Lorsqu’on est soigné pour une maladie chronique, suivre parfaitement son traitement peut sembler difficile. Il est temps de se déculpabiliser : ces freins sont toujours justifiés.
On estime qu’un patient atteint de maladie chronique sur deux ne prend pas correctement son traitement. Chez les médecins, cela s’appelle la non-observance. Ce terme culpabilisant sous-entend que le patient doit respecter l’ordonnance de son médecin sans poser de question. Pourtant, de nombreuses raisons peuvent mener à ces difficultés et des solutions adaptées sont toujours à envisager.
JE NE ME SENS PAS MALADE
Bien souvent, l’annonce de la maladie survient alors qu’on ne souffre pas de symptômes. C’est, par exemple, le cas des personnes souffrant d’un diabète de type 2 ou d’hypertension artérielle. Alors pourquoi changer ses habitudes de vie ou prendre régulièrement des médicaments ? Le traitement proposé a pour but d’éviter des complications à long terme ou d’en limiter l’impact. Mais encore faut-il que cela vous soit clairement expliqué.
Que faire
Si vous avez des doutes, interrogez votre médecin. À quoi sert le traitement ? Qu’est-ce que ça implique pour moi ? Quels sont les risques d’un oubli ? Toutes les questions sont bonnes à poser, si cela vous aide à mieux comprendre votre maladie et son traitement. Vous devez savoir, concrètement, les bénéfices que cela entraîne. Assurez-vous aussi que le médicament est la meilleure option. Dans l’hypertension, modifier ses habitudes alimentaires ou son activité physique est le premier traitement. Pour certains troubles mentaux comme la dépression ou l’anxiété, la psychothérapie est indiquée en priorité.
JE TROUVE QUE ÇA NE MARCHE PAS
Si vous avez l’impression que le traitement n’est pas efficace, vérifiez d’abord que vous respectez bien les recommandations de la notice. Certains médicaments doivent être pris à distance d’un repas pour être efficaces (comme la lévothyroxine/Levothyrox), d’autres pendant un repas ou encore le soir. Si vous respectez ces conseils, évoquez la situation avec votre médecin. Changer l’heure de prise ou adapter le dosage peut améliorer la situation.
Dans certains cas, le médicament est efficace même si vous n’en ressentez pas les effets. Les médicaments anticoagulants en sont un bon exemple : au quotidien, ils ne changent pas la donne, et pourtant, à long terme, ils aident à réduire le risque de complications cardiovasculaires. Il arrive aussi que certains traitements n’aient pas un effet immédiat, le temps que la dose nécessaire s’accumule. C’est notamment le cas des antidépresseurs, dont l’efficacité commence à s’observer après plusieurs semaines de traitement.
Que faire
Il est possible que le médicament ne soit réellement pas efficace. Il faut parfois tester plusieurs antidépresseurs avant d’en ressentir les bienfaits, et les antidouleurs codéinés ne marchent pas systématiquement. Voyez avec votre médecin si d’autres options sont disponibles. C’est souvent le cas.
J’OUBLIE MES COMPRIMÉS
Ne pas penser à prendre ses médicaments est assez fréquent. De fait, il n’est pas toujours évident de parvenir à intégrer la maladie chronique à une vie quotidienne déjà bien installée. Lorsque le traitement dure depuis des années, de nombreux patients se plaignent aussi d’une lassitude vis-à-vis de celui-ci. Parfois, cela se traduit par son arrêt temporaire. Il s’agit alors de faciliter la prise des médicaments autant que possible afin de limiter son impact sur le quotidien et la charge mentale.
Que faire
Si vous oubliez de prendre vos médicaments, essayez de changer les boîtes de place, en les mettant bien en évidence. Sur votre table de chevet si vous les prenez le soir ou le matin, à côté de la machine à café ou d’un autre endroit que vous fréquentez régulièrement. Vous pouvez aussi installer une alarme sur votre téléphone si vous les prenez à heure fixe.
