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vendredi 27 janvier 2023

Traitements de l’insomnie Peu d’efficacité et des risques

Publié le : 24/01/2023 

Pour répondre aux problèmes de sommeil des Français, l’offre de produits est abondante. Que Choisir fait le point sur les bénéfices et les risques des divers traitements disponibles.

Difficultés d’endormissement, réveils nocturnes… les troubles du sommeil montent en flèche. Selon la dernière vague de l’étude CoviPrev, menée par Santé publique France (SPF), 71 % des personnes interrogées ont eu du mal à dormir dans les huit jours précédant l’enquête. C’est 20 points de plus qu’avant la pandémie de covid, début 2020. Entre l’épidémie qui dure, l’inflation ou encore la guerre en Ukraine, rester serein relève de l’exploit. Et tomber, chaque soir, en toute confiance dans les bras de Morphée, aussi.

Résultat ? Alors que la consommation de somnifères avait tendance à diminuer grâce à des campagnes de sensibilisation de l’Assurance maladie et de la Haute autorité de santé (HAS) depuis 2012, elle est repartie à la hausse dès le début de la crise sanitaire. À l’instar, d’ailleurs, de celle des antidépresseurs et des anxiolytiques. Les données de remboursements disponibles ont montré une progression constante de la prescription d’hypnotiques entre le premier confinement et la troisième phase des mesures restrictives, au printemps 2021.

Ces médicaments – benzodiazépines et molécules assimilées comme le zolpidem (Stilnox) et le zopiclone (Imovane) – affichent pourtant un profil inquiétant. Leur efficacité est de courte durée et il faut augmenter les doses rapidement pour la maintenir. En outre, ils entraînent une dépendance dont il est difficile de se défaire. Leurs effets indésirables (pertes de mémoire, chutes et accidents…) s’avèrent importants, d’autant plus si on est âgé. Les antihistaminiques sur ordonnance sont à peine plus recommandables. C’est pourquoi les solutions alternatives, dites « douces », ont une légitimité.

Les fabricants l’ont bien compris. Les rayons des pharmacies et parapharmacies regorgent de traitements de phytothérapie destinés aux insomniaques. Présentées sous forme de gélules, de tisanes, de sirops, de comprimés, de poudres ou encore de sticks, en cocktail ou en association avec de la mélatonine, des plantes de toutes sortes sont proposées pour lutter contre les troubles du sommeil. À côté des classiques aubépine, valériane, mélisse et houblon, on trouve désormais des végétaux aux noms aussi exotiques que la Rhodiola (orpin rose), le Griffonia (un arbuste africain) et l’Eschscholtzia (pavot de Californie).

Malgré cette offre abondante, rares sont les produits capables d’apporter un soulagement. D’ailleurs, les médicaments de phytothérapie ont été déremboursés en 2006, en raison de la faiblesse du service médical rendu. La plupart surfent sur un usage traditionnel reconnu par les autorités, mais mal établi scientifiquement. Autre option, l’usage de la mélatonine se fonde sur des preuves faiblardes et un marketing dynamique. Difficile, cependant, de résister, car mal dormir a de grosses répercussions sur la vie quotidienne.

Avant de choisir l’un de ces remèdes, mieux vaut tenter de modifier ses habitudes. Et si l’insomnie persiste, aller consulter au lieu de se lancer dans l’automédication, afin de déterminer si derrière les difficultés à dormir ne se cache pas une pathologie, telle une dépression ou une hyperthyroïdie.

LES CLASSIQUES (EN VENTE LIBRE) • ATTENTION AUX POTENTIELLES INTERACTIONS

Étant donné les risques (somnolence résiduelle, accoutumance, dépendance) liés à la prise d’hypnotiques (ou somnifères), qu’ils appartiennent à la classe des benzos ou des antiallergiques, ou encore à la famille Z (zolpidem, zopiclone), les traitements en vente libre, a priori plus sûrs, rencontrent du succès. Pour preuve, leur prolifération en parapharmacies. La mélatonine y est omniprésente, souvent associée à des végétaux. Les autorités sanitaires déconseillent pourtant ces cocktails, en raison de potentielles interactions. Les produits les plus simples sont à privilégier. Les pharmaciens proposent aussi la doxylamine, en vente libre mais rangée derrière le comptoir, en raison de ses effets indésirables.

