher les enfants au domicile, et on les ramène, cela permet à tout le monde de souffler", explique Nathalie Guilhaumou, directrice de la plateforme enfance.
La découverte d'un nouveau public
À Ramonville-Saint-Agne (Haute-Garonne), l'Association Agir, soigner, éduquer et insérer (Asei) a fermé les portes de la cité de l'autonomie et de l'insertion (lire notre reportage) mais a réorienté deux enfants polyhandicapés vers son service de soins de suite et de réadaptation pédiatrique où les parents ont pu choisir de laisser confiné leur enfant ou de se confiner avec lui. "Nous n'avons jamais arrêté et même nous avons renforcé les visites à domicile mais aujourd'hui avec la crise qui se prolonge nous réfléchissons à rouvrir l'internat polyhandicap pour y proposer un accueil temporaire sur des périodes de 14 jours", explique Olivia Lévrier, sa directrice.
Une réouverture qui va se concrétiser cette semaine dans le secteur adulte par deux accueils temporaires en Mas. "Il s'agit de personnes identifiées par la maison départementale des personnes handicapées qui n'ont jamais vécu en institution mais dont les situations familiales sont en train d'exploser du fait du confinement, explique Laurent Massalaz, directeur du bassin Haute-Garonne. Nous allons les rencontrer chez eux avant de les accueillir de façon très individuelle. Cette crise nous révèle aussi des personnes que nous n'avions pas sous nos radars et qui ne sont pas moins prioritaires que celles que nous accompagnons au quotidien."
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