Par Nicolas Berrod Le 24 janvier 2023
Qualifiant la politique de répression menée jusqu’à présent d’« échec cuisant », le Conseil économique, social et environnemental (Cese) propose d’autoriser la vente aux majeurs, avec des garde-fous. Plusieurs médecins, divisés sur cette question, réagissent.
Bientôt la fin de l’amende pour avoir fumé un joint ? Le Conseil économique, social et environnemental (Cese), instance consultative, se prononce ce mardi en faveur d’une « légalisation encadrée » du cannabis. C’est ce qui ressort des travaux menés pendant un an par une commission temporaire, présidée par Jean-François Naton, conseiller confédéral CGT. Ce dernier pointe un « échec cuisant de la politique menée depuis une cinquantaine d’années », consistant à punir d’une amende de 200 euros(150 euros si la somme est versée directement ou dans les quinze jours) l’usage de ce stupéfiant.
Les membres de la commission ont auditionné de nombreuses personnes et ils se sont également déplacés sur le terrain, notamment dans le sud de la France. En recommandant la légalisation, « l’objectif premier est d’être guidé par des objectifs de santé publique », estime Florent Compain, porte-parole des Amis de la Terre France et l’un des deux rapporteurs de l’avis. Cette recommandation vise aussi à « affaiblir et assécher le plus possible » le trafic illégal, même si « on sait qu’il en restera une partie », complète l’autre corapporteur, Helno Eyriey, ex-président de l’Unef.
Le Cese part notamment du constat que près de la moitié des adultes ont déjà consommé du cannabis au cours de leur vie, contre environ un quart dans l’ensemble de l’Union européenne. Concrètement, des commerces légaux pourraient voir le jour, à condition d’obtenir d’une licence et que les gérants suivent une « formation obligatoire à la prévention et la réduction des risques ». La vente serait interdite aux mineurs et « toute propagande ou publicité en faveur du cannabis ainsi que toute distribution gratuite ou promotionnelle » serait bannie, sur le modèle de la loi Evin concernant le tabac.
Agriculture bio et auto-culture
Amine Benyamina, chef du service d’addictologie à l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif (Val-de-Marne), approuve à 100 % cette recommandation visant à légaliser le cannabis. « C’est une stratégie pragmatique qui limite les risques en matière de santé publique, sans que cela n’envoie un message à consommer davantage. Jusqu’à présent, les trafiquants avaient toujours gagné la bataille », développe-t-il. Il estime lui aussi que « la répression n’est pas vraiment efficace ».
Son confrère Jean-Claude Alvarez, chef de service toxicologique à l’hôpital de Garches (Hauts-de-Seine), n’est pas du tout de cet avis. Lui « ne voit pas du tout pourquoi on légaliserait une drogue sous prétexte qu’on n’arrive pas à l’interdire ». « Il faut arrêter l’hypocrisie de dire que les gens ne fumeront du cannabis qu’à partir de 18 ans car la vente sera interdite aux mineurs, et de penser que le marché illégal va disparaître en légalisant la vente », tonne-t-il, plaidant pour davantage « d’éducation » via notamment des clips télévisés.
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