Doxylamine • Pas pour les personnes âgées

► Donormyl, Lidène et génériques

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L’activité de la doxylamine sur le sommeil est indiscutable. Il s’agit d’un antihistaminique, classe employée avant tout dans les allergies, mais son effet secondaire sédatif en a fait un médicament contre l’insomnie. Cette molécule est surtout utile concernant celle dite « de maintien », se manifestant par des réveils nocturnes prolongés. Son point fort ? Elle ne provoque ni accoutumance ni dépendance. Cependant, ses effets indésirables sont nombreux :

  • somnolence résiduelle en journée ;
  • risque de chute la nuit – dont les conséquences peuvent être graves pour les plus âgés – ;
  • sécheresse de la bouche ;
  • constipation ;
  • vision floue ;
  • et, parfois, confusion mentale.

Et plus on vieillit, plus ils s’amplifient. Les personnes à risque de glaucome à angle fermé ou de rétention urinaire ne doivent pas en prendre. Voilà pourquoi, malgré son efficacité, ce traitement n’est pas à prendre à la légère et doit rester, dans l’idéal, ponctuel.

Mélatonine • Beaucoup de bruit pour pas grand-chose

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Au rayon sommeil, la mélatonine joue les stars. Nous produisons naturellement cette hormone, dont le rôle est de synchroniser notre horloge biologique avec le cycle jour-nuit. En fin de journée, lorsque la lumière baisse, le cerveau en sécrète davantage. C’est le signal envoyé à notre organisme pour lui indiquer qu’il est l’heure d’aller au lit. Les labos ont extrapolé qu’avec une supplémentation en mélatonine de synthèse – sans même évaluer une éventuelle carence –, les insomniaques trouveraient enfin le repos. Or, aucune preuve de cet effet n’a été avancée. Comme complément alimentaire (à une concentration inférieure à 2 mg) ou comme médicament (à des dosages supérieurs), la mélatonine a montré un léger recul du délai d’endormissement. Mais elle ne diminue pas le nombre de réveils nocturnes ni n’augmente la durée du sommeil. D’ailleurs, la Haute autorité de santé (HAS) a estimé que le service médical rendu (SMR) de sa forme médicamenteuse, réservée aux plus de 55 ans, était faible.

Les instances européennes ont tout de même accordé aux fabricants le droit de mentionner qu’elle soulage l’impression de jet-lag et qu’elle réduit le temps d’endormissement. Bref, elle ne sert pas à grand-chose. Et mieux vaut y réfléchir à deux fois avant d’en prendre, car ses effets indésirables sont nombreux et documentés : somnolence, maux de tête, éruptions cutanées, désordres digestifs, troubles du rythme cardiaque. La mélatonine est déconseillée aux femmes enceintes et allaitantes, aux enfants, ou encore aux personnes souffrant d’une maladie auto-immune ou inflammatoire. Beaucoup d’interactions avec d’autres spécialités ou compléments ont, en outre, été constatées. Si vous êtes sous traitement, insuffisant rénal ou hépatique, consultez d’abord votre médecin. Et dans tous les cas, préférez les produits de composition simple.

LA PHYTOTHÉRAPIE (EN VENTE LIBRE) • EFFETS LIMITÉS… SAUF POUR VOTRE PORTE-MONNAIE

Hormis la valériane (lire ci-dessous), aucune des plantes médicinales que la pharmacopée répertorie pour leurs vertus sédatives (1) n’affiche une efficacité sur l’endormissement, la qualité du sommeil ou sa durée formellement établie.

Sous forme de médicament, leur commercialisation repose sur « un usage traditionnel à des fins médicales […] d’au moins 30 ans avant la date de la demande, dont au moins 15 ans dans l’Union européenne », spécifie l’ANSM. Leurs fabricants sont, à ce titre, dispensés de produire des essais cliniques. La mention « Traditionnellement utilisé pour réduire la nervosité des adultes et des enfants, notamment en cas de troubles du sommeil » doit figurer sur la notice. Les médicaments ont pour eux de garantir les standards de fabrication de l’industrie pharmaceutique.

Les compléments alimentaires répondent à une réglementation différente. Leur étiquetage est succinct et les mises en garde sont rares. Leurs allégations sont encadrées par l’Union et gérées par l’Agence européenne du médicament (EMA). Quand il n’y en a pas, c’est que leur effet est… anecdotique.

Valériane (Valeriana officinalis) • Une racine solide

► Tranquital (médicament), Optinuit (complément), PiLeJe Phytostandard Eschscholtzia valériane (complément)…

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Très prisée en Europe et aux États-Unis, la valériane est utilisée en automédication pour apaiser les insomnies légères. À raison. Malgré des études de qualité inégale, bâties sur des critères d’évaluation hétérogènes, la racine de valériane semble accélérer l’endormissement et améliorer la qualité du sommeil, à condition d’en prendre pendant plusieurs semaines. 

