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mardi 26 mai 2020

S’affranchir de la gravité avec Philippe Halsman, et se libérer

Par Merryl Moneghetti   25/05/2020

Quelle révolution de perceptions et de l’imaginaire pourrions-nous puiser à partir de l’œuvre inventive du photographe Philippe Halsman et de son itinéraire, à la fois tragique et joyeux ?

L'actrice Jean Seberg, l'année où elle a rencontré Romain Gary, en 1959 - série "jumpology"
L'actrice Jean Seberg, l'année où elle a rencontré Romain Gary, en 1959 - série "jumpology" Crédits : Philippe Halsman/Magnum Photos/RSF

Merryl Moneghetti, productrice des Cours du Collège de France, sur France Culture, vous propose de "défier la gravité", en sa compagnie, dans tous les sens du terme.

Un inconnu célèbre

Philippe Halsman (Riga, Lettonie, 1906 – New York, 1979) est cet inconnu célèbre dont chacun a pu apprécier un des clichés, sans savoir le nom de l’auteur : Einstein, en 1947, le regard grave et tragique qui nous fixe (il vient de confier au photographe, qu’il connaît bien, le poids qui pèse sur sa conscience d’avoir participé à la création de la bombe atomique), Cocteau affublé de 6 mains, Hitchcock, un oiseau posé, ailes déployées, sur son long cigare… Brigitte Bardot, à Saint-Tropez en 1955, bondissante et joyeuse, suspendue dans les airs, au-dessus d’un époustouflant paysage de calanque…
Alors que les graves crises s’enchainent et que nous ne cessons de sauter dans un inconnu vertigineux, et que la pandémie avec son confinement nous a suspendu entre "un monde d’avant" et "un monde d’après", Reporters sans frontières, pour son numéro de printemps a eu la bonne idée d'inviter ses lecteurs à un "saut" pour la liberté de la presse. Le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire, nous propose de goûter "la joie enfantine de sauter dans les flaques (…) tout en affrontant les cataclysmes", en revenant sur l’oeuvre jubilatoire de Philippe Halsman et sur sa fameuse jumpology, qui est l’art de sauter devant un objectif. Ainsi l’actrice Jean Seberg, en 1959, folle de joie dans son pyjama chinois, suspendue hilare dans les airs, son chat à portée de bras, dans le cadre cosy de son salon.
Comment peut-elle sauter ainsi ? Nous ne le saurons pas. Chaque photo, magique, garde son mystère. Philippe Halsman, jadis maître des effets de lumières dans sa période expérimentale, dans le Paris des années 1930, chasseur de spontanéité, joue savamment des effets de révélation.

Une philosophie du saut

La jumpology est donc à la fois un dispositif photographique et un manifeste philosophique. Après avoir mis en confiance des modèles parfois timides, inquiets ou rétifs face à l’exercice du portrait, grâce une atmosphère intimiste et une équipe resserrée (souvent le photographe et son assistant ou sa femme, elle-même photographe), il s’agit, en fin de séance de prise de vue, de faire sauter verticalement des personnalités, et de déclencher la très grande vitesse. Dès les années 1930, Halsman a mis au point un "gadget" d’instantanéité, selon ses mots, pour réaliser ses premiers portraits d’écrivains - en commençant par Gide - avec une caméra à double lentille. Le résultat est à fois dynamique et réjouissant, tout en ouvrant bien des perspectives.
Depuis son invention dans les années 1950, l’art de sauter verticalement devant un objectif a été copié, Philippe Halsman invitant, dès 1959, le public à effectuer sa propre jumpology. Le dispositif est en partie démocratisé aujourd’hui par les possibilités techniques des appareils numériques, sans égaler l’original. Prendre une photo est à la portée de tous, en faire une éternelle qui entre dans l’histoire, c’est autre chose !

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