Les bugs informatiques se sont multipliés depuis l’été, empêchant les étudiants de s’inscrire à l’université ou de suivre leurs cours à distance.
A la mi-juillet, les 64 000 étudiants du nouvel établissement devaient procéder à la traditionnelle inscription administrative qui permet la délivrance d’un certificat de scolarité et d’une carte d’étudiant après paiement des droits d’inscription. Mais sur la plate-forme de l’université, la démarche est impossible. Le report d’une semaine n’y change rien et les inscriptions administratives sont finalement reprogrammées fin août.
« Plus le temps passait, plus on découvrait des bugs, témoigne une enseignante sous le couvert de l’anonymat. Il y avait plusieurs cas de figure : des numéros d’identifiant bloqués ou bien avec un chiffre manquant… J’ai vite compris que rien n’avait été anticipé. » Pas même la création des nouvelles adresses e-mail « u-paris » ou encore l’édition des nouvelles cartes d’étudiant qui, estampillées du logo de l’université (une tour Eiffel traversant un U en lettre capitale) n’ont jamais pu sortir des imprimantes, « frappées d’obsolescence », selon l’enseignante.
« Autogestion »
Actuellement, « les inscriptions administratives sont toujours en cours », indique Etienne Matignon, vice-président étudiant. A la faculté de psychologie, la rentrée a eu lieu lundi 12 octobre, soit un mois après la date prévue. Sur Twitter, Béatrice, étudiante en première année, avait fait part de son mécontentement après deux reports. Elle s’est retrouvée « bloquée » par le compte de l’université, de même qu’une autre étudiante qui venait de partager une pétition dénonçant la situation.
Pour tenter de parer à cette rentrée incertaine, pas moins de 300 étudiants de première année (sur 900) se sont fédérés dans un groupe, sur l’application de discussion Discord. « Nous partageons les cours et la bibliographie de l’an dernier que nous ont transmis d’anciens étudiants de psycho. C’est de l’autogestion », poursuit Béatrice.
Selon Sandrine Berroir, enseignante de géographie, le service des inscriptions administratives ne compte plus que deux personnels pour 64 000 étudiants. « Ils reçoivent chacun plus de 300 mails par jour, on peut donc comprendre pourquoi il y a des problèmes », rapporte-t-elle.
Du côté des services, on confirme les difficultés, mais aussi une grosse fatigue. « Tous les jours, des étudiants nous demandent si on ne peut pas essayer de faire plus. On fait déjà tout notre possible », confie une gestionnaire pédagogique. Alors que le service des inscriptions est en cours d’intégration de la base informatique fusionnée – baptisée Apogée –, « on s’aperçoit que la chaîne n’a pas été établie », explique-t-elle. « On a passé en mode production ce nouveau portail que nous n’avions pas totalement testé, cela a été fatal. Rien ne nous obligeait à aller si vite », complète un autre.
« On est vraiment dans le démerdentiel »
En passant à « l’échelle industrielle », l’université de Paris a joué gros, et les serveurs informatiques fusionnés n’ont pas suivi. Cruciale en cette période de crise sanitaire, la plate-forme de cours en ligne Moodle en a fait les frais elle aussi, empêchant enseignants et étudiants de se connecter pour travailler. « Il s’agit d’un problème systémique et pas conjoncturel. On veut le regroupement des services à tout prix, ce qui fait que des gens qualifiés ont démissionné. A la direction informatique, il y aurait jusqu’à 40 postes en moins », dénonce Yves Charon, professeur de physique.
Pour diffuser ses cours, François Laroussinie a donc créé une chaîne YouTube. « On est vraiment dans le “démerdentiel”. Un fossé se creuse entre le terrain, où on écope à la petite cuillère, et ceux qui parlent au nom de l’université de Paris, grande université de recherche », raille l’enseignant en informatique.
Dans une réponse écrite aux questions du Monde, la présidente de l’établissement, Christine Clerici, concède « une rentrée particulière ». Elle explique que les problèmes informatiques rencontrés « sont en partie explicables par un retard pris dans la création d’un système d’information unifié dû au confinement et à la généralisation du distanciel dans tous les métiers et notamment en scolarité avec la dématérialisation totale des inscriptions ». S’agissant des départs de personnels dans les services support, Christine Clerici indique que cette « mobilité professionnelle [est] habituelle et propre à la fonction publique ». Et d’ajouter : « Il n’y a aucune suppression de poste, au contraire, nous recrutons. »
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