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lundi 25 mai 2020

« Ségur de la santé » : sept semaines pour « refonder » le système de soins français

Rémunération, temps de travail, organisation entre la médecine de ville et l’hôpital : le gouvernement a ouvert de nombreux dossiers face aux attentes du monde hospitalier. La concertation commence aujourd’hui.
Par  Publié le 25 mai 2020
Manifestation du personnel soignant devant l’hôpital Robert-Debré à Paris, le 21 mai.
Manifestation du personnel soignant devant l’hôpital Robert-Debré à Paris, le 21 mai. STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
Le chef de l’Etat en avait pris l’engagement en mars, au plus fort de la crise. Le « Ségur de la santé », du nom de l’avenue parisienne où se trouve le ministère des solidarités et de la santé, sera officiellement lancé lundi 25 mai. A 15 h 30, le premier ministre, Edouard Philippe, et le ministre de la santé, Olivier Véran, annonceront par visioconférence à quelque 300 représentants du monde de la santé le déroulement et le cadre de cette concertation. Pilotée par l’ancienne secrétaire générale de la CFDT Nicole Notat, elle doit aboutir avant mi-juillet, soit d’ici sept semaines, à une « refondation du système de santé » français.
Rémunération, temps de travail, organisation entre la médecine de ville et l’hôpital… A l’exception d’une hausse des effectifs, sur laquelle il n’a pris aucun engagement, le gouvernement a ouvert de nombreux chantiers. N’ayant eu de cesse de courir après le malaise du monde hospitalier depuis le début du quinquennat, avec déjà deux plans santé à son actif, il a cette fois placé la barre très haut. « Nous bousculerons les corporatismes, les habitudes, les inerties. Nous serons transgressifs s’il le faut », a promis Olivier Véran, le 20 mai, en assurant aux professionnels de santé que « rien ne sera plus jamais comme avant ».

Cinq jours plus tôt, Emmanuel Macron avait donné le « la » lors d’une visite à l’hôpital parisien de la Pitié-Salpêtrière« On a sans doute fait une erreur dans la stratégie annoncée il y a deux ans », avait-il reconnu. La réforme du système de santé annoncée en septembre 2018 « ne portait pas assez de sens » et avait « un rapport au temps et une ampleur qui n’étaient pas du tout suffisants par rapport à l’état où était l’hôpital », avait admis le chef de l’Etat.

Le monde hospitalier retient son souffle

Après de telles paroles, le monde hospitalier retient son souffle. Ni la grève massive des urgences en 2019, ni la démission de plus de mille deux cents chefs de service en début d’année n’avaient suscité des promesses d’une telle ampleur. C’est la crise sanitaire due au Covid-19 qui aura finalement permis ce plan « massif »« Après les “gilets jaunes”, le gouvernement avait ouvert les vannes aux policiers, après la réforme des retraites, aux enseignants, et là ils vont donner aux soignants », relève un spécialiste du secteur, pour qui un tel geste est une « nécessité politique ».
Qualifiés de « héros en blouses blanches », applaudis aux fenêtres tous les soirs à 20 heures, les personnels hospitaliers savent qu’ils disposent d’une fenêtre politique exceptionnelle et poussent les feux au maximum pour obtenir la satisfaction de leurs revendications. Des médecins et des paramédicaux réunis au sein d’un collectif baptisé « Les jours heureux » ont par exemple publié, lundi 25 mai dans Libération, un manifeste pour un « service public de soins plus fort et plus juste ». Des rassemblements ont eu lieu ces derniers jours devant l’hôpital Robert-Debré à Paris, ainsi qu’à Toulouse ou à Saint-Etienne. Onze organisations syndicales et professionnelles ont appelé à une nouvelle journée de mobilisation nationale pour défendre l’hôpital public le 16 juin.
Si nul ne sait jusqu’où le gouvernement est prêt à redessiner le système de santé, la revalorisation des salaires à l’hôpital et dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) est actée tant l’attractivité des métiers du soin est devenue critique. Dans les hôpitaux de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), des centaines de lits sont par exemple fermés par manque de personnel soignant.

« Défiance »

Quel sera le montant de la hausse ? Et à quel moment interviendra-t-elle ? « Il y a une telle défiance chez les soignants que ce serait un signal fort de l’annoncer lundi », estime Anne Gervais, l’une des porte-parole du Collectif inter-hôpitaux, qui craint que, sans l’annonce rapide d’une hausse, « le mouvement de fuite s’accélère ».
Une fourchette d’augmentation semble d’ores et déjà se dessiner. « L’an dernier, j’avais proposé 100 euros net de plus par mois, il faudra semble-t-il aller plus loin, assure le député La République en marche (LRM) de Charente Thomas Mesnier, qui pourrait être élu, mercredi, rapporteur général de la commission des affaires sociales en remplacement de M. Véran. Pour l’élu, également référent santé à LRM, « il est raisonnable de réfléchir à parvenir progressivement à la moyenne européenne, soit aux alentours de 300 euros de plus par mois ». Une telle augmentation représenterait entre 3 et 4 milliards d’euros par an en plus pour le budget de la « Sécu ».
Jusqu’à présent, pour éviter de toucher à la grille indiciaire de la fonction publique hospitalière, le gouvernement avait multiplié les primes ciblées. Les infirmiers et aides-soignants des services d’urgences avaient obtenu une prime de 100 euros net par mois. En novembre, Agnès Buzyn avait accordé aux 40 000 infirmiers et aides-soignants travaillant à Paris et en petite couronne et gagnant moins de 1 900 euros mensuels une prime annuelle de 800 euros, soit 66 euros par mois. « Ces réponses catégorielles créent des incompréhensions entre soignants, il faut faire attention à ne pas balkaniser l’hôpital », met en garde un directeur de centre hospitalier universitaire, qui plaide pour une « revalorisation substantielle, visible et pour tous ».
D’autres chantiers accompagneront cette revalorisation des salaires : possibilité de travailler plus pour ceux qui le souhaitent, meilleure valorisation du travail en équipe ou « montée en compétence » des paramédicaux, comme c’est déjà le cas pour les infirmiers en pratique avancée, a annoncé M. Véran.
Outre les salaires, le futur plan devrait reposer sur trois autres piliers : investissement dans les bâtiments et le matériel, mise en place d’une gouvernance plus souple et « plus déconcentrée », et enfin nouvelle organisation du système de santé basée sur le territoire. Au cours des sept prochaines semaines, des questions aussi variées que les missions des agences régionales de santé, la répartition des pouvoirs au sein de l’hôpital ou le poids de la tarification à l’activité devraient être abordées. « Il ne faut pas faire table rase de ce qu’on fait depuis trois ans et notamment dans “Ma santé 2022” », prévient toutefois Thomas Mesnier, qui rappelle que toutes les mesures de cette loi n’ont pas encore eu le temps d’être effectives.
Les mesures issues du Ségur de la santé devraient figurer dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale qui sera présenté à l’automne au Parlement. Un budget qui prévoit déjà un déficit exceptionnel de 41 milliards d’euros en 2020, avant même toute nouvelle mesure en faveur de l’hôpital.


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