À l'issue d'un état des lieux sur l'action et le fonctionnement de plus d'une centaine de conseils locaux de santé mentale durant le confinement, des pistes pour l'avenir sont dressées par le Centre national de ressources et d'appui aux structures.
Les conseils locaux de santé mentale (CLSM), malgré "l’adversité" liée à l’épidémie de Covid-19, ont montré et montreront "encore plus dans un avenir proche leur impérieuse nécessité, partout sur le territoire national". C'est l'un des enseignements tirés d'un état des lieux sur le fonctionnement et l'action des CLSM au cours de la période inédite de confinement des Français en période de pandémie, selon une synthèse diffusée ce 25 mai par le Centre collaborateur de l’Organisation mondiale de la santé (CCOMS) de Lille (Nord). Adossé au CCOMS, le Centre national de ressources et d’appui aux CLSM a en en effet mené une enquête de terrain à laquelle de nombreux conseils ont répondu (lire encadré), permettant de tirer des perspectives pour l'avenir pour renforcer le rôle de ces structures.
Méthodologie de l'enquête
Dès le début du confinement, le CCOMS a développé "des outils pour appréhender le retentissement de cette crise sanitaire" sur le fonctionnement de ces conseils locaux. Un appel à communication des actions et des retours d'expérience des CLSM sur la prévention de l'impact du confinement sur la santé mentale a ainsi été mené. La conduite d'un groupe de travail a ensuite permis de "dégager les questions essentielles, de les mettre en forme et de mener une enquête en ligne par auto-questionnaire auprès de l’ensemble des coordonnateurs des CLSM". L’évaluation a porté à la fois sur l’état de santé mentale de la population générale, des personnes vivant avec un trouble psychique et des personnes vulnérables, ainsi que sur le niveau d’action des conseils locaux, en particulier dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Au final, 102 coordonnatrices et coordonnateurs de CLSM représentant 121 structures (sur les 178 coordonnateurs en fonction en France, représentant 244 CLSM) ont répondu aux 24 questions de l'enquête entre le 28 avril et le 12 mai 2020.
Les CLSM ont été, comme d'autres acteurs sanitaires, médico-sociaux et sociaux, les témoins durant la crise de l'amplification des difficultés des populations vulnérables. Parmi elles, le renoncement aux soins, l'isolement ou encore les syndromes de glissement chez les personnes âgées. Les réponses de coordonnateurs montrent la variabilité des situations territoriales, l’impact du confinement sur les organisations et la population mais aussi "les réaménagements salutaires, la créativité, la solidarité" (familiale, de voisinage, associative et/ou municipale), et "la réactivité des services de psychiatrie de secteur et des services sociaux". Parmi les enseignements "positifs", ont été identifiés la prise de conscience sur le terrain local "de l’importance des déterminants sociaux sur la santé et le fait que la santé mentale concerne (...) tous les citoyens, et pas uniquement celles et ceux vivant avec des troubles psychiques".
Impliquer les services de psychiatrie pour "aller vers"
Dans leur très grande majorité (84%), les CLSM ayant répondu à l'enquête ont maintenu leur fonctionnement (même très partiel), avec "une forte mobilisation de la psychiatrie publique, des services sociaux, des élu(e)s, des représentants des usagers, des familles ainsi que des services sociaux". Dans plus de 56% des CLSM répondants, des actions de décloisonnement institutionnel ont été mises en place. Cependant, pour 32% des sondés, ce cloisonnement (par exemple, entre secteurs sanitaire, social, médico-social) s'est accentué pendant la crise. Les outils numériques ont été utilisés par 49% des répondants et nombreuses lignes d'écoute et de soutien psychologique ont été mises en place. Près de 60% des sondés ont mis en œuvre des actions pour les personnes les plus fragiles.
Il ressort notamment de ce panorama la nécessité de "remettre en œuvre les diagnostics territoriaux de proximité pour comprendre et orienter les actions, analyser les réelles retombées de cette période en s’appuyant sur des informations fiables (...) et éviter d’être démunis à l’avenir". Il s'agit de sensibiliser et former davantage à la santé mentale les acteurs locaux, "développer les actions partenariales qui permettent "d’aller vers" les habitants", en impliquant notamment les services psychiatriques et sociaux. Mais également de "mettre en place des dispositifs de débriefing post-traumatique, avec une attention particulière aux professions soignantes, aux personnes directement exposées au virus et aux aidants" et d'assurer le suivi "essentiel des personnes âgées". La création de postes de médiateurs de santé est préconisée, ainsi que l'utilisation du matériel de la Croix-Rouge pour le repérage des difficultés psychiques.
Des études complémentaires à mener
Le CCOMS souligne en conclusion que "des recherches complémentaires sont nécessaires" pour étudier les répercussions de la crise sur la santé mentale de la population. Les coordonnateurs pointent en effet la nécessité d'établir des diagnostics pour guider précisément les actions les plus urgentes. Cela peut se traduire par la mise en place d'une cellule de veille sanitaire pour définir les publics prioritaires, de mener un étude sur les variations des tentatives de suicide et diagnostics psychiatriques, de prévoir des temps d'échanges entre CLSM, etc.
Cette première enquête de terrain met en tous cas en évidence "l’importance d’une véritable politique de proximité en santé mentale", note le CCOMS. Dans les mois à venir, cet état des lieux sera poursuivi et partagé par le Centre national de ressources et d’appui aux CLSM dans le contexte de l'installation des nouveaux conseils municipaux, pour permettre "d’analyser les changements que cette crise a provoqué sur le fonctionnement, les orientations et les actions concrètes" des conseils locaux en santé mentale. Par ailleurs, pour les prochaines semaines d’information sur la santé mentale (reportées cette année du fait de la crise), il est suggéré de programmer des actions articulant la thématique "santé mentale et discrimination" et les expériences vécues dans ce contexte de pandémie.
Caroline Cordier
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