Voyez avec le médecin s’il est possible d’adapter le rythme des prises : si vous ne mangez pas le matin et que le médicament doit être pris pendant un repas, il faut s’adapter. Si vous prenez plusieurs médicaments, demandez au pharmacien d’inscrire sur la boîte l’heure et le rythme des prises.
Pourquoi ne pas utiliser un pilulier ? Il en existe sous différents formats en fonction du nombre de médicaments et du rythme.
J’AI TROP D’EFFETS SECONDAIRES
Lorsqu’ils affectent la vie quotidienne, les effets indésirables d’un médicament peuvent mener à un arrêt du traitement. De même, s’ils provoquent plus de gêne que les symptômes de la maladie, l’intérêt du traitement peut être remis en question par le patient. C’est particulièrement le cas si vous souffrez de troubles qui ne provoquent pas de symptômes mais représentent un risque à long terme (hypertension, diabète…).
Que faire
Parlez-en avec votre médecin. Les doses peuvent être ajustées et les alternatives, lorsqu’elles existent, doivent être testées.
JE ME MÉFIE DU TRAITEMENT
Il arrive que des polémiques surviennent au sujet de certains médicaments. Chez le patient, cela peut susciter une méfiance vis-à-vis de ce qui a été prescrit. Parfois, c’est justifié, car le traitement n’a pas d’utilité démontrée (voir encadré ci-dessous). Dans d’autres cas, c’est le changement de formulation qui dérange. Le passage d’un médicament de marque à un générique, ou le changement d’un excipient, peut générer de l’inquiétude. C’est compréhensible puisqu’une légère modification peut affecter la tolérance ou l’efficacité de médicaments à marge thérapeutique étroite (antiépileptiques, lévothyroxine…).
Que faire
N’hésitez pas à interroger le pharmacien. Vous pouvez aussi demander à conserver la même marque de génériques, si cela vous rassure : il peut les commander pour vous. Vous pouvez évoquer ces inquiétudes auprès du médecin. Il doit vous présenter toutes les données disponibles : efficacité, effets indésirables à attendre. Vous êtes partie prenante de la décision de vous traiter, il faut donc être convaincu.
JE N’OSE PAS EN PARLER
Il n’est pas toujours facile d’assumer le fait qu’on ne suive pas ou mal son traitement. Beaucoup le cachent donc à leur médecin, par honte ou par sentiment de culpabilité. Pourtant, cela peut être lié à des conditions de vie dont l’équipe de soins n’a pas forcément conscience. Des difficultés à déglutir rendent pénible l’absorption d’un comprimé, l’isolement géographique complique le renouvellement des prescriptions, des troubles cognitifs favorisent l’oubli des prises de médicament, etc.
Que faire
Ces problèmes personnels peuvent être délétères pour votre santé. Si le médecin ne les connaît pas, il apportera des solutions potentiellement inadaptées, comme alourdir le traitement. Échanger avec le pharmacien est aussi une option : il peut proposer d’autres formes de traitement. Mais cela nécessite une relation de confiance qui n’est pas toujours acquise.
Prescriptions injustifiées • Ne vous forcez pas
Il peut arriver que le médicament prescrit par le médecin soit inutile pour vous, voire plus néfaste que bénéfique. Dans ce cas, la non-observance s’avère préférable. Voici quelques exemples.
L’industrie pharma aime l’observance
Pour les firmes pharmaceutiques, un bon patient est un patient « observant », qui consomme régulièrement et durablement les médicaments qu’elles commercialisent. Depuis 2009, la loi autorise la mise en place de « programmes d’éducation thérapeutique du patient », d’« actions d’accompagnement » et de « programmes d’apprentissage ». Censées améliorer l’observance des traitements, ces initiatives sont réglementées.
Pour limiter le risque de conflits d’intérêts, les firmes n’ont pas le droit d’organiser ces programmes, mais elles peuvent les financer, soit directement, soit par l’intermédiaire d’officines chargées de les organiser. Elles peuvent aussi recruter les professionnels de santé qui les présenteront. Eux sont autorisés à être en contact avec les patients. Leur influence est donc réelle, et la vigilance reste de mise. D’autant que les rares évaluations de ces programmes ont du mal à démontrer leur efficacité pour les patients.
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