Au service de réanimation de l’hôpital Jacques-Cartier de Massy (Essonne). Photo Yann Castanier
Les états généraux qui s’ouvrent ce lundi ne sauraient ignorer le manifeste pour les soignants, synthèse des appels à l’aide de toute la profession.
Ils l’ont tous signé, ou du moins approuvé individuellement. Aussi bien les membres fondateurs du collectif Inter-Urgences que ceux du collectif Inter-Hôpitaux. Mais aussi des médecins en leur nom propre, des soignants, des infirmières, des cadres, tous se retrouvant dans un long texte, «Manifeste pour les soignants», pour sauver l’hôpital et notre système de santé. Ce manifeste, que Libération publie ce lundi, premier jour du «Ségur de la Santé» - à l’image d’un Grenelle, mais avenue de Ségur, où se trouve le ministère de la Santé -, veut jeter les bases d’un nouvel horizon pour un hôpital qui aura résisté magnifiquement à la première vague du Covid-19. «Ce fut un miracle, souligne la Dr Sophie Crozier. Mais s’il ne se passe rien, la chute sera terrible.» Le manifeste se veut «historique», comme le programme du Conseil national de la résistance. «On nous a dit qu’il fallait travailler sur le jour d’après, qu’il fallait arrêter de ressasser le passé, eh bien voilà, indique à Libération le professeur André Grimaldi, qui a coordonné ce travail de réflexion. Les grandes réformes sont liées aux périodes de crise. C’est ce que l’on a tenté de faire. Et dire haut et fort que la santé est un bien commun.» Cette urgence et cette nécessité que partagent les signataires, Emmanuel Macron l’a sentie également, reconnaissant ainsi pour la première fois une erreur lors de sa visite à la Pitié-Salpêtrière le 15 mai. Son ministre de la Santé, Olivier Véran, précisant : «Nous avons fait le bon diagnostic, nous avons pris les bonnes orientations. Mais nous n’avons été ni assez vite ni assez fort… Il faut désormais répondre au malaise des soignants par des mesures d’ampleur et dans une certaine mesure radicales.»
Gravité
Depuis deux ans, il est vrai, c’était un dialogue de sourds. Se sont succédé trois plans, aucun n’ayant de vraie consistance, chacun provoquant une forte déception. En écho, il y a eu cette grève de plus d’un an de plus d’une centaine de services d’urgences, un malaise grandissant qui s’est traduit par une fuite importante de personnels quittant l’hôpital public. Il y a eu aussi l’annonce inédite de la démission de 1 300 chefs de service. Le gouvernement n’avait manifestement pas pris la mesure de la gravité de la situation. Il a donc fallu le Covid-19 pour casser cette erreur stratégique. En annonçant le 15 mai la tenue d’un Ségur de la santé, le chef de l’Etat a détaillé les quatre «piliers» sur lesquels devra reposer le futur plan : «Revalorisation des carrières à l’hôpital et dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ; plan d’investissement et réforme des modèles de financement ; mise en place d’un système plus souple, plus simple, plus en proximité, en revalorisant le collectif ; mise en place d’une organisation du système de santé fondée sur le territoire et intégrant hôpital, médecine de ville et médico-social.» Des piliers que tout le monde approuve.
Le manifeste des soignants arrive à point, dressant une liste de pistes, mais aussi de décisions à prendre. Va-t-on rééquilibrer le pouvoir au sein de l’hôpital entre gestionnaires et personnel médical, après avoir voulu décréter que l’hôpital était «une entreprise» ? Les médecins auront-ils un droit de veto sur la politique de leur établissement ? Mais surtout va-t-on augmenter les salaires du personnel soignant, et finir de considérer la santé comme un puits sans fin de dépenses ? Va-t-on se donner les moyens d’une réelle coordination entre l’hôpital et la médecine de ville ? Fera-t-on en sorte que les personnes âgées ne soient plus cloisonnées dans des lieux sans moyens ? Quid aussi de la prévention, faille majeure face au Covid-19 ? Et aura-t-on l’audace de donner à l’usager de la santé une vraie place dans la gouvernance de l’hôpital ?
Impatience
Ces questions n’ont rien de théorique, car des travaux pratiques se profilent dans l’immédiat. Par exemple, en juin, la rénovation prévue du CHU de Caen débute, mais elle doit entraîner la fermeture de 200 lits : est-ce bien justifié ? Le projet parisien de transformation de l’Hôtel-Dieu en galerie marchande va-t-il se poursuivre ? On pourrait ainsi multiplier les exemples. Les enjeux sont là. Pour beaucoup, le moment peut se révéler historique. Ce lundi, le Ségur de la santé doit s’ouvrir par une grande vidéoconférence avec intervention du Premier ministre. Les conclusions sont attendues d’ici mi-juillet. Avec impatience : des manifestations se multiplient ces jours-ci, comme devant les hôpitaux Tenon et Robert-Debré à Paris, mais aussi à Pau et dans d’autres villes.
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