En consommer une fois ou sur quelques jours ne suffit pas. Son action sédative est faible mais, au vu des résultats, elle constitue une bonne alternative aux somnifères, dont les effets indésirables rebutent. Toutefois, en rayon, difficile de s’y retrouver parmi les nombreuses marques et formes de valériane ! Pharmacies, boutiques bios, herboristeries et webmarchands proposent quantité de produits aux présentations et aux dosages complètement différents. Entre les tisanes, les gélules, les comprimés, ou encore les gouttes, il y a de quoi perdre le nord. L’étiquetage, souvent peu explicite, n’aide pas beaucoup. Le mieux ? Orientez-vous vers des extraits secs. Ils sont issus d’un procédé d’extraction dans un solvant (eau et/ou alcool), qui subit ensuite une évaporation.

C’est dans le résidu ainsi obtenu que se concentrent les principes actifs du végétal. La poudre simple, elle, contient des valépotriates, soupçonnés de nocivité. La posologie quotidienne se situe entre 400 et 600 mg. Une tisane sera nécessairement moins dosée. Peu d’effets indésirables sont à craindre avec la valériane, hormis, parfois, des maux de tête.

Aubépine, camomille, Eschscholtzia, houblon, passiflore, tilleul, verveine • Si vous y tenez…

► PiLeJe Phytostandard Aubépine passiflore (complément), Herbesan Sommeil serein (complément)…

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Quelques-unes de ces plantes, comme la passiflore, ont révélé une activité sédative ou calmante sur des souris. Par contre, aucun essai clinique sur l’humain n’a prouvé de bienfait franc. Quel que soit le procédé, elles sont présumées d’intérêt thérapeutique mineur, mais sûres. Ces produits ont toutefois un coût et, en période d’inflation, il s’agit d’une dépense en plus, pour un résultat au mieux anecdotique. Cependant, en infusion, ils peuvent apporter un réconfort propice au sommeil. Attention aux propriétés diurétiques de la tisane : se lever plusieurs fois pour aller aux toilettes ruine une bonne nuit de repos.

À noter, l’Eschscholtzia (ou pavot de Californie) n’a pas montré son efficacité, les essais étant de mauvaise qualité. Son innocuité est a priori garantie, toutefois les données manquent et mieux vaut s’en passer avant l’âge de 18 ans. Ni le Griffonia ni la Rhodiolan’ont d’indication dans le sommeil.

Ballote (Ballota nigra) • Possible toxicité hépatique

► Euphytose (médicament), ErgyCalm (complément)

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Avant d’être déremboursé, en 2006, pour « service médical rendu insuffisant », l’Euphytose était donné largement, y compris aux adolescents, car cela évitait de prescrire des produits entraînant accoutumance et dépendance. Il est encore très présent en pharmacie, qui plus est en accès libre. Or, la star des spécialités phyto contient, comme ErgyCalm (un complément alimentaire), de la ballote (Ballota nigra). Si cette plante ne présente pas de toxicité aiguë, l’hypothèse d’une nocivité chronique est posée, en raison d’hépatites survenues dans le cadre d’utilisations au long cours. Le doute devrait inciter les fabricants à l’exclure de leurs formules. D’autant que son action sédative n’est pas documentée. Tournez-vous plutôt vers un complément à base de valériane seule, éventuellement en combinaison avec une plante médicinale sans effet secondaire connu.

Lavande vraie (officinale) • Action sédative à prouver

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Un produit à base d’huile essentielle de lavande, à prendre par voie orale, est proposé à la vente par les marques Schwabe et Pranarôm. Plus facile à trouver, l’huile essentielle en flacon s’utilise par diffusion (arômathérapie) mais peut aussi être ingérée. L’efficacité de la lavande sur le sommeil n’est pas franchement établie. Si elle existe, c’est par le biais d’une réduction de l’anxiété. En plus, l’huile essentielle de lavande expose à des troubles digestifs. 

LES SOMNIFÈRES (SUR ORDONNANCE) • IL EST PRÉFÉRABLE DE S’EN PASSER

En France, plus de 4 millions de personnes consomment des somnifères. En maison de retraite, c’est pire : une étude sur un échantillon de résidents a montré que plus de la moitié d’entre eux en prenaient… Hypnotiques ou anxiolytiques, les benzos et molécules apparentées sont efficaces peu de temps et cumulent les tares, surtout chez les patients les plus âgés. Les autorités sanitaires ont tenté de freiner leur usage en ramenant leur prise en charge par l’Assurance maladie à 15 %, contre 65 % auparavant, et en limitant la prescription à 28 jours pour les hypnotiques. Au-delà de cette durée initiale, l’ordonnance doit être renouvelée par un médecin. Deux antihistaminiques complètent l’arsenal.

Famille Z • Plus c’est court, mieux c’est !

► Zopiclone (Imovane et génériques), zolpidem (Stilnox et génériques)

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Les deux molécules sont arrivées sur le marché auréolées d’une meilleure réputation que les benzodiazépines. Avec le temps, le tableau s’est assombri. Elles aussi induisent accoutumance et dépendance. L’effet sur le sommeil s’atténue donc très vite, ce qui conduit à revoir le dosage. Stopper le traitement est difficile, à cause de l’addiction et du syndrome de sevrage qui l’accompagne. Le zolpidem est aujourd’hui classé comme stupéfiant, et doit faire l’objet d’une ordonnance sécurisée. Signalons d’autres effets indésirables : risque de chute et somnolence diurne, facteur d’accidents de la route.

Benzodiazépines • En dernier recours

► Hypnotiques (estazolam/Nuctalon, loprazolam/Havlane, lormétazépam, nitrazépam/Mogadon) et anxiolytiques (oxazépam/Séresta, alprazolam/Xanax, bromazépam/Lexomil, etc.)

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Si les benzodiazépines améliorent l’endormissement et allongent d’une heure le sommeil (moins de 30 minutes chez les plus de 60 ans), le répit est 
de courte durée. Après deux à quatre semaines, survient l’accoutumance, l’efficacité n’est plus la même. La dépendance, elle, rend le sevrage difficile. Voilà pourquoi la prise doit, dans l’idéal, être ponctuelle et ne jamais dépasser un mois pour les hypnotiques, trois pour les anxiolytiques.

D’autant que les effets indésirables sont importants :

  • risque de chute chez les personnes âgées ;
  • somnolence diurne favorable aux accidents de la route ;
  • confusion ;
  • perte de mémoire…

À l’arrêt du traitement, surtout s’il est trop long, il est possible qu’un rebond se produise, avec une résurgence de l’insomnie et des manifestations d’anxiété. Dans le cas où vous êtes sous benzo depuis longtemps, voyez avec le médecin pour la stopper progressivement.

Antihistaminiques • Bien trop forts

► Prométhazine (Phénergan), alimémazine (Théralène), hydroxyzine (Atarax)

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Contrairement aux benzodiazépines, les antihistaminiques sédatifs – qui sont aujourd’hui supplantés dans les allergies par des molécules aux effets secondaires moins prononcés – ont en commun avec la doxylamine de n’entraîner ni accoutumance ni dépendance. Mais ils possèdent les propriétés habituelles des antihistaminiques. Ils provoquent :

  • sécheresse buccale ;
  • vision floue ;
  • occlusion intestinale ;
  • confusion ;
  • troubles du rythme cardiaque ; 
  • etc.

Et ce sont, en plus, des neuroleptiques dits « cachés », avec des effets tels que :

  • tremblements et raideurs (syndrome parkinsonien) ;
  • baisse de la libido ;
  • ou prise de poids liée à un appétit augmenté.

Ce qui fait beaucoup pour dormir un peu mieux ! L’hydroxyzine n’est pas classée comme somnifère ni comme neuroleptique, mais a une action sédative certaine. Des notifications d’accidents, parfois mortels, relatifs à des troubles du rythme cardiaque ont été mentionnées à l’occasion de sa réévaluation.

Pratique • Dormir sans drogue

Plutôt que de recourir aux médicaments, adopter des mesures d’hygiène peut aider à remettre les pendules à l’heure.

  • Dépensez-vous ou faites du sport, de préférence en journée. La fatigue engendrée par l’exercice physique accroît la pression du sommeil. Le soir, abstenez-vous, car l’élévation de la température du corps ne favorise pas le sommeil.
  • Exposez-vous à la lumière du jour, afin de donner les bonnes indications de synchronisation à votre organisme. À l’inverse, évitez la lumière artificielle, en particulier celle des écrans de téléphone ou d’ordinateur, trop tard dans la soirée. En effet, cela retarde la sécrétion de mélatonine, l’hormone du sommeil.
  • Évitez café, thé, alcool et nicotine quelques heures avant d’aller au lit. Dans l’idéal, limitez-les dès l’après-midi.
  • Ne vous couchez pas parce qu’il est l’heure. Attendez les signaux de l’endormissement.
  • Dormez dans une chambre peu chauffée. Il faut que votre température corporelle baisse légèrement, afin que le sommeil puisse venir. Pour la même raison, ne prenez pas de bain chaud le soir.
  • Consultez un médecin si ces changements simples ne suffisent pas. Il établira un plan de bataille drastique, avec réveil tous les jours à la même heure, coucher uniquement sur signes d’endormissement, lever en cas d’insomnie, siestes limitées, etc.

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