Un essai documentaire tourné aux soins palliatifs des Diaconesses, à Paris, aborde avec grâce les dures questions de la maladie et de la mort.
Paris, 14 heures. Le personnel soignant du service de soins palliatifs de l’hôpital des Diaconesses se rassemble autour d’une table afin d’échanger sur les états de santé de leurs patients. «Il faut être très douce avec lui. Ce monsieur vendait de la porcelaine.» La boutade tendre est lancée à une infirmière qui s’est occupée de la toilette d’un homme souillant son lit. Triste à l’idée de ne plus être autonome, le patient a laissé voir sa colère. Mais nous, sa colère, nous ne la verrons pas, elle restera hors-champ. Perrine Michel va plutôt nous faire graviter autour des paroles des soignants, de ce qu’ils se racontent, et donc nous racontent à la faveur du documentaire les Equilibristes. La cinéaste française a façonné cette autofiction, fondée sur son expérience auprès des services de soins palliatifs, lieux où l’on ne vient pas tant pour guérir que pour attendre au mieux le soulagement de la douleur et la mort inéluctable. Pendant la mise en place du projet, la mère de la cinéaste tombe malade, d’un cancer «agressif». Perrine Michel décide alors dans son documentaire d’ajouter des bribes de conversations où l’on entend sa voix, pas celles de ces interlocuteurs (une sœur, des médecins, la mère en question) qui resteront, tout comme les patients, hors-champ également. Ces bribes dans le documentaire viennent émailler des scènes où quatre danseurs dans un carré lumineux, dont la cinéaste, effectuent des protocoles de mouvements, comme celui de se laisser tomber à terre.
C’est sa manière de tenir le coup à Perrine Michel, danser pour exorciser, pour vivre encore, son palliatif à elle, face à la mort. Les Equilibristes tiennent en cela un corps composite mêlant fragments de documentaire social, expériences performatives du corps, bouts de Super 8, conversations téléphoniques : les respirations de plus en plus fortes exhalées par certaines danses donnent l’impression que la cinéaste maintient sa mère en vie, par du bouche-à-bouche, ou du souffle qui circule entre les images et les mondes invoqués là. C’est à la fois pesant (la gravité de certains cas évoqués) et léger (cette façon qu’a le personnel soignant de rire sans se moquer, d’accompagner avec douceur), et ce ruban sonore que la cinéaste laisse dérouler et qui fait penser dans sa sensibilité à une Annie Ernaux faisant le portrait sa mère, nous tient là jusqu’au dernier souffle, accroché à la vie.
Les Equilibristes documentaire de Perrine Michel, 1h39.
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