Par David Larousserie Publié le 18 janvier 2023
CRITIQUE Dans un ouvrage accessible au plus grand nombre, Julien Bobroff nous guide de façon passionnante dans une science dont la seule évocation effraie le néophyte.
Le livre. Coïncidence bienvenue, la même semaine où le Français Alain Aspect recevait le prix Nobel de physique 2022, un de ses confrères, Julien Bobroff, publiait un ouvrage narrant le cœur du travail récompensé par l’académie suédoise. C’est heureux car le sujet, la physique quantique, est difficile. Et plus particulièrement ce qu’Alain Aspect a lui-même baptisé « la seconde révolution quantique ». Heureux aussi car cette vulgarisation est faite par l’un de ses plus brillants représentants, professeur à l’université Paris-Saclay, qui creuse ce terrain depuis plusieurs années. Soit avec ses étudiants, qui testent des méthodes pédagogiques innovantes, soit avec de futurs dessinateurs, graphistes, illustrateurs, soit encore avec le grand public sous forme de vidéos ou de conférences… Heureux, enfin, car ce livre suit le premier volet, en quelque sorte, qui présentait il y a deux ans seulement la première révolution quantique (La Quantique autrement, Flammarion, 2020).
La méthode est la même. Une plume alerte et passionnée, des images et analogies éclairantes (les photons polarisés sont des dauphins, le processeur d’un ordinateur quantique est une piscine à vagues…), et des dessins simples et clairs. S’ajoutent à cela de petits détails qui montrent que l’auteur a mouillé la chemise en se plongeant dans les articles de recherche ou qu’il a discuté avec ses collègues plus spécialistes que lui. L’ensemble est donc vivant pour balayer un sujet parmi les plus ardus de la science contemporaine.
Applications déjà là, ou presque
A notre connaissance, c’est même sans doute le livre le plus complet pour expliquer le fonctionnement de ces machines prometteuses que sont les ordinateurs quantiques, capables de surpasser un jour prochain les superordinateurs d’aujourd’hui sur des tâches particulières. Une bonne moitié du livre leur est consacrée.
Le reste vaut aussi le détour car les applications sont déjà là, ou presque, sans qu’on le voie vraiment. Il est donc question des horloges atomiques et de leurs successeures optiques, des liaisons sécurisées par la physique quantique, et des simulateurs quantiques, machines à ne pas confondre avec les ordinateurs quantiques et qui pourraient bien aider les physiciens et les chimistes de la matière, et aussi des gravimètres à atomes qui permettent de mesurer très finement les variations de gravité à la surface de la Terre et donc de mieux en comprendre la structure et la dynamique. Un chapitre est même consacré aux diamants, dont des petits défauts pourraient améliorer les instruments d’IRM ou faire du… calcul quantique.
Le contenu est donc riche, parfois un peu frustrant, car le lecteur transporté ainsi sur les sommets de la connaissance se sentirait prêt à aller encore plus haut. Le livre se termine par un exercice non pédagogique mais prospectif, voire réflexif, sur ces progrès stimulants. L’auteur se mouille cette fois pour répondre à des questions essentielles pour rester lucide face aux promesses : est-ce bien une révolution ? A quand l’ordinateur quantique ?
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