Porté par le charisme de Carlo Brandt, ce court thriller psychologique interactif a le charme des premières fois.
Arte.tv -À la demande -Film interactif
« Ordesa », contraction de « hors de ça », fait référence au Horla, la nouvelle de Guy de Maupassant (1850-1893), dont il a écrit deux versions. C’est l’édition de 1887 qui a inspiré le film hybride Ordesa, celle où le narrateur conte la lente possession de l’esprit du protagoniste par une entité mystérieuse.
Le texte offre plusieurs interprétations. Le lecteur peut choisir de se placer en témoin de la dérive mentale du narrateur, de celle de l’écrivain, en confident ou encore comme la cause de sa folie. Le réalisateur Nicolas Pelloille-Oudart reproduit ce procédé dans Ordesa, en proposant au spectateur de participer à une expérience interactive inédite, qui mêle les codes de la fiction à ceux du jeu vidéo.
Comme pour tout « game », mieux vaut consulter le tutoriel avant de se lancer. A priori, l’usage est simple. Le spectateur se « déplace » en inclinant son écran (smartphone ou tablette) à l’intérieur de longues scènes grâce à une vision à 360 degrés – en forêt, dans une clairière, devant une maison blanche, à l’intérieur des pièces. Et, selon où se porte son regard – l’embrasure d’une porte, une fleur, une fenêtre –, il ouvre une des deux ou trois scènes suivantes possibles. Plusieurs versions d’Ordesa existent donc, mais elles mènent toutes au même final. Ce qui fait que, sans cet avertissement préalable, le spectateur ne s’en rendrait pas compte.
« Miser sur l’atmosphère et les silences »
On est loin du spectaculaire de l’immersion 3D. Pour autant, le procédé est sophistiqué. « Il fallait permettre au spectateur de “bouger” la caméra. Trois grandes phases de test ont amené à réécrire l’histoire à chaque fois », indique Nicolas Pelloille-Oudart en introduction. Le coscénariste, Nicolas Peufaillit, s’est chargé des adaptations : « Nous avons choisi de réaliser une expérience peu dialoguée. Et de miser sur l’atmosphère et les silences. »
Il faut effectivement attendre de longues minutes avant d’entendre autre chose que le tic-tac d’une horloge ou le grincement des gonds d’une porte. Et de voir apparaître une jeune femme, Lise (mystérieuse Melissa Guers), déposée en voiture par un ami (Lorenzo Lefebvre). Tout est fait – musique, brume… – pour que le spectateur comprenne qu’il doit s’inquiéter.
Les plans panoramiques se succèdent, lentement, jusqu’à la découverte d’une belle demeure un peu délabrée. Dans le hall, les pièces aux tonalités de rose ou de gris, l’esthétique oscille entre tableau d’artiste et décors de jeux vidéo. Le bruit d’un rabot précède l’apparition de Carlo Brandt, acteur charismatique (Déjà mort, en 1998, Kaamelot, à partir de 2007, Le jour attendra, en 2013…) dans le rôle du père de Lise.
La maison semble hantée. On retrouve là la patte de Nicolas Peufaillit, créateur de la série Les Revenants [également coscénariste primé aux Césars pour Un prophète (2009), de Jacques Audiard]. A moins qu’il ne s’agisse de « signes » d’un drame familial. La tension, la violence contenue, entre le père et sa fille, montent par paliers. Le « jeu » consiste à observer les acteurs tâtonner pour faire ressurgir le passé.
Le suspense tient ses promesses jusqu’au dénouement de ce thriller hors du temps et pionnier. Perfectible mais prometteur.
Ordesa, de Nicolas Pelloille-Oudart, coécrit avec Nicolas Peufaillit. Avec Mélissa Guers, Carlo Brandt, Lorenzo Lefebvre, Juliette Bettencourt, Delphine Dubreuil (Fr., 2020, 45 min). Disponible sur Arte.tv pour mobile, tablette et Apple.TV